Les électeurs de la communauté autonome de Catalogne, en Espagne, sont appelés à réélire leur parlement régional le 14 février prochain. Selon les sondages, le parti conservateur Vox a toutes les chances de faire irruption pour la première fois dans le parlement de Barcelone.
Sondages plutôt favorables à Vox
Crédité d’environ 6 % des voix, Vox pourrait même passer devant le Parti populaire (PP) de centre-droit qui ne fait pas de bons scores en Catalogne. Dans les derniers sondages, il talonne le parti centriste Ciudadanos (C’s), en forte baisse par rapport aux élections précédentes. Autant dire que même avec un score probablement modeste, Vox compte dans ces élections. Les favoris de cette élection sont le Parti socialiste catalan (PSC), la branche catalane du PSOE du premier ministre Pedro Sánchez, et la gauche républicaine catalane (ERC), un parti indépendantiste de gauche, suivi du parti indépendantiste de centre-droit Junts puis, loin derrière, à portée de Vox, les amis catalans du vice-premier ministre Pablo Iglesias, du parti d’extrême gauche Podemos.
Twitter et « la haine »
C’est dans ce contexte électoral que le média social américain Twitter, dont l’engagement politique et idéologique à gauche n’est plus à prouver, a suspendu pour une semaine le compte Twitter du parti Vox après un tweet qui mettait en avant la surreprésentation des « mineurs étrangers non accompagnés » dans la délinquance en Catalogne. Un tweet qui s’accompagnait du hashtag « #StopIslamización ».
Le tweet en question relayait un autre tweet où le nombre de mineurs à Mataró, ville de 130 000 habitants sur la côte de la province de Barcelone, était mis en parallèle avec le nombre de délits commis par les autochtones et les mineurs étrangers non accompagnés : avec 70 plaintes concernant neuf mineurs étrangers non accompagnés contre 5 plaintes concernant les mineurs locaux, selon les statistiques policières de Mataró, ces neuf mineurs étrangers représentaient ainsi 0,2 % des mineurs de Mataró et 93 % des plaintes en 2020 (selon la situation au mois de mai 2020), selon le calcul de l’auteur du Tweet en question.
Le tweet de Vox, publié le 27 janvier était imprécis : il reprenait ce pourcentage sans préciser où cela se passe, en rappelant que la majorité de ces mineurs étrangers non accompagnés proviennent du Maghreb et en critiquant la situation laissée en Catalogne par les dirigeants en place et leur « complicité avec la délinquance importée ». Le message imprécis de Vox était suivi d’un lien au tweet original, qui contenait, lui, les données précises. Les censeurs de Twitter ont apparemment considéré que mettre en avant les données policières sur la délinquance étrangère violait ses règles « qui interdisent les comportements d’incitation à la haine », selon le message reçu par l’administrateur du compte Twitter de Vox.
Les médias de grand chemin espagnols en soutien de Twitter
Les grands médias espagnols ont applaudi. Exemple : le journal El Diario s’est étendu sur le Tweet commis par Vox, mais sans préciser que les données relayées par Vox étaient des statistiques policières. Ainsi que le fait remarquer El Diario, « ce n’est pas la première fois que Twitter gèle temporairement le compte du parti d’extrême droite. En janvier de l’année passée, il avait déjà été suspendu pour un tweet considéré comme offensif pour le collectif LGBTI ».
Sur le site de la radio-télévision publique espagnole (RTVE), on peut trouver un long article de type « désintox » qui apporte un démenti détaillé au supposé « bobard » de Vox. RTVE explique doctement que les tweets (celui relayé par Vox et celui de Vox) « se réfèrent aux délits commis dans la municipalité de Mataró, pas dans toute la Catalogne » (les caractères gras proviennent de l’article de RTVE). C’est tout à fait vrai, mais il suffisait en réalité de bien lire ces deux tweets pour s’en rendre clairement compte.
Quelques chiffres révélateurs
En revanche l’article de RTVE apporte des informations intéressantes sur la délinquance étrangère en Catalogne. On y apprend ainsi que les citoyens des pays du Maghreb résidant en Catalogne comptent pour 3,16 % de la population et y commettent 15,6 % des crimes et délits (il faut faire le calcul soit même à partir des nombres absolus fournis sur un graphique illustrant l’article). Ce ne sont pas les 92 % de Mataró, mais c’est déjà un score « honorable ». On y apprend aussi que « seuls » 18 % des mineurs étrangers non accompagnés commettent des crimes ou délits en Catalogne, et « seulement » 12 % commettent des faits graves. En ce qui concerne les crimes et délits sexuels, les immigrants, qui représentent 11 % de la population espagnole, étaient « seulement derrière 35 % des délits sexuels en Espagne » en 2019, nous apprend RTVE. Avec des statistiques pareilles, on s’étonne que Twitter n’ait pas encore bloqué le compte de RTVE.
En ce qui concerne la commune de Mataró, un article de La Vanguardia du 31 mai 2020, intitulé « Les habitants de Mataró organisent des patrouilles de voisinage nocturnes contre la délinquance », expliquait combien la situation était explosive à cause des délits commis par de jeunes « migrants » arrivés en Espagne en tant que mineurs étrangers non accompagnés, et comment les habitants avaient d’abord organisé des actions de protestation puis des manifestations contre leur présence avant de mettre en place des patrouilles nocturnes pour se protéger eux-mêmes ; si le tweet de Vox était imprécis, ce n’était pas un bobard.
Mais il faut dire que Santiago Abascal, le leader de Vox, a lancé en janvier une campagne contre le pouvoir de censure des Big Tech et que son parti dénonce leurs agissements au parlement espagnol et au Parlement européen. Après avoir vu son compte bloqué par Twitter, le parti Vox a voulu, au travers du groupe Identité et Démocratie dont il fait partie, organiser une discussion sur la censure des Big Techs à la Commission des libertés civiles du Parlement européen. Les partis PP et Ciudadanos, concurrents de Vox pour les élections du 14 février en Catalogne, ont voté contre.