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Wokisme et censure dans l’édition. Seconde partie

16 septembre 2021

Temps de lecture : 7 minutes
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Wokisme et censure dans l’édition. Seconde partie

Temps de lecture : 7 minutes

Les médias ne sont pas seulement constitués des radios, télévisions, sites, blogs, journaux etc. Le cinéma comme l’édition sont des outils médiatiques. Et à ce titre participent de la censure, du politiquement correct et de la mode woke comme l’indique la tribune libre d’Olivier Delavault que nous publions et où il relate son expérience d’éditeur, spécialiste des Indiens des Amériques. Certains intertitres sont de notre rédaction. Seconde partie.

Voir aus­si : Wok­isme et cen­sure dans l’édition. Pre­mière partie

Désinformation historique, servilité culturelle, médiatique

D’une manière générale, presque tous les livres de la col­lec­tion sont des œuvres enrac­inées comme les peu­ples dont il est ques­tion. Livre enrac­iné sig­ni­fie ici livre « pre­mier-matriciel » à par­tir duquel de nom­breux travaux ultérieurs ont pu voir le jour. Ce qui est arrivé à plus de 70 % des livres de la col­lec­tion « Nuage rouge » est, dès 1999–2000, une suite de cen­sure par le silence de la presse ou de dés­in­for­ma­tion dans la plu­part des arti­cles. Par exem­ple, la biogra­phie de Sit­ting Bull de Stan­ley Vestal (« Nuage rouge » 1992) pub­liée aux États-Unis en 1932, out­re qu’elle fut la pre­mière biogra­phie d’un chef indi­en, est la pre­mière du chef sioux lako­ta-hunkpa­pa de notre péri­ode « mod­erne ». Le livre de Vestal est l’ouvrage « matriciel » sur Sit­ting Bull au sens où his­to­riens et biographes améri­cains y puisent tou­jours même en appor­tant, et encore, de nou­velles infor­ma­tions. Dès 1926, seuls les Sioux qui ont con­nu Sit­ting Bull, dont ses deux neveux White Bull et One Bull, ont pu don­ner à Stan­ley Vestal les moyens de finalis­er cor­recte­ment à leurs yeux cette biogra­phie, la biogra­phie mère, his­torique et de ter­rain, après laque­lle bien d’autres, jusqu’à nos jours, ont pu exis­ter ain­si de la biogra­phie de Robert M. Utley en 1993 qui recon­naît que, sans le Vestal, rien ne lui aurait été pos­si­ble ; traduit en,1997 dans « la col­lec­tion d’en face… le livre se trou­ve amputé des sources citant le Vestal…

Hors du sérail point de salut

Pour­tant, il y a quelques années, la libraire en chef du Musée du Quai Bran­ly me fai­sait savoir avec morgue et con­de­scen­dance que la librairie ne pou­vait pren­dre le Vestal car il fal­lait analyser sa crédi­bil­ité. Cela ne l’empêchait pas de pren­dre « les sous livres-copieurs » sans « les analyser, les véri­fi­er », des livres d’auteurs français pénible­ment décalqués du livre fon­da­teur de Vestal, sans le citer. Dans la même péri­ode, un libraire d’une Fnac auprès de qui j’osai… m’étonner qu’aucun livre du grand anthro­po­logue William K. Pow­ers — qui est avec Ray­mond J. DeMallie (pub­lié aus­si dans « Nuage rouge » avec Black Elk et la Grande Vision. Le Six­ième Grand-Père, pré­face à l’édition française de J.M.G. Le Clézio, aux Sioux lako­tas ce que Jean Malau­rie est aux Inu­it -, me rétorqua véhé­mente­ment : « Nous ne prenons pas ici cet auteur. » En l’informant que la présen­ta­tion à l’édition française du livre était de Claude Lévi Strauss suite à leurs travaux com­muns au Col­lège de France je com­pris vite, bien sûr qu’il ne con­nais­sait pas le livre, mais aus­si la plu­part des livres qu’il vendait. Mal élevé, il se détour­na, autant vexé que furieux. Ce pro­fil de libraire ne peut admet­tre qual­ité et crédi­bil­ité d’un livre pub­lié au Rocher.

Ain­si en 2004, quand cet édi­teur racheta la mai­son d’édition Le Ser­pent à Plumes, cela provo­qua une qua­si-émeute au Salon du Livre de Paris. En effet, com­ment une mai­son « hors du sérail… » comme le Rocher a‑t-elle pu com­met­tre le sac­rilège de racheter cette si belle et « bien-pen­sante » mai­son qu’est le Ser­pent à Plumes ; aus­si ses auteurs les plus mar­qués et act­ifs poli­tique­ment refusèrent d’intégrer le cat­a­logue du Rocher. Comme c’était beau ces « courageux-résistants-en-lutte-et-ouverts-à‑l’Autre… ! » Dans la même péri­ode, une librairie assez impor­tante de la rue des Écoles (aujourd’hui fer­mée depuis au moins 5 ans) m’avait inter­pel­lé en ces ter­mes : « Si tu veux voir tes Indi­ens dans notre librairie, change de crémerie ! » Sans oubli­er des agentes lit­téraires bien sous tout rap­port socié­tal…  qui me détour­nent, pour réédi­tion, des livres que j’ai décou­verts et pub­liés, au prof­it d’éditeurs con­sid­érés comme « fréquenta­bles ». Quelle mafia !

Voir aus­si : Autodafés au Cana­da, le wok­isme fait détru­ire 5000 livres

Copies et sous-copies

En résumé sur l’Amérique indi­enne : sur qua­si­ment tout le ter­ri­toire français les librairies, et de plus en plus les Fnacs, les Grands Mag­a­sins et autres cen­tres cul­turels con­sciem­ment ou non, préfèrent les copies, ces sous-livres sou­vent bour­rées d’erreurs de toute nature et de tout niveau du moment que l’ouvrage n’est pas dans « Nuage rouge », à un véri­ta­ble orig­i­nal « matriciel », dûment relu, annoté, véri­fié du sim­ple fait qu’il est au Rocher. Les auteurs français sur le sujet ne citent que très rarement leurs sources lorsqu’il s’agit d’un livre traduit dans « Nuage rouge » dont l’existence les insup­por­t­ent tant à leurs yeux la col­lec­tion est illégitime car en dehors du « sérail… » Idem pour les jour­nal­istes : c’est soit le silence de plomb, soit quelques lignes pour habile­ment, décrédi­bilis­er. En 30 ans, la col­lec­tion a pub­lié des auteurs français hors norme ain­si de Daniel Dubois, recon­nu comme un « Grand » sur le sujet dans le monde entier, sauf en France…, qui écriv­it avec Yves Berg­er Les Indi­ens des Plaines, et en 1992 Jean Cazeneuve, de l’Institut, et pre­mier P.D.G. de T.F. 1. en 1975. J’ai donc fait sign­er un con­trat à mon ancien patron pour la réédi­tion de son ouvrage sur les Indi­ens zunis du Nou­veau-Mex­ique inti­t­ulé Les dieux dansent à Cibo­la : le Sha­lako des Indi­ens zunis, livre pub­lié une pre­mière fois en 1957 chez Gal­li­mard dans la col­lec­tion « L’espèce humaine », créée et dirigée par le fon­da­teur du Musée de L’Homme, Paul Rivet.

Néan­moins, l’édition me réser­vait quand même de bonnes ren­con­tres. Grâce au jour­nal­iste-cri­tique de ciné­ma au Parisien Éric Leguèbe – dont j’ai pu faire rééditer au Rocher le livre His­toire mon­di­ale des West­erns – ren­con­tré à T.F.1 quand il venait nous voir pour la doc­u­men­ta­tion et les dis­cus­sions pas­sion­nées sur le 7e Art avec notam­ment le regret­té gar­di­en d’une cav­erne d’Ali Baba ciné­matographique et télévi­suelle Philippe Fer­rari, et mon patron et ami Jean-Claude Albert-Weil que j’ai eu le plaisir non dis­simulé de pou­voir faire pub­li­er au Rocher son roman uchronique Sont les Oiseaux… pre­mier prix du roman de la Société des Gens de Let­tres en 1997 et qui rameu­ta autour de lui tous les Célin­iens de France et de Bel­gique, j’ai fait con­nais­sance de Chris­t­ian Durante qui tra­vail­la avec Éric Zem­mour au Quo­ti­di­en de Paris. Durante œuvra égale­ment aux côtés de Louis Pauwels au Figaro-Mag­a­zine, enchaî­na comme édi­teur indépen­dant pour entr­er par la suite dans la « Big Box de la com’ » savoir Image 7 avant, désor­mais, de col­la­bor­er à l’ISSEP de Mar­i­on Maréchal.

Pour con­clure, si tant est que c’est « idiot » comme le cla­mait si bien Flaubert…, la présence per­ma­nente de « Nuage rouge » en dépit des nom­breuses ten­ta­tives de ren­dre invis­i­ble cette col­lec­tion, agace. Sa résis­tance aux inces­sants coups de boutoirs pour­rait suf­fire à lui con­fér­er un car­ac­tère d’authenticité héroïque dans l’ensemble de la séquence allant de 1991 à nos jours. Il n’est point toléré que « Nuage rouge » croise avec une évi­dente habileté, un man­i­feste savoir, les thé­ma­tiques majeures des champs d’investigation édi­to­ri­ale, à savoir la lit­téra­ture indi­enne con­tem­po­raine, l’ethnographie, l’anthropologie sociale et religieuse, l’ethno-histoire, les romans his­toriques. Pour mes illus­tres et courageux con­temp­teurs, il s’agit depuis trente ans de démon­tr­er que « Nuage rouge » est dépourvu de toute valeur spé­ci­fique. Oui, la con­fig­u­ra­tion, la topogra­phie des ter­ri­toires tra­di­tion­nels et les instances de la col­lec­tion hys­térisent au plus au point le « camp adverse » : le camp du Bien…

Olivi­er Delavault
www.nuagerouge.com

Olivi­er Delavault est l’auteur de nom­breux livres, entre autres :

  • Avec Guy Flo­ri­ant, Jacques Brel. L’i­nac­ces­si­ble étoile, édi­tions du Rocher, 2003
  • Dic­tio­n­naire des chan­sons de Claude François, Durante Edi­teur, 2003 ; réédi­tions augmentées :
  • Télé­maque, 2008
  • Guy Tré­daniel, 2013, pré­face d’Alain Chamfort.
  • Geron­i­mo, Folio/Biographies, Gal­li­mard 2007
  • Jacques Brel, le dégoût essen­tiel, édi­tions Télé­maque, 2015
  • Claude François. L’in­té­grale des adap­ta­tions, Guy Tré­daniel, 2018

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