Le journal allemand Die Welt est une institution en Allemagne. Il figure parmi les journaux les plus lus outre-Rhin. Ses articles ont une réputation de sérieux, même auprès de ceux qui ne partagent pas sa ligne éditoriale. L’article qu’a publié le quotidien le 30 août 2021 contient des révélations d’une importance majeure, qui apportent de nouveaux éléments concernant les liens allégués entre les passeurs de migrants et certaines Organisations Non Gouvernementales dont les bateaux croisent en mer méditerranée.
Un article explosif ignoré en France
En dépit de leur importance, les révélation du journal Die Welt dans son édition du 30 août n’ont pas eu l’heur de retenir l’attention des médias français. Les fins limiers de l’Observatoire du journalisme ont bien cherché : pas un mot à ce sujet dans les articles consacrés récemment aux ONG ayant comme objet « le sauvetage en mer ». Les derniers articles concernant l’enquête menée par la police italienne à l’encontre de 2 ONG remontent à… mars 2021.
Le sujet est-il mineur ? Le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies tient un décompte rigoureux des arrivées clandestines recensées en Europe par la mer méditerranée. Au 28 août, pas moins de 64 300 migrants sont arrivés sur les côtes européennes depuis le début de l’année 2021. Cette invasion migratoire par la mer méditerranée dure depuis plusieurs années et a permis à des millions d’extra-européens de s’installer en Europe, bien qu’arrivés clandestinement. Ces mouvements de population sont donc tacitement tolérés par l’Union européenne, les gouvernements italiens et espagnols. En Grèce, la situation commence à changer. Les mesures de lutte contre l’immigration clandestine du gouvernement grec à poigne ont permis de réduire très fortement les arrivées clandestines par la mer durant les derniers mois.
« Comment les sauveteurs en mer travaillent avec les passeurs »
L’article écrit par Joachim Wagner intitulé très explicitement « Comment les sauveteurs en mer travaillent avec les passeurs » comprend 3 parties :
- Un rappel des enquêtes et suites judiciaires à l’encontre de certaines ONG soupçonnées de complicité avec les passeurs.
- Une présentation d’une enquête préliminaire menée par la justice italienne.
- Une présentation d’une enquête préliminaire menée par la justice grecque.
Les enquêtes et suites judiciaires à l’encontre de certaines ONG soupçonnées de complicité avec les passeurs
Joachim Wagner indique en introduction qu’« entre 2017 et février 2020, les procureurs italiens ont ouvert 18 enquêtes pour aide et encouragement à l’immigration clandestine à l’encontre de capitaines, de membres d’équipages et de responsables d’ONG ». Le journaliste précise que toutes les procédures ont été abandonnées, à l’exception d’une à l’encontre de Jugend Rettet. Dans deux autres cas, de fortes amendes à l’encontre d’ONG ont mis fin à l’action pénale. Joachim Wagner se penche ensuite sur deux affaires en cours, l’une en Italie, l’autre en Grèce
L’enquête préliminaire menée par la justice italienne
La procédure en cours en Italie concerne le navire Iuventa appartenant à l’ONG Jugend Rettet. Le journaliste du Zeit a interrogé à ce sujet le procureur de la République en charge de l’affaire, Maurizio Agnello. « Un agent a été infiltré à bord du Vos Hostia. Il y a eu une remise de réfugiés convenue entre l‘ONG et les passeurs », indique-t-il en substance.
L’article contient d’autres éléments accablants pour certaines ONG : des sauveteurs en mer qui allument grand leurs projecteurs pendant la nuit pour être visibles des passeurs, les équipages des navires d’ONG qui laissent les « soi-disant pêcheurs démonter les moteurs des bateaux de réfugiés (…) pour les réutiliser », les autorités italiennes tenues dans l’ignorance par des ONG des opérations de sauvetage, etc.
L’enquête préliminaire menée par la justice grecque
Joachim Wagner nous informe ensuite qu’à l’issue de plusieurs mois d’enquête, la police grecque aurait fait notamment les constats suivants : « des membres d’ONG informeraient les passeurs des mouvements des garde-côtes grecs et les clandestins sur les points de rassemblement sur les plages turques, sur les heures de départ vers Lesbos, ainsi que sur les emplacements des navires des ONG afin qu’ils puissent en trouver un dans leur proximité ».
Le journaliste allemand mentionne également plusieurs articles parus dans des journaux grecs selon lesquels « le navire allemand Mare Liberum aurait joué un rôle clé, écoutant et enregistrant les communications radio des garde-côtes grecs ».
L’auteur de l’article indique avec précaution qu’« il n’y a eu jusqu’à présent ni audiences ni jugements ». Il souligne toutefois « le poids des preuves indirectes que la police et le ministère public ont rassemblées et rendues publiques contre un total de sept ONG ». Il conclut son article en pointant la surreprésentation des citoyens allemands inculpés dans la procédure pénale italienne ainsi que la nationalité – allemande – de la moitié des bateaux des ONG.
L’article du Zeit présente un double intérêt :
- il fait une synthèse des procédures menées à l’encontre de certaines ONG dont les bateaux croisent en mer Méditerranée.
- il présente un point d’étape sur deux procédures judiciaires en cours en Italie et en Grèce qui pourraient aboutir à la condamnation de certaines ONG.
Il est tout à fait révélateur que Joachim Wagner indique que les enquêtes des magistrats italiens ont commencé quand certaines ONG ont à partir de l’année 2017 été qualifiées dans l’opinion publique de “taxis de mer” et de “co-passeurs”. En comparaison, à quelques exceptions près (TV Libertés, Présent, Valeurs actuelles, Breizh Info, Sputniknews, etc.), les articles consacrés par les médias français aux ONG tiennent plus du publi-reportage que d’une analyse de leurs pratiques.
Source : welt.de. Merci à AC pour la traduction de l’article.