Le départ d’Hervé Gattegno du groupe Lagardère ne passe pas inaperçu. Ancien patron du JDD et de Paris Match, cet homme de presse que personne, ou presque, ne connaissait (en-dehors du milieu du journalisme) avant son éviction, fait parler à six mois de l’élection présidentielle.
Derrière ce départ certains, à l’instar du Monde croient voir la main de Bolloré et ses envies de droitiser un peu son éventail médiatique quand d’autres y verront un rééquilibrage du paysage médiatique.
Du simple hommage à l’épouvantail brun, les réactions au départ
Vous ne connaissiez pas Hervé Gattegno ? Le petit monde médiatique, si ! Alors que le départ d’Hervé Gattegno du groupe Lagardère a provoqué un intérêt peu commun de la presse, les réactions des journalistes sur les réseaux sociaux en disent long sur ce qui est en train de se jouer dans le paysage médiatique français.
Si certains ont rendu un hommage, niais parfois mais plutôt neutre à l’image de Claude Askolovitch et Étienne Grenelle…
https://twitter.com/askolovitchC/status/1450424708265127939
Sans oublier son talent, je peux en témoigner pour avoir travaillé avec lui au « Point ». Il m’a souvent impressionné.
— Etienne Gernelle (@gernelle) October 19, 2021
…d’autres ont sorti leurs grands chevaux à l’image d’Aude Lancelin qui affirme qu’avec son départ ce sont deux grands médias qui « basculent dans le champ d’influence de l’extrême droite ».
Avec le départ d’Hervé Gattegno, à l’évidence acté par #Bolloré, ce sont deux nouveaux grands médias français, Paris Match et le JDD qui basculent dans le champ d’influence de l’extrême droite. À six mois de la #Presidentielle2022 https://t.co/nHQYGq3Exm
— Aude Lancelin (@alancelin) October 19, 2021
Étonnante analyse quand on sait la manière dont Gattegno a pu servir la soupe à Emmanuel Macron depuis quelques années et le peu de sympathie qu’Aude Lancelin peut avoir pour l’actuel président.
Raphaëlle Bacqué, grand reporter et présidente de la Société des rédacteurs du Monde n’y va pas par quatre chemins et évoque carrément, à propos des deux personnalités pressenties pour le remplacer, Patrick Mahé et Jérôme Bellay, une nomination anti-Macron visant une alliance « droite-extrême droite ». Un degré d’analyse qui, en d’autres circonstances, pourrait être assimilé à une forme de complotisme.
Après l’éviction de Hervé Gattegno, Bolloré s’impose à Paris Match et au Jdd. Il devrait y nommer Patrick Mahé et Jérôme Bellay, deux partisans de l’alliance droite/extrême-droite et anti Macron.
@sandrinecassini @AudeDassonville https://t.co/f97OrBohC6— Raphaelle Bacqué (@RaphaelleBacque) October 20, 2021
Raphaëlle Bacqué risque de ne pas être déçue car mercredi 20 octobre au matin, Laurent Ubartelli du Point annonçait que Laurence Pieau (ex-Closer) prendrait la place de Paris Match quand le JDD serait dirigé par l’actuel directeur adjoint de Valeurs Actuelles Tugdual Denis.
https://twitter.com/oubertalli/status/1450744496761802754
Jean-Michel Aphatie, que les réseaux sociaux n’ont vraiment pas grandi y est allé de son petit couplet pleurnichard sous-entendant clairement que ce changement était issu de la volonté de Vincent Bolloré. Pas un scoop mais toujours l’occasion d’écrire quelque chose.
Lagardère? Ah tiens, ce n’est pas le nom qu’on m’avait donné. Étonnant, non? https://t.co/xINdf9X1wu
— jean-michel aphatie (@jmaphatie) October 19, 2021
D’autres tentent le lyrisme avec un ridicule un peu gênant à l’image de Nils Wilcke.
Voir aussi : Départ d’Hervé Gattegno au JDD et à Paris Match, début de l’ère Bolloré ?
À six mois de la présidentielle, les médias en ébullition
Une fois n’est pas coutume, l’information factuelle à retenir de cette petite polémique a été soulignée par l’AFP : il s’agit de mouvements qui interviennent à six mois de la présidentielle. En effet, l’arrivée d’Éric Zemmour semble galvaniser Bolloré dans sa volonté de diversifier (en l’occurrence droitiser) une partie de la presse nationale. Juste retour de bâton pour un monde médiatique qui penche largement au centre gauche libéral libertaire et qui semble avoir trouvé un candidat-président idéal avec Emmanuel Macron.
Depuis le début du quinquennat, l’information et les médias sont au cœur des préoccupations de la majorité qui semble gênée par la diversité d’opinion et la liberté de ton inhérente à internet. La loi Avia aura montré la volonté de museler les contrepoids médiatiques, la création d’un observatoire de la haine en ligne complètera ensuite le panel répressif…
Le pouvoir s’est activé pour limiter les voies contestataires mais bénéficie aussi de la création d’un média taillé sur mesure avec Franc-Tireur, qui se lance en novembre à cinq mois de l’élection présidentielle. Déjà assuré d’une certaine forme d’appui du groupe France TV qui ne devrait pas vraiment faire campagne pour Jean-Luc Mélenchon, Éric Zemmour ou Marine Le Pen, le président Macron dispose d’un large panel de journaux qui lui sont acquis ; d’autres le rallieront en cas de second tour contre « un populiste » à l’image de Libération, dernier vestige quotidien du socialisme version PS.
Faute de révolutionner une profession très ancrée à gauche et dans le modèle libéral libertaire, les mouvements opérés par Bolloré, quoiqu’on puisse en penser par ailleurs, vont indéniablement dans le sens d’une plus grande diversité d’opinion dans les médias.