Le débat entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour le 23 septembre 2021 sur BFMTV a été l’occasion de confronter deux conceptions de l’avenir de la France radicalement opposées. Les constats sur la situation de la France, en particulier sur le plan migratoire, ont également fortement divergé entre les deux hommes. Les fact-checkers de la chaîne d’information en continu n’ont pour l’occasion pas brillé par la pertinence de leurs éclairages. Un seul exemple suffit pour s’en convaincre.
Le nombre d’immigrés supplémentaires fact checké
La première partie du débat entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour a porté sur l’immigration. Le service de « Vérif » de BFMTV s’est empressé de vérifier les propos d’Éric Zemmour selon lesquels « la France comptera 2 millions d’immigrés supplémentaires sous le quinquennat d’Emmanuel Macron ». Pour vérifier cette affirmation, les journalistes de la chaine ont fait appel au démographe Hervé le Bras.
Qui est ce « savant » tant vanté par Jean-Luc Mélenchon ?
Si Hervé Le Bras jouit d’une grande popularité à gauche, il est loin de faire l’unanimité dans le petit milieu des spécialistes de l’immigration.
Dans un interview au journal Le Figaro en février 2016, la démographe Michèle Tribalat revient sur les différentes manœuvres d’Hervé Le Bras durant les années 1990 pour disqualifier les travaux de l’Institut national d’études démographiques (INED), qui ne vont pas dans le sens de son orientation idéologique pro-immigration. L’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie (OID) a consacré le 30 septembre 2020 un article au démographe. Les nombreux biais méthodologiques commis par le « savant » dans ses estimations de l’immigration y sont exposés de façon méthodique.
Comme nous le relations dans un article du 20 février 2020, Hervé Le Bras fait partie des « spécialistes » favoris des médias de grand chemin, qui n’ont de cesse de minimiser l’ampleur de l’immigration que la France connait. À l’époque, c’était l’inénarrable Marlène Schiappa qui s’appuyait sur les travaux du démographe pour étayer ses affirmations face…à Éric Zemmour lors d’un débat télévisé.
Peut-on dans ces conditions présenter Hervé Le Bras comme un gage d’objectivité ?
Le magistrat Charles Prats n’a pas tardé à réagir sur Twitter aux chiffres minimant le nombre d’immigrés supplémentaires arrivant en France chaque année :
« Fact checking des fact checkers #DebatBFMTV Il y a effectivement 400.000 attributions de numéros de sécu à des gens nés à l’étranger chaque année depuis dix ans. Ce sont les données officielles de la sécurité sociale (fichier SANDIA). 3,5 millions attribués entre 2011 et 2020 ».
L’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie fait sur Twitter un décompte du nombre d’entrées en France durant l’année 2019 :
« 273.000 entrées de l’Insee ressemble aux 274.676 titres de séjour délivrés en 2019. Mais il faut aussi tenir compte des demandes d’asile, et des clandestins, 247 676 titres de séjour délivrés, 177 822 demandes d’asiles+ les clandestins ( ?) ».
Carences statistiques
L’OID commente la minoration par Jean-Luc Mélenchon de l’estimation d’Éric Zemmour du nombre d’immigrés extra-européens supplémentaires durant le quinquennat d’Emmanuel Macron :
« Au débat BFMTV, très grosse erreur de JL Mélenchon qui dit que les immigrés qui arrivent partent ensuite. Que disent les chiffres ? Pour l’immigré qui repart, plus de 3 immigrés arrivent dans le même temps. Au contraire, ceux qui quittent le pays sont plutôt nés en France… ».
Dans cette querelle de chiffres, il est utile de rappeler les carences des outils statistiques du gouvernement français pour mesurer tant le stock que les flux d’immigrés, relevées par Patrick Stefanini, un ancien haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur, dans livre paru en 2020 et chroniqué notamment par l’institut Polémia : « l’absence de registre des entrées et des sorties du territoire, la non-comptabilisation des mineurs étrangers et des demandeurs d’asile dans le nombre des premiers titres de séjour délivrés sont présentées comme des freins à une connaissance fine du nombre d’étrangers présents et entrant chaque année en France ».
Voir ce que l’on voit
À l’instar de Marlène Schiappa, de Jean-Luc Mélenchon et de BFMTV, ils sont nombreux à s’en remettre de façon aveugle au pseudo « savant » préféré des médias de grand chemin pour évaluer l’ampleur de l’immigration en France. Mais de quelque façon qu’on les torde, dans ce flou artistique savamment entretenu, les faits, une immigration considérable parfois organisée par le gouvernement français, sont là, têtus et visibles à l’œil nu. Pour qui se donne la peine non seulement de dire ce qu’il voit, mais aussi de voir ce qu’il voit, pour reprendre les mots Charles Péguy.