Le mercato des médias en vue de l’élection présidentielle de 2022 s’accélère. Le groupe Bertelsmann avait depuis longtemps annoncé sa décision de se consolider en Allemagne et d’abandonner le marché français. C’est TF1 qui remporte le morceau dans une opération dont Emmanuel Macron ne peut que se satisfaire.
Négociations exclusives
« TF1, M6, Bouygues et RTL Group annoncent aujourd’hui qu’elles ont conclu des protocoles d’accord d’entrée en négociations exclusives pour fusionner les activités de TF1 et M6 et créer un groupe de médias français d’envergure ».
Le patron de M6, Nicolas de Tavernost, grand artisan de ce rapprochement, peut être satisfait. TF1 et le groupe allemand Bertelsmann fusionneront les activités de la chaine de Bouygues avec M6 et RTL. Le français serait le premier actionnaire avec 30% du capital et la direction opérationnelle dans les mains de Tavernost, l’allemand conservant 16% des parts tout en recevant un peu plus de 640M€.
Les prétendants étaient pourtant nombreux, Vincent Bolloré via Vivendi, le trio Niel-Pigasse-Capton, le Tchèque Daniel Kretinsky, l’italien Mediaset, d’autres peut-être. Si TF1 a été choisi, la proximité de Martin Bouygues avec Emmanuel Macron (comme avec tous les présidents en exercice) et l’entregent d’Alexis Kohler, l’homme de l’ombre de l’Élysée, ont servi.
Une opération économique et politique
Officiellement la raison de la fusion tient en un mot unique : con-so-li-da-tion. L’allemand veut se consolider sur son marché, le français sur le sien. Le nouveau groupe espère pouvoir concurrencer Netflix, Amazon Prime et autres Disney grâce à de nouveaux investissements sur sa chaine de séries à peine lancée Salto. Le nouveau groupe avec plus de 3,4milliards d’euros pense être mieux armé pour ce faire.
Mais les raisons sont aussi politiques. TF1+ LCI + M6 +RTL = beaucoup d’audience. Obtenir a minima une neutralité favorable de ces quatre entités serait une excellente opération pour le président Emmanuel Macron qui garde secrète son intention de se représenter, mais à moins d’un séisme on voit mal comment il pourrait y renoncer. L’opération évince Bolloré peu en cour et permet de garder au chaud des amitiés bien utiles.
Des obstacles du côté de la concurrence
Pourtant si on regarde les chiffres, l’opération paraissait improbable. Le nouveau groupe devra céder certaines de ses chaines. Pas les grosses bien entendu, peut-être certaines parmi les plus petites, comme W9, Paris Première, Histoire TV, Téva, Gulli ou MCM ? Surtout le groupe contrôlerait plus de 43% de part d’audience sur la télévision et plus de 70% de la publicité télévisuelle en France, un casse-tête pour l’autorité de la concurrence et le CSA. Mais il y a diverses manières d’arranger les choses. Devant le Sénat, la présidente de l’Autorité de la concurrence a déjà admis que « le système actuel doit être profondément réexaminé » et le président du CSA est réputé pour avoir l’échine souple. De toutes façons l’opération n’aura pas lieu avant mai 2022, ce qui permet une « bonne » couverture médiatique pour les douze mois à venir.