Rediffusion estivale. Première diffusion le 27 avril 2021
Le journal Le Figaro a la réputation d’être un quotidien d’information conservateur. Cette réputation est-elle justifiée ? Deux exemples récents nous amènent à en douter. Dans un premier article sur l’immigration clandestine paru le 19 avril 2021, le journal relaie sans aucune réserve la communication gouvernementale dans sa lutte contre l’immigration clandestine. Dans un autre article du 23 avril, c’est l’idéologie des no border — ces militants qui luttent pour l’abolition des frontières — qui est tranquillement promue dans les colonnes du quotidien…
« Clandestins : les frontières ont été verrouillées avec l’Italie et l’Espagne »
« Clandestins : les frontières ont été verrouillées avec l’Italie et l’Espagne » : c’est avec ce titre que commence un article paru dans l’édition du 19 avril 2021 du Figaro. Tout un programme qui apparait rassurant. Enfin une bonne nouvelle, se dit-on. Le journaliste s’appuie pour affirmer cela sur le nombre de passeurs et d’étrangers en situation irrégulière arrêtés et refoulés à la frontière franco-espagnole et à la frontière franco-italienne entre novembre 2020 et mars 2021. L’article précise que les chiffres en question ont été communiqués par le ministère de l’intérieur au Figaro. Ceux-ci font en effet ressortir une forte augmentation des arrestations et des refoulements par rapport à la même période de l’année précédente. Le journaliste en conclut que le « bilan chiffré montre l’efficacité des renforts déployés aux différents points de passage vers la France ». Mieux, « jamais la France n’a aussi bien verrouillé les portes du pays. C’est en tout cas ce que laisse apparaître un bilan chiffré de la Police aux frontières (PAF) porté à la connaissance du Figaro ». En présence d’un tel constat dithyrambique, on pense à la citation de Beaumarchais en couverture du journal : « sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur ».
Cette présentation plus qu’élogieuse de l’action du ministre de l’intérieur a amené Gérald Darmanin à insérer comme un trophée l’article du Figaro dans un Tweet et à écrire dans le message :
Les renforts déployés aux frontières avec l’Espagne et l’Italie portent leurs fruits dans la lutte contre l’immigration clandestine.
Merci aux policiers et aux gendarmes mobilisés sur le terrain.https://t.co/TvDOuUO52l
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) April 20, 2021
L’article du Figaro : un communiqué de presse gouvernemental ?
L’absence de toute réserve et de contextualisation par le journaliste du Figaro des informations communiquées par le ministère de l’intérieur laisse songeur. En effet, selon plusieurs indices, le constat de frontières « verrouillées » est non seulement excessif, il apparait très éloigné de la réalité. Le renforcement des contrôles aux frontières annoncé fin 2020 par le président de la République et relayé notamment par LCI, après le triple meurtre commis par un clandestin tunisien à la basilique notre Dame de l’Assomption à Nice, a certes probablement contribué à augmenter le nombre des refoulements aux frontières. Mais, d’autres éléments amènent à penser que ces chiffres traduisent non seulement une pression accrue à nos frontières, mais également une augmentation des entrées clandestines en France.
Si le ministère de l’intérieur est très prolixe concernant le nombre de refoulements de clandestins aux frontières nationales, le journaliste du Figaro se garde bien de souligner qu’il est par contre beaucoup plus discret sur le nombre d’étrangers en situation irrégulière recensés comme entrant en France. Le Pôle d’analyse migratoire rattaché au ministère de l’intérieur ne communique en effet plus ce chiffre depuis 2017, alors qu’il s’établissait pour cette seule année à 79 562. En 2018, c’était également Le Figaro qui avait eu l’exclusivité des derniers chiffres communiqués à ce sujet. Depuis, silence radio.
D’autres indices montrent que les voyants sont au rouge et que le gouvernement manie essentiellement la communication.
Près de la frontière franco-espagnole, ce sont selon France Bleu des dizaines de clandestins qui arrivent chaque jour à Perpignan. Le Préfet des Pyrénées orientales reconnait qu’à la frontière pyrénéenne, la pression migratoire est en augmentation depuis plusieurs années.
À la frontière franco-italienne, le vice-président du conseil départemental des Alpes maritimes, Éric Ciotti, faisait état en novembre dernier dans les colonnes du Figaro qu’« entre le 1er janvier et le 15 novembre dernier, la police aux frontières a ainsi remis 2335 mineurs non accompagnés supposés aux services du département des Alpes-Maritimes contre 1871 pour toute l’année 2019 ». On aurait aimé que le journaliste vérifie que les consignes données aux douaniers à ce sujet ont changé…ou pas.
Parmi les explications à cette pression migratoire, la crise économique dans les pays africains joue certainement un rôle. Mais les consignes données aux douaniers par les autorités françaises et le manque d’effectifs sont également à souligner.
Ainsi, selon une avocate pro-migrants toujours citée en novembre 2020 par Le Figaro, les douaniers français ne refouleraient plus les jeunes migrants à la frontière franco-italienne, mais les orienteraient vers les services de l’Aide Sociale à l’Enfance des départements ou les associations.
Autre difficulté : le faible nombre de douaniers affectés au contrôle de la frontière franco-italienne. Un journaliste de Valeurs actuelles ne s’est pas contenté de relayer les statistiques gouvernementales. Il a interrogé des acteurs de terrain sur la situation à la frontière italienne.
Les brigades douanières de Nice et de Menton n’auraient, selon un douanier interrogé par Yohan Cecere, chacune qu’un effectif de 30 agents. Or les policiers ponctuellement amenés en renfort ne disposent pas des mêmes moyens juridiques pour refouler les clandestins.
À la lecture de ces quelques éléments, on est donc loin d’un pays aux frontières « verrouillées ». Il est pour le moins étonnant que le journaliste du Figaro ne soit pas allé chercher dans de précédents articles du journal sur le sujet des éléments de nature à modérer son jugement définitif de frontières « verrouillées ». À ce stade l’article relève plus du communiqué de presse que d’un travail d’investigation. Mais l’on n’avait pas encore tout lu.
Inutiles frontières
« Le triangle, nouvelles route des migrants vers l’Union européenne », tel est le titre de l’article paru dans l’édition du 23 avril du Figaro. La journaliste serbe Milica Cubrolo nous fait découvrir l’itinéraire des clandestins pour « gagner la Hongrie », un itinéraire qui « passe désormais par la Roumanie ». Par cette voie aussi, les clandestins sont de plus en plus nombreux. Mais ce mot de « clandestin » est visiblement tabou pour la journaliste : les migrants sont des « demandeurs d’asile ».
Le premier migrant que la journaliste interroge est un algérien. Mauvaise pioche…L’article est une longue litanie des mauvais traitements que subissent les clandestins lorsqu’ils tentent de franchir illégalement la frontière roumaine. Tous les détails semblent avoir un objectif : édifier le lecteur pour l’amener à conclure avec la journaliste que, décidemment, les frontières, c’est mal. La conclusion de l’article est particulièrement sentencieuse :
« Qu’importe la hauteur des murs placés sur leur route et la répression policière, les exilés finiront tôt ou tard par passer. La politique ultrasécuritaire de l’UE ne fait qu’exacerber leur précarité et leur vulnérabilité face aux trafiquants ».
Vous pensiez lire Le Figaro, mais vous lisez en fait la propagande du GISTI, le groupement d’information et de soutien aux immigrés…Le soir même de la parution de cet article, un Tunisien arrivé clandestinement en France et plein de ressentiment pour notre pays et sa culture tuait à coups de couteau une fonctionnaire de police à Rambouillet. Sans commentaires.