Le lancement fin 2020 de la campagne de vaccination sur le continent européen devait être un « moment touchant d’unité » et « d’histoire de succès européenne » selon la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, citée par la RTBF. C’était sans compter sur la réticence de certains esprits chagrin, vite pointés du doigt, mais bientôt rejoints par les gouvernements de plusieurs pays européens…Revue de presse d’un épisode tourmenté de la lutte contre le coronavirus.
Des vaccins tant attendus
Personne ne se satisfait de la situation actuelle. Entre hécatombe de morts, restrictions des libertés et entraves à la liberté d’entreprendre, les motifs d’insatisfaction sont nombreux. Dans un contexte d’urgence sanitaire, les laboratoires pharmaceutiques ont rivalisé de rapidité pour mettre sur le marché des vaccins contre le coronavirus. La commission européenne s’est improvisée acheteur de médicaments, une compétence qui ne lui est pourtant pas reconnue dans les textes fondateurs de l’Union européenne.
Peu importe, l’avenir radieux que laisse entrevoir la sortie de la crise sanitaire ne doit souffrir aucune critique. Dès le mois d’octobre, nous apprenions, notamment par Le Monde, que Facebook « interdisait les publicités qui découragent la vaccination ». Puis en décembre, nous étions informés, notamment par Forbes, que « Twitter va supprimer les Tweets contenant des informations erronées sur les vaccins ». Qu’est-ce qu’une information erronée sur un vaccin qui n’a pas bénéficié des conditions habituelles de mise sur le marché ? Les censeurs des réseaux sociaux le savent, mais pas le citoyen moyen. Ce dernier serait toujours prêt à écouter la moindre rumeur (lire : information non officielle), bien vite qualifiée de complot pour mieux la discréditer.
Les rabats-joie ostracisés
Les critiques concernant les conditions de mise sur le marché des vaccins contre le coronavirus sont souvent tournées en dérision. Ainsi, le 26 novembre, France 24 se lançait dans la défense du vaccin mis au point par le laboratoire AstraZeneca-Oxford. Les polémiques : une « tempête dans un verre d’eau ».
Et la chaine publique d’énumérer les arguments en faveur du vaccin : « même si le vaccin d’Oxford n’avait qu’une efficacité de 62 %, ce serait déjà très prometteur. (…) L’erreur” dans le dosage qui a entraîné l’avalanche de critiques contre les résultats publiés par AstraZeneca pourrait aussi être une bénédiction. Les scientifiques ont peut-être, sans le vouloir, trouvé le dosage idéal ». Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites…
Plus mesuré, Le Monde soulignait le 9 février quelques travers du vaccin : « Erreur de dosage lors des essais, manque de données sur les plus de 65 ans… L’arrêt de la campagne en Afrique du Sud constitue le dernier d’une série de revers pour ce vaccin très attendu ». Des carences qui ne troublent pas le ministre français de la santé : « Chez AstraZeneca, nul doute que l’on doit adorer Olivier Véran. Non seulement le ministre français de la santé s’est fait vacciner lundi 8 février, dans la matinée, avec le produit développé par le groupe anglo-suédois et l’université d’Oxford. Mais il a invité « l’ensemble des soignants » à en faire de même « pour pouvoir se protéger au plus vite ».
La réponse à cette cordiale invitation n’a pas toujours été un succès. Le 11 février, Le Télégramme nous informait que « les hôpitaux de Brest et Morlaix suspendent la vaccination AstraZeneca des soignants (…). De nombreux effets secondaires ont été constatés ».
Revenant à la charge, Le Monde s’employait le 20 février à torde le cou aux critiques. Prenant pour exemple la rumeur la plus folle selon laquelle le vaccin AstraZeneca aurait été développé « à partir d’un fœtus humain avorté », le journaliste du quotidien du soir en tirait la conclusion que « la composition du vaccin contre le Covid-19 développé par l’entreprise biopharmaceutique et l’université d’Oxford alimente bien des fantasmes sur les réseaux sociaux ». On aura compris avec une telle comparaison outrancière que les « doutes » ne peuvent être que des fantasmes.
Mais malgré ces arguments, nous apprenions le 1er mars par la presse canadienne, notamment dans La Presse, que « la France et l’Allemagne ont du mal à écouler leurs vaccins AstraZeneca. (…) boudé par les populations en France et en Allemagne, obligeant les autorités à multiplier les messages rassurants pour éviter de laisser périmer les stocks ».
Ces « messages rassurants » n’ont visiblement pas convaincus tout Le Monde : le 2 mars, le porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers déplorait au micro de BFM TV que l’« on ne propose aux soignants que le vaccin AstraZeneca, qui est le vaccin le moins efficace ».
La contre-attaque n’a pas tardé : la radio affiliée à l’Etat français France Info relayait le 9 mars le courroux de l’académie de médicine concernant « l’hésitation vaccinale “éthiquement inacceptable chez les soignants” ». S’il s’agit d’éthique, on ne discute plus, donc ?
Pendant ce temps, l’Union européenne devait affronter un autre revers : le taux de vaccination était selon le Parisien le 10 mars bien inférieur dans les pays de l’Union européenne qu’au Royaume-Uni, un pays qui vient de quitter l’UE. Une mauvaise nouvelle après les révélations le 18 décembre 2020 sur le prix des vaccins achetés par l’UE, plus élevé que le prix obtenu par la Belgique seule, comme l’avait souligné notamment Le Midi Libre.
Mais l’on n’avait pas tout vu ni surtout tout lu. La journée du 11 mars a été une journée maudite pour le laboratoire AstraZeneca.
La première salve est venue d’un journal allemand, Die Presse, qui nous informait que le Danemark et la Norvège mettaient en pause la campagne avec le vaccin du laboratoire AstraZeneca.
Puis le journal espagnol El País nous apprenait que l’Islande se joignait à ces pays pour suspendre la campagne de vaccination avec ce vaccin.
Le site d’information L’internaute essayait de récapituler les raison de la suspension « par plusieurs pays de ce vaccin ».
Une suspension qui fait tâche d’huile
François Asselineau, toujours en veille active sur le sujet, énumérait sur Twitter, les nombreux pays qui ont suspendu le 11 mars la campagne de vaccination avec le vaccin AstraZeneca : 8, à 17 heures.
En y regardant de plus près, on apprend que parmi les pays cités, le Luxembourg a suspendu « un lot de 4 800 doses de vaccin AstraZeneca (sur une commande de 16 000 doses) », selon L’essentiel Luxembourg.
LCI nous informe dans la soirée que « l’Autriche, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie ont opté pour la suspension d’un seul lot de vaccin ».
Toujours le 11 mars, le ministre français de la santé restait imperturbable. Il a « balayé l’hypothèse d’une suspension de la vaccination par AstraZeneca » lors d’une conférence de presse, selon Europe 1 dans un article mis en ligne à 19h04.
Lors du journal de TF1 de 20 heures, le ton se veut rassurant. Les incidents seraient minimes au regard du nombre de personnes vaccinées. Le journaliste ne fait aucune mention de la suspension de lots d’autres pays que l’Islande le Danemark et la Norvège.
Dans ce débat de santé publique, chacun essaye de s’informer pour se forger son opinion et faire son choix. L’impression qui ressort est qu’il y aurait chez certains dirigeants politiques ou représentants de professions presque un impératif moral à se faire vacciner, quitte à l’imposer aux soignants et à créer un passeport vaccinal. Et d’un autre côté, des citoyens qui ne veulent pas être traités comme des cobayes et dont la méfiance sort renforcée des censures plus ou moins affichées sur le sujet. Un sacré pataquès dont les oukases et la censure contribuent à brouiller encore davantage la compréhension des enjeux…