Le quotidien réputé conservateur est une belle entreprise d’influence, une diffusion totale payée proche de 350.000 exemplaires, 200.000 abonnés numériques, 25 millions de visiteurs mensuels sur le site. Avec aussi des pertes non négligeables en 2020. De quoi exciter les convoitises… ou les rumeurs malveillantes d’adversaires mal intentionnés.
Mediapart ouvre le feu
Le 20 novembre 2021, Laurent Mauduit lançait la rumeur sur le site islamo-gauchiste, en sonnant le tocsin « Vincent Bolloré lorgne le Figaro ». Sur un ton alarmant l’éditorialiste analysait les relations (réelles) entre les familles Bolloré et Dassault et poursuivait en insistant sur les inquiétudes des bourgeois devant une entreprise possible de rachat qui « finit par indigner même les plus modérés » (sic).
Le Monde remet le couvert
Il n’a fallu que quelques jours pour que le quotidien du soir très macro-compatible appuie sur la pédale et relance la rengaine. Le 24 novembre sous la signature d’Aude Dassonville et Ariane Chemin, le journal reprenait l’ascenseur là où Mediapart l’avait arrêté. Et de s’interroger gravement sur un nouveau combat de titans entre les milliardaires ennemis Bolloré et Arnault, au bénéfice probable du premier.
Des arguments pour et des insinuations utiles
Parmi les raisons objectives à une négociation en coulisse, citons la mort accidentelle d’Olivier Dassault en 2021, une faible entente entre les héritiers de Serge Dassault et de mauvais résultats financiers du groupe Le Figaro après entre autres l’achat à contre-temps de voyagistes (Marco Vasco, Les Maisons du voyage). Des pertes sans doute proches des 190M€ en 2020 qui ont entraîné des réductions d’effectifs et un programme d’économies.
Mais il y a d’autres raisons objectives pour Mediapart et le Monde de couiner en lançant des rumeurs qui servent de contre-feux. Lancer un avertissement aux propriétaires du Figaro, imaginons : « ne vous laissez pas entraîner dans une mode pro-Zemmour et anti-Macron, vous êtes sous surveillance et si la diplomatie française favorise le groupe aérien Dassault dans la vente d’avions Rafale comme récemment en Égypte et en Croatie, n’oubliez pas la main qui vous nourrit ». Par ailleurs agiter l’ombre de l’ogre Bolloré c’est aussi un moyen de l’exorciser. En bonne politique cela s’appelle de la gesticulation pour neutraliser l’adversaire.
Conclusion très provisoire
Charles Edelstenne, 83 ans et toutes ses dents, l’homme fort de la holding familiale Dassault, a démenti absolument toute négociation allant dans le sens d’une vente. Le jour où Le Figaro sera vendu — pour une coquette somme pouvant aller de 500M€ à un milliard — on peut être certain que l’annonce sera faite une fois l’accord signé et enregistré. Bolloré comme Arnault ont les poches assez profondes pour l’opération et des intérêts politiques et économiques qui justifieraient cette acquisition. Entretemps les liens affectifs des héritiers Dassault avec le quotidien se distendent… et la période pré-électorale puis électorale qui s’ouvre est favorable aux jeux de billard à trois bandes, voire à quatre bandes pour les amateurs. Mais gageons, malgré les couinements divers et variés, que rien ne se passera avant la fin de la période électorale d’avril/juin 2022… ou jamais.