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Bac nord : le film trop réaliste de Cédric Jimenez dédaigné par le clergé médiatique

14 septembre 2021

Temps de lecture : 4 minutes
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Bac nord : le film trop réaliste de Cédric Jimenez dédaigné par le clergé médiatique

Temps de lecture : 4 minutes

Le cinéma est aussi un média. Le film intitulé « Bac nord » sorti en août est un véritable succès populaire. Plusieurs centaines de milliers de spectateurs se sont déjà déplacés pour aller le voir en salle. Mais pour une partie du clergé médiatique, ce film réalisé par Cédric Jimenez, qui braque les caméras sur une réalité peu reluisante de notre société, ne mérite pas toute l’attention que de nombreux Français lui ont portée.

Une présentation au Festival de Cannes marquée par un « malaise »

Le présen­ta­tion du film « Bac nord » lors d’une con­férence de presse le 13 juil­let a été mar­quée par la réac­tion effarouchée d’un jour­nal­iste irlandais. Comme le rap­porte la chaine LCI, « un jour­nal­iste irlandais a reproché au film de Cédric Jimenez de livr­er une ver­sion car­i­cat­u­rale de Mar­seille et d’encourager le vote Le Pen ». Le réal­isa­teur s’est immé­di­ate­ment cru obligé de se jus­ti­fi­er devant les jour­nal­istes en écar­tant toute ten­ta­tion de vote pour la can­di­date du Rassem­ble­ment national.

On peut à ce stade déjà s’étonner des cri­tiques for­mulées par le jour­nal­iste irlandais, qui dénonce une vision car­i­cat­u­rale de Mar­seille, alors que le réal­isa­teur n’avait pas l’ambition de décrire les mul­ti­ples aspects de la cité phocéenne. Cette façon de déporter la cri­tique sur des aspects non essen­tiels du film a été reprise par d’autres con­frères du jour­nal­iste irlandais.

« Un concours d’empoignades viriles »

Alors que cer­tains médias ont demandé à des policiers leur appré­ci­a­tion de la descrip­tion du com­merce de drogue dans le film, c’est par le dédain et le mépris hau­tain qu’une par­tie du clergé médi­a­tique a  accueil­li la sor­tie de « Bac nord ».

Le quo­ti­di­en catholique La Croix souligne dans un arti­cle du 13 juil­let qu’« à l’in­verse de films de référence sur les quartiers, de “La Haine” aux “Mis­érables”, la détresse sociale n’est ici qu’esquis­sée ».

Effec­tive­ment, l’objet du film n’était pas d’accompagner des assis­tantes sociales lors de leurs per­ma­nences dans les quartiers de l’immigration de la ville, mais de suiv­re des policiers dans leur dif­fi­cile lutte con­tre le traf­ic de drogue. Cela aura peut-être échap­pé au jour­nal­iste, en mal d’explications sociales et psychologisantes.

Pour le quo­ti­di­en  Le Monde  le 18 août, il s’agit d’«  un con­cours d’empoignades vir­iles sur grand écran . Dépourvu de toute sub­til­ité, le film de Cédric Jimenez s’emploie à faire pass­er des policiers cor­rom­pus pour de bons pro­fes­sion­nels un peu casse-cou ».

Luc Ches­sel liq­uide dès le titre de son arti­cle dans Libéra­tion le film de Cédric Jimenez :

« Ten­dance cinquante nuances de droite sur fond de faux accent mar­seil­lais, le film déma­go et vir­iliste de Cédric Jimenez est raté autant dans son exé­cu­tion que dans ses inten­tions ».

Les Inrocks trou­vent le polar « mus­clé », mais il « tire mal­heureuse­ment vers le car­i­cat­ur­al ».

Ces dif­férentes cri­tiques ont comme point com­mun, à l’exception de celle de la Croix, de s’attarder sur des détails formels du film : le jeu des acteurs, « vir­il », « vir­iliste », la descrip­tion d’une cer­taine réal­ité des cités de Mar­seille, « caricaturale ».

Mais la réal­ité dépasse par­fois la fic­tion, cette fic­tion qui est dépeinte par cer­tains jour­nal­istes comme car­i­cat­u­rale. Depuis la sor­tie du film, les règle­ments de compte mor­tels se mul­ti­plient à Marseille :

« Trois morts en trois jours dans des règle­ments de compte », nous informe France 3 le 26 juillet.

« Mar­seille : trois morts dans un règle­ment de compte » selon Le Parisien le 22 août

« Deux hommes tués par balle dans le cen­tre-ville et dans les quartiers nord », selon France 3 le 8 septembre.

Dans un autre quarti­er, en région parisi­enne, à Cor­beil-Essonnes, la police doit faire face à des attaques de jeunes racailles plusieurs jours de suite à par­tir du 4 sep­tem­bre. Les images repris­es notam­ment par Le Répub­li­cain de l’Essonne d’une four­gonnette de police fuyant devant des jeunes déchainés et armés font le tour des réseaux soci­aux. Ici comme à Mar­seille, c’est bien la police qui doit reculer sous les assauts répétés des deal­ers et des voyous.

On ne peut s’empêcher de penser aux pro­pos du min­istre de l’intérieur le 19 août sur BFMTV : « il n’y a pas de zones de non droit, il y a des endroits dif­fi­ciles ». Gérald Dar­manin fait de la séman­tique pour noy­er le pois­son. Des jour­nal­istes cri­tiquent la forme de « Bac nord » pour ne pas pren­dre en pleine fig­ure le fond  du film: celui de quartiers de l’immigration qui sont depuis longtemps aux mains des caïds et des immams. Voilà une réal­ité qui ne cadre pas avec la vision édul­corée d’une cer­taine gauche libérale lib­er­taire de Saint Ger­main des Près. Un motif d’espérance : il y a bien longtemps que les Français ne l’écoutent plus…

Voir aus­si notre cri­tique du film de Bruno Dumont, France, con­sacré à la télévi­sion de grand chemin

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