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Tribunal médiatique et mort sociale : La Nouvelle République et Paul-Emmanuel Thore

26 juin 2021

Temps de lecture : 7 minutes
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Tribunal médiatique et mort sociale : La Nouvelle République et Paul-Emmanuel Thore

Temps de lecture : 7 minutes

Nos lecteurs ont pu découvrir l’histoire incroyable de Paul-Emmanuel Thore et des « néo-nazis » de Châteauroux. Dans ce premier article, nous avions analysé le naufrage déontologique du quotidien local La Nouvelle République et de quelques autres. Accusé à tort d’être néo-nazi par le quotidien local puis disculpé par la justice, Monsieur Thore a vu sa vie anéantie. Aujourd’hui, nous donnons la parole à Paul-Emmanuel Thore, principal accusé dans la « non-affaire » de 2004, sur sa réputation détruite par la presse et les drames qui en découlent…

En 2004, lors de l’éclatement de la « non-affaire », votre nom com­plet a immé­di­ate­ment été jeté en pâture par La Nou­velle République, quelles ont été les con­séquences immé­di­ates pour vous ? Pour votre répu­ta­tion ? Pour votre vie à Châteauroux ? 

Quand ils ont lancé mon nom, j’étais en prison depuis une semaine. Mon épouse a été sub­mergée de sol­lic­i­ta­tions, tous les médias (locaux et nationaux) sont venus taper au car­reau. Au niveau du har­cèle­ment, le Berry Répub­li­cain a bien rem­pli sa fonc­tion, ils ont dif­fusé des pho­tos de mon bar-restau­rant, qui a par la suite été tagué par l’extrême gauche. En prison, à la suite des arti­cles de la Nou­velle République, les sur­veil­lants m’ont immé­di­ate­ment trans­féré en isole­ment pen­dant deux semaines. C’était dur psychologiquement…Finalement je suis envoyé dans la prison de Bourges, je ne pou­vais rien faire à cause de ma nou­velle répu­ta­tion médi­a­tique : pas de prom­e­nade, pas de salle de sport, rien ! C’était trop dan­gereux de me met­tre avec les autres détenus.

D’ailleurs, la prison m’a mis avec les « poin­teurs » et les mineurs, les deux types de détenus qui ne sont pas avec les autres pour rai­son de sécu­rité… toute la prison savait pourquoi j’étais là ! Comme à Château­roux, je ne pou­vais pas aller en sport ou faire des choses qui m’auraient mis au con­tact des détenus de droit com­mun. Mal­gré ça, j’ai quand même été men­acé plusieurs fois par des pris­on­niers africains, mais le pire était mes rela­tions avec cer­tains matons. Un jour, un gar­di­en, je n’ai jamais su lequel, a fait exprès d’ouvrir la porte de ma cel­lule pen­dant que toute la prison par­tait en prom­e­nade. Le but était que je me fasse lynch­er, ce qui a fail­li arriv­er : j’ai blo­qué la porte comme je pou­vais, pen­dant que quar­ante types der­rière essayaient de ren­tr­er pour me tabass­er ; mes cris ont fini par attir­er d’autres gar­di­ens, ce qui a réglé le problème…

Le nom de votre père, ain­si que celui de votre mère, ont égale­ment été rapi­de­ment dévoilés…

Oui, ils ont per­du des amis et mon père a cer­taine­ment per­du quelques clients, sans toute­fois met­tre son com­merce en péril. Vous savez, ils sont implan­tés depuis longtemps, beau­coup de gens les con­nais­saient de façon pos­i­tive… dans les rela­tions directes, l’influence médi­a­tique a moins de pouvoir !

Vous avez dit, lors du dernier procès, qu’à cause de votre nom dif­fusé partout par les jour­naux, vous n’aviez pas pu trou­ver un CDI en 20 ans. Il y a eu d’autres con­séquences sur le moyen et long terme ? Et aujourd’hui ?

Ça m’a détru­it au niveau pro­fes­sion­nel ! Les seules activ­ités salariées que j’ai pu avoir en dix-sept ans, c’est tout en bas de l’échelle où le recru­teur ne regarde même pas qui est qui. Quand je suis sor­ti de prison, j’ai été livreur en mes­sagerie, embouteilleur de vin, et plein d’autres petits boulots. C’est plutôt démoral­isant, surtout quand aupar­a­vant vous étiez gérant avec des salariés ; que vous avez fait un peu d’études supérieures, mais que vous êtes com­plète­ment blo­qué à cause de votre répu­ta­tion. Même quand je tra­vaille à mon compte, je perds sou­vent des clients.

Pour ne rien vous cacher, je fais actuelle­ment de la ges­tion de bien, il y a deux mois à peine je devais acheter un ter­rain ; tout était final­isé avec le client, quand d’un coup il refuse la trans­ac­tion. Je l’appelle, et il me dit claire­ment qu’il s’est « ren­seigné » sur moi et que, finale­ment, il refuse l’affaire. Même le fait d’avoir été relaxé par la jus­tice ne change rien de ce côté-là, le mal est fait et ma répu­ta­tion médi­a­tique est éter­nelle ! Pour mes pre­miers échanges pro­fes­sion­nels, je devais tou­jours pren­dre un faux-nom, et je devrai cer­taine­ment con­tin­uer à le faire…

Vous avez été un élu local, la presse n’a pas chercher à vous salir quand vous vous êtes présen­té ? Je dis cela, car lors des élec­tions de 2020, le jour­nal­iste Bertrand Slézak a sci­em­ment rap­pelé votre « passé » au sein d’un soi-dis­ant groupe « Néo Nazi »…

Dès qu’ils (les jour­nal­istes locaux) ont su que j’étais sur une liste, même si je ne m’étais pas mis en avant, ma col­is­tière a reçu des deman­des d’informations de Bertrand Slézak. Bizarrement, ça a fuité très rapi­de­ment… le jour même, en fait, de notre dépôt de liste en pré­fec­ture. D’habitude, les noms ne sont ren­dus pub­lic que lorsque les dépôts sont ter­minés, mais je pense que la Nou­velle République a reçu un coup de télé­phone de François Jolivet, actuelle­ment député LREM, qui était à l’époque le maire sortant…

Quelles sont vos rela­tions avec les jour­nal­istes qui ont cou­vert la « non-affaire » ? Cer­tains tra­vail­lent tou­jours à La Nou­velle République, je pense notam­ment à Bruno Mas­cle et Bertrand Slézak…

Slézak avait déjà fait des arti­cles sur moi aux alen­tours de 2014, quand j’avais occupé un château à l’abandon pour le restau­r­er. Il tombait com­plète­ment en ruine, c’était une vraie cat­a­stro­phe ! Les pro­prié­taires étaient des Hol­landais qui fai­saient exprès de le laiss­er dans cet état pour une his­toire d’optimisation fis­cale. Leur société n’existait plus, au regard de la loi française, le château était un « bien sans maître ». Cette même loi française prévoit que quelqu’un s’occupant d’un « bien sans maître » pour le restau­r­er, peut en devenir le pro­prié­taire au bout d’un cer­tain nom­bre d’années. Nous étions donc en par­faite légal­ité ! Évidem­ment, mon nom aidant, La Nou­velle République ain­si que toute la presse locale (Radio, TV etc…) débar­quent sur le chantier pour voir ce que je trafique. Je ren­con­tre Slézak, con­traire­ment à d’autres jour­nal­istes, ses arti­cles étaient plutôt justes sur la sit­u­a­tion du château et sur mon projet.

Cepen­dant, à chaque fois, il ne pou­vait pas s’empêcher de rap­pel­er mon « sul­fureux » passé, il y avait tou­jours un astérisque à la fin pour par­ler de 2004 et des « néo-nazis » de Château­roux. En 2020, je le retrou­ve pour les élec­tions, il par­le de ma can­di­da­ture en s’efforçant de tou­jours met­tre en valeur mon « passé d’ultra droite ». En 2019, j’ai eu un non-lieu par­tiel qui m’innocentait… pour­tant aux séna­to­ri­ales de 2020, Slézak mod­i­fie son habituel astérisque de bas-de-page, il écrit que j’ai été inno­cen­té, mais il laisse enten­dre que c’est dû au lax­isme de la jus­tice ! C’est un men­songe par omis­sion ! Je l’ai for­cé à dif­fuser mon droit de réponse, et je l’ai aus­si trainé au tri­bunal, j’ai gag­né le procès ! Avant il voulait que nous ayons des rap­ports « pro­fes­sion­nels et cor­diaux », depuis il ne me rap­pelle plus (rires). Pour Mas­cle, son dernier arti­cle sur moi, en 2014, était un tor­chon com­plet ! Il men­tait délibéré­ment en m’accusant d’avoir détourné un cours d’eau pour ali­menter le château. J’avais déboulé à la Nou­velle République pour le voir en qua­tre yeux, ça c’était plutôt mal passé…

Le mot de la fin ? 

Main­tenant que les jour­nal­istes savent que je peux les met­tre au tri­bunal ils sont plus tran­quilles ! Mais le prob­lème reste entier : le tri­bunal médi­a­tique est per­pétuel ! Toute ma vie je paierai ma répu­ta­tion que m’a fait la presse, dans mes rela­tions sociales, surtout pro­fes­sion­nelles. Vous savez, quand on dit de vous que vous êtes un « nazi », vous êtes entière­ment déshu­man­isé, on peut tout dire de vous, tout faire de vous, car vous représen­tez le mal absolu.

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