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Le VRP du complotisme Rudy Reichstadt était sur RFI début février

11 avril 2021

Temps de lecture : 9 minutes
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Le VRP du complotisme Rudy Reichstadt était sur RFI début février

Temps de lecture : 9 minutes

Red­if­fu­sion. Pre­mière dif­fu­sion le 15/02/2021

Quand le mot « complot » paraît, ce qui n’est guère rare, Rudy Reichstadt entre en scène. Il est partout. Il serait « le » spécialiste, celui qui aurait « l’expertise » en la matière. Ainsi, RFI voulait évoquer le « complotisme » le 5 février 2021, alors Rudy Reichstadt était l’invité, « l’incontournable ». Ce qui, à force de passages de radios en radios, donne à entendre, plus que les mêmes arguments, exactement les mêmes phrases. Rudy Reichstadt dans le texte.

Le complotisme comme fonds de commerce

D’abord dif­fusé sur les ondes en for­mat réduit, l’entretien inti­t­ulé « Les dynamiques actuelles du com­plo­tisme », avec Rudy Reich­stadt, a ensuite été mis en ligne en ver­sion longue sur la page de l’émission de RFI « L’atelier des médias ».

L’invité est présen­té ain­si : « L’Ate­lier des médias reçoit Rudy Reich­stadt, directeur de ConspiracyWatch.info, l’ob­ser­va­toire du con­spir­a­tionnisme et des théories du com­plot. Auteur de L’opium des imbé­ciles, paru en 2019 chez Gras­set, il alerte depuis de nom­breuses années sur l’ampleur et la dan­gerosité du com­plo­tisme. » Une présen­ta­tion qui n’est pas men­songère, Reich­stadt se présente, est régulière­ment présen­té ain­si, est bien l’auteur de ce livre et dirige effec­tive­ment ce site cen­sé être de même incon­tourn­able (pour les médias de grand-chemin) sur la ques­tion du com­plo­tisme. Cepen­dant, et c’est l’une des pra­tiques fort con­testa­bles des médias dits offi­ciels, la présen­ta­tion de l’invité est incom­plète, volon­taire­ment incom­plète. Car Rudy Reich­stadt n’est pas seule­ment l’invité ain­si décrit, il est aus­si, le por­trait de son par­cours pro­posé par l’OJIM le mon­tre, un VRP du com­plo­tisme, un com­plo­tisme qu’il pré­tend com­bat­tre, le con­fon­dant allè­gre­ment avec un scep­ti­cisme de bon aloi, afin d’en vivre. Le com­plo­tisme est le fond de com­merce de Rudy Reichstadt.

De la mairie de Paris à la Mémoire de la Shoah

Ancien chef du bureau des affaires finan­cières du ser­vice de la jeunesse et des sports de la mairie de Paris, tout se tient dans le monde libéral lib­er­taire, il vit depuis 2015 de son activ­ité de directeur de l’Observatoire du com­plo­tisme grâce au sou­tien financier de la Fon­da­tion pour la Mémoire de la Shoah, dont l’on peut se deman­der ce qu’elle vient faire ici, les « com­plo­tismes » con­tem­po­rains ayant peu ou pas à voir avec la sec­onde guerre mon­di­ale ou avec l’antisémitisme. Expert en com­plo­tisme auto-proclamé, Reich­stadt tra­vaille pour le Mémo­r­i­al de la Shoah dont il est la tête de pont dans les étab­lisse­ments sco­laires ou à la mairie de Paris, laque­lle, l’amitié aide tou­jours, lui a con­fié de nom­breuses for­ma­tions sur le complotisme.

Par ailleurs, l’IFOP sem­ble ne plus pou­voir se pass­er de lui, ain­si que France Cul­tureFrance Inter, Fran­ce­in­fo, RFI… Tous les médias d’État, bien sûr, mais aus­si les out­ils de pro­pa­gande offi­ciels, tels que le CLEMI pour le milieu sco­laire. Un signe ?

La rhétorique rodée et répétitive de Reichstadt

Et donc des médias, struc­tures poli­tiques et cul­turelles qui lui ouvrent leurs portes en grand en permanence.

Il est aus­si invité parce qu’il vient de « lancer en col­lab­o­ra­tion avec Fran­ce­in­fo un pod­cast inti­t­ulé Com­plo­rama », émis­sion que l’OJIM présen­tera sous peu. Reich­stadt con­tin­ue ain­si à faire son nid partout.

La mise en scène enta­mant l’émission :

  • Elle débute par des cita­tions enten­dues ou lues mille fois d’américains qui pensent, par exem­ple, que la Terre est plate. Pre­mier élé­ment de lan­gage : « nous » allons par­ler de con­cep­tions ridicules.
  • Cer­tains médias ne joueraient pas leur rôle, par­mi les médias offi­ciels, étant « plus act­ifs que pas­sifs dans la dif­fu­sion des théories du complot ». 

Les prin­ci­paux élé­ments de lan­gage, pronon­cés sur RFI début févri­er, comme partout ailleurs par Reich­stadt sont :

Les théories du com­plot « ont franchi un palier en 2020 ». Pour Reich­stadt, « ce qui est nou­veau c’est la manière dont inter­net (…) a redis­tribué les cartes du point de vue de l’influence sociale que ces théories peu­vent avoir. Il s’est passé quelque chose en 2020, de l’ordre d’une accéléra­tion de l’histoire, une exten­sion rapi­de de cet imag­i­naire dans des frac­tions de la pop­u­la­tion qui étaient imper­méables. Évidem­ment que la pandémie a joué un rôle dans cette his­toire mais une des illus­tra­tions de ce phénomène c’est la migra­tion d’un phénomène com­plo­tiste comme QAnon des États-Unis vers l’Europe ».

L’État profond américain n’existe pas

Accéléra­tion ? Reich­stadt dit la même chose depuis 2017. Le fonds de com­merce a besoin d’être actu­al­isé à chaque instant, sans quoi il perd sa rai­son d’être. L’affirmation selon laque­lle une exten­sion du com­plo­tisme en Europe serait illus­trée par la dif­fu­sion de QAnon est intéres­sante : si les lecteurs de l’OJIM pou­vaient nous éclair­er à ce pro­pos et nous indi­quer une masse de cas de mil­i­tants QAnon qui agis­sent par exem­ple en France… S’ensuit, de la part de Reich­stadt et de RFI une déf­i­ni­tion de la mou­vance QAnon, de façon évidem­ment restreinte, afin de la ridi­culis­er : « il y aurait un com­plot d’une élite inter­na­tionale pédo-sataniste con­tre l’administration Trump, et Trump asso­cié à un mys­térieux per­son­nage nom­mé Q, qui pub­lie des mes­sages sur un obscur forum (ndlr : pourquoi est-ce si dif­fusé et si impor­tant si c’est telle­ment « obscur ») et que Trump serait en train de men­er un com­bat com­plète­ment fan­tas­mé comme un Etat pro­fond, un Deep state ». Les mem­bres de QAnon seraient des « adeptes » fuyant « hors du réel ». Une secte, en somme. Leur fan­tasme serait « un coup d’État mil­i­taire ». Un fan­tasme « con­sub­stantiel ». Les mem­bres de QAnon vivraient dans « une réal­ité par­al­lèle ».

La présen­ta­tion vise au ridicule. Mais elle tombe un peu à plat en ces mois de révéla­tions mas­sives sur les affaires de pédophilie et d’incestes qui touchent presqu’exclusivement le monde libéral-lib­er­taire ou des indi­vidus pro­tégés par des acteurs majeurs de ce monde, affaires qui du reste n’épargnent pas la mairie de Paris où Reich­stadt a com­mencé sa car­rière, et qui l’emploie pour inter­venir dans ses écoles.

À complot, complot et demi

Le com­plo­tisme serait donc dan­gereux. Les événe­ments du Capi­tole le démon­tr­eraient, évène­ment dont la respon­s­abil­ité incomberait à la présence du com­plo­tisme dans l’imaginaire col­lec­tif améri­cain et à la manière dont Trump aurait joué poli­tique­ment avec cela. Reich­stadt en prof­ite surtout pour indi­quer que la vision com­plo­tiste de Trump con­siste ici à remet­tre en ques­tion la valid­ité des élec­tions. Chose impos­si­ble pour les médias libéraux lib­er­taires français puisque c’est un démoc­rate qui a été élu. Il se passe exacte­ment l’inverse chaque fois qu’un répub­li­cain est élu : les médias Français se mobilisent alors pour con­tester l’élection, en prenant pri­or­i­taire­ment comme argu­ment ce qu’ils con­sid­èrent, dans ce cas-là, mais pas dans le cas inverse, comme une injus­tice : le sys­tème élec­toral indi­rect. A com­plot, com­plot et demi donc. Tout dépend de qui l’emporte.

L’interrogation suiv­ante porte sur le pro­fil des « adeptes du com­plo­tisme ». Pour Reich­stadt, « plus on est extrémiste plus on est per­méable». La réponse ne suf­fit pas pour « L’Atelier des médias » : « Pour par­ler franche­ment, est-ce que le com­plo­tisme est une mal­adie qui toucherait plus les class­es pop­u­laires que les milieux aisés et éduqués ? ». Une con­cep­tion du monde pour les cons, en somme.

L’emploi du mot « mal­adie » est révéla­teur. Pour Reich­stadt, être en dif­fi­culté sociale, économique, per­son­nelle, peu instru­it, favoris­erait l’adhésion. Comme pour les sectes, la fragilité per­son­nelle et la croy­ance en des con­cep­tions apoc­a­lyp­tiques, attirerait.

À aucun moment, l’émission n’explique ce qui est ici enten­du par le terme « com­plo­tisme » ou l’expression « théorie du com­plot ». Le pod­cast dure 40 min­utes, traite d’un sujet pré­cis. Mais le sujet en tant que tel n’est jamais expliqué ni défi­ni. La ques­tion se pose pour­tant : qu’est-ce qu’un com­plot ? Que sont le com­plo­tisme, le con­spir­a­tionnisme, les théories du com­plot ? Pourquoi ne pas les définir ? Com­ment par­ler sérieuse­ment de sujets que l’on ne définit pas avant de pass­er 40 min­utes à en parler ?

Retour des Sleeping Giants

Par­mi les sujets traités ensuite, vient la ques­tion du finance­ment du com­plo­tisme : finance­ment du film Hold up, Dieudon­né qui se lance dans les assur­ances, sites par­tic­i­pat­ifs sur inter­net, accu­sa­tion con­tre les plates formes telles que YouTube et Face­book. L’émission veut dénon­cer le finance­ment et s’y atta­quer, d’où l’éloge de Sleep­ing Giants. Si les moti­va­tions poli­tiques du com­plo­tisme domi­nent, il y aurait aus­si d’importantes moti­va­tions économiques : le com­plo­tisme serait une manière de gag­n­er large­ment sa vie. Pire : en don­nant une vit­rine aux « com­plo­tistes », les médias favoris­eraient leurs théories. Cela ne doit pas être inter­dit, affirme Reich­stadt, mais les médias en ques­tion doivent être con­sid­érés comme respon­s­ables. Il ne demande pas une cen­sure offi­cielle, sim­ple­ment une cen­sure soft. Faire dis­paraître ces modes de pen­sée qu’il com­bat de la réalité.

Ce qui serait dan­gereux ? Que les médias clas­siques « s’alignent » sur les théories du com­plot, en oublient les « faits » et par ce biais dif­fusent les théories dites du com­plot. Les jour­nal­istes seraient « portés à con­céder beau­coup à l’imaginaire com­plo­tiste » pour « mon­tr­er pat­te blanche sur les réseaux sociaux ». 

Un moment intéres­sant : vers la fin de l’émission, Reich­stadt indique qu’il s’exprime en « ter­mes marx­istes ». Son « marx­isme » à lui. Il veut par­ler de la gauche à laque­lle il appartient.

Nouveau point Godwin

L’exemple sur lequel insiste ensuite Reich­stadt est le platisme. Un courant mod­este aux États-Unis, con­sid­érant que la Terre est plate, revenu en force « grâce à YouTube ». Or, « pour être platiste, il faut d’abord être passé par tous les stades du com­plo­tisme et des théories du com­plot ». Les jour­nal­istes et l’invité rap­pel­lent que la ques­tion de la roton­dité de la Terre n’est plus remise en ques­tion depuis la Renais­sance. Con­clu­sion ? Évidem­ment, assim­i­l­er le scep­ti­cisme de ceux que les médias de grand-chemin con­sid­èrent comme com­plo­tisme à des minorités comme ceux qui pensent que la Terre est plate est une démarche poli­tique visant à dis­créditer. Le com­plo­tisme, où le nou­veau point Godwin.

Et puis de la pub­lic­ité pour finir. Pour Com­plo­rama, dont nous par­lerons bien­tôt, et le dernier livre de Reich­stadt au titre révéla­teur de la façon dont l’idéologie offi­cielle, et ses édi­teurs, con­sid­èrent leurs con­tem­po­rains : L’opium des imbé­ciles. Une émis­sion ? Pas vrai­ment, puisqu’aucun sujet n’a été claire­ment défi­ni. Un mag­ma de répéti­tions de choses dites ici et là, partout, dont l’objectif est d’enlever toute légitim­ité à des modes de pen­sée autres tout en affir­mant com­bat­tre en faveur de la lib­erté d’expression.

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