Le journalisme est en crise, propos de café du commerce ou bien réflexion de fond ? Mutations, émergence du numérique, accélération de l’information, une enquête de Jean-Marie Charon, spécialiste reconnu des médias apporte des éléments de réponse.
Les journalistes en France
34.812 journalistes titulaires de la carte de presse en France en 2020, soit 10% de moins qu’en 2009. Sans compter les quelques milliers qui exercent la profession sans la carte. Une parité à peu près parfaite (48,5% de femmes), un statut précaire (pigistes, auto-entrepreneurs, chômeurs) en augmentation, une bonne formation en moyenne, le cinquième a suivi une des 14 formations reconnues par l’État.
Pourquoi quittent-ils le métier ?
Au travers de 55 entretiens au long cours par mails, Jean-Marie Charon et Adénora Pigeolat cernent en profondeur les causes du malaise et les mêmes mots reviennent : désenchantement (souvent après une vocation précoce), perte de sens (« le métier me dégoûte »), modèle économique incertain.
Le statut des pigistes est éloquent, si un quart d’entre eux gagne convenablement sa vie, 22% gagnent moins de 1027 € par mois et plus de la moitié sont autour du SMIC ou un peu plus. Bien peu pour cinq ans d’étude et souvent une cinquantaine d’heures de travail hebdomadaire.
Plus avec moins
Les rédactions limitent leurs effectifs, recourent à l’emploi précaire, privilégient le « journalisme d’ordinateur » au reportage ou à l’enquête, accélèrent les rythmes de travail à travers le numérique qui demande une permanence du traitement de l’actualité.
Surcharge de travail, placardisation, épuisement professionnel, mènent à une sorte de conformisme et à l’essouflement. La solution est alors de quitter le métier. Où aller ? Les plus jeunes reprennent leurs études, certains font des bilans de compétences, la majorité se dirige naturellement vers l’enseignement ou la communication. Sur ce dernier point, remarquons que la frontière entre journalisme et communication tend à s’estomper.
Sans conclure en rien à la fin du journalisme et des journalistes, l’ouvrage analyse ces départs comme un révélateur des transformations et des tensions qui traversent la profession. Le désenchantement touche tous les âges, sans oublier qu’une carrière de journaliste est en moyenne assez courte, de l’ordre d’une quinzaine d’années.
Hier journalistes, ils ont quitté la profession, Jean-Marie Charon et Adénora Pigeolat, Entremises éditions, 2021, 123 p., 7,95 €.