Rediffusion estivale. Première diffusion le 20 février 2021.
Combien de stations de radio sur les ondes FM françaises hostiles à l’idéologie libérale dominante, au multiculturalisme, à l’immigration de masse, à l’avortement ? Mis à part la très marginale Radio Courtoisie, il n’y en a pas beaucoup, même si certaines, peu nombreuses, laissent la place à une plus grande liberté de parole sur ces questions. On pense notamment à Sud Radio. C’est peu, mais ce n’est pas ce qui inquiète Le Monde. Ce qui inquiète Le Monde, c’est le nombre insuffisant de radios de gauche, hostiles à l’idéologie conservatrice dominante, aux politiques identitaires, à l’immigration contrôlée, au droit à la vie, etc… en Hongrie et en Pologne.
Mur des Lamentations
« En Hongrie et en Pologne, l’inexorable dégradation de la liberté de la presse », clame le journal de gauche français en titre de son éditorial du 12 février. L’occasion de ce regain d’inquiétude, c’est un jugement d’un tribunal hongrois qui vient de confirmer la décision du Conseil des Médias de suspendre, « sous des prétextes fallacieux » (dixit Le Monde) la licence de « Klubradio, la principale radio privée indépendante, réputée pour sa liberté de parole et ses critiques du pouvoir ».
En Pologne, où « la situation n’est pas encore aussi mauvaise », ce qui inquiète à nouveau Le Monde, c’est un projet de loi du gouvernement Morawiecki visant à créer une taxe progressive sur la publicité, ce qui privera les médias de ressources cruciales, « car la Pologne comme la Hongrie appliquent la même méthode pour fragiliser graduellement le pluralisme de la presse : retirer les publicités publiques de tous les médias qui dérangent, mettre au pas l’audiovisuel public, faire fermer ou racheter par des proches les derniers organes indépendants ».
Le Monde n’a pourtant jamais rien écrit à propos d’un journal d’opposition plus proche de chez lui, Présent, privé en 2019 par le gouvernement Philippe, sous des prétextes vraiment fallacieux, eux, de la subvention accordée aux quotidiens à faibles ressources publicitaires.
Et si les gouvernements polonais et hongrois retirent « les publicités publiques de tous les médias qui dérangent », c’est bien que ces médias existent. C’est une très vilaine pratique, certes, mais les gouvernements qui ont précédé les conservateurs dans ces deux pays faisaient exactement la même chose sans que Le Monde ne s’en inquiète le moins du monde.
Les radios en Hongrie, un secteur pluraliste
Pour revenir à la radio hongroise privée de licence, contrairement à ce que laisse entendre Le Monde, il existe encore sur les ondes FM hongroises des radios critiques du Fidesz et de ses politiques, telle Tilos Radio (Radio Interdite). Et c’est sans parler du fait qu’un nombre croissant d’auditeurs écoutent la radio sur Internet où il n’est pas besoin d’avoir une concession pour une longueur d’onde donnée délivrée par le Conseil des Médias. Pour voir la description de la diversité des médias hongrois qui déclasse largement le pluralisme des médias français malgré la domination des médias conservateurs plutôt ou complètement pro-Fidesz, voir dans les archives récentes de l’Observatoire du Journalisme :
- Situation de la presse en Hongrie. Une impitoyable guerre de tranchées. Première partie.
- Situation de la presse en Hongrie. Une impitoyable guerre de tranchées. Deuxième partie.
- Situation de la presse en Hongrie. Une impitoyable guerre de tranchées. Troisième partie.
Quant au manque bien plus criant de pluralisme médiatique – qui n’avait jamais dérangé Le Monde – dans la Hongrie d’avant 2010, voir cet article publié en 2016 par l’Observatoire du Journalisme : « En Hongrie, le Fidesz a imposé le pluralisme dans les médias ».
Le CSA hongrois
Le Monde semble aussi ignorer que le Conseil des Médias hongrois est largement aussi indépendant que notre CSA, même s’il est certes autant dominé par des personnes proches du pouvoir que son homologue français. Après avoir examiné le recours de Klubradio après la décision d’un Conseil des Médias faisant suite à des infractions répétées s’étalant sur plusieurs années, le tribunal hongrois n’a visiblement pas considéré comme Le Monde qu’il s’agissait de « prétextes fallacieux » et il n’a fait qu’appliquer la loi sur les médias hongroise. Les infractions consistant en un refus répété de fournir au Conseil des Médias des informations requises par la loi excluait Klubradio de la possibilité d’obtenir un renouvellement automatique de ses fréquences mais ne l’exclut pas de se porter candidate pour toute nouvelle procédure d’attribution de fréquences FM (voir ici l’explication en hongrois de la présidente du Conseil des Médias).
Quant à l’inquiétude du Monde pour le pluralisme et la liberté des médias en Pologne, elle semble encore plus déplacée, puisque son principal motif est un projet de loi gouvernemental qui en est encore à l’étape des consultations et qui suscite l’hostilité non seulement des médias (pour des raisons financières évidentes) mais aussi de toute l’opposition et d’une partie de la majorité. En bref, ce projet a peu de chances de voir le jour.
Pologne, la taxe sur les médias toucherait tout le monde, sauf les plus petits
« Mercredi 10 février, c’est une vision glaçante qui a accueilli les lecteurs des médias privés polonais : des pages noires destinées à montrer « à quoi ressemblera un monde sans médias indépendants ». Une cinquantaine d’organes de presse ont voulu ainsi protester contre un projet de loi du gouvernement visant à taxer les recettes publicitaires, qui les privera de ressources cruciales », écrivait Le Monde dans son éditorial. Cinquante organes de presse capables de protester de concert contre un projet de loi du gouvernement, cela montre bien que la Pologne ne manque pas de médias capables de critiquer le gouvernement ! Précisons que tous les médias privés n’ont pas participé à cette action de protestation, certains, notamment parmi ceux de droite, ayant préféré s’abstenir. Précisons aussi que la taxe proposée par le gouvernement Morawiecki s’appliquerait, selon la version actuelle, de manière indiscriminée à tous les médias publics et privés et à toutes les publicités publiques et privées, le seul critère de différenciation étant le volume des recettes publicitaires annuelles (avec un montant exonéré, puis un taux de 7,5 % et enfin un taux de 10 % au-dessus d’un certain plafond).
Comme pour la Hongrie, Le Monde, qui s’inquiète aussi à nouveau dans son éditorial du rachat par une compagnie publique de la presse régionale polonaise qui appartenait à un seul et même groupe médiatique allemand (accepterait-on la même situation en France ?), était moins regardant avant l’arrivée des conservateurs au pouvoir.
Voir à ce sujet, dans les archives de l’Observatoire du Journalisme :