Rediffusion estivale. Première diffusion le 29 janvier 2022
Journaliste militante et éditorialiste progressiste, Caroline Fourest a fait parler d’elle en fin d’année 2021 pour son implication dans la revue Franc-Tireur. Le début d’année 2022 l’aura une nouvelle fois mis sous le feu des projecteurs pour une brouille avec la Société des rédacteurs de « Marianne »…
À l’origine de la brouille, un certain Thomas NLend
Si le journal Marianne a bien souvent le mérite d’élever le niveau dans le paysage médiatique français, cette nouvelle affaire Fourest n’est pas vraiment flatteuse. À l’origine de ce petit conflit éditorial, on retrouve un personnage trouble : Thomas NLend.
Cet auteur et réalisateur a publié en ce début d’année un ouvrage, Les bouffons de la haine, dans lequel il raconte une – prétendue – infiltration dans l’association Égalité et Réconciliation du polémiste Alain Soral. Depuis la sortie de ce livre le 12 janvier 2022, Caroline Fourest en assure la tournée promotionnelle, flattant l’ouvrage dans Franc-Tireur sous la une racoleuse intitulée : « Infiltré chez Soral ».
Cependant, le livre n’est pas du goût de tous chez Marianne et a réveillé un conflit antérieur concernant une enquête du rédacteur-en-chef adjoint du journal, Gabriel Libert. Celui-ci avait publié un article le 30 juillet 2020 dans lequel il dénonçait les liens entre un humoriste (Ahmed Sylla) et une « ex-figure de la fachosphère » : un certain Tomas Pone, alias Mathias Cardet qui s’avère être Thomas NLend.
Allo, c’est Caro !
Le 19 janvier, une semaine après la parution du livre, le site Arrêt sur images a révélé le conflit de l’été 2020. On apprend que la journaliste avait fait pression sur Gabriel Libert en juillet 2020 pour qu’il ne publie pas l’article susmentionné. Selon la Société des rédacteurs de Marianne (SRM), Caroline Fourest aurait alors tenté de convaincre Gabriel Libert au cours d’un appel téléphonique en le mettant en contact avec une source policière… Qui s’avérait être Noël Dubus ! Personnage trouble encore, impliqué dans les affaires libyennes de Nicolas Sarkozy, c’est ce Noël Dubus qui aurait, selon monsieur NLend, été à l’origine de de son infiltration dans l’association d’Alain Soral.
Caroline sort la sulfateuse !
Sur son blog, Caroline Fourest a tenu à se défendre des accusations de la SRM, affirmant regretter que la Société des rédacteurs « se soit laissée instrumentaliser ». Pas très « bienveillante » à l’égard de Gabriel Libert elle décrit l’intéressé comme étant « formé à l’école paparazzi » et « recruté pour écrire des papiers people ». Elle l’accuse en outre d’avoir consacré un grand entretien au metteur en scène Christophe Ruggia, accusé d’attouchements par Adèle Haenel.
Caroline Fourest dénonce les errements déontologiques supposés de son confrère en apportant un document censé aller dans ce sens. Le fond du problème semble être ici de savoir si monsieur NLend était infiltré chez Alain Soral ou s’il y était de son plein gré. Caroline Fourest, elle, a tranché. Gabriel Libert n’est cependant pas le seul confrère à être attaqué par la journaliste ; le site Arrêt sur image, qui ne la ménage pas, est aussi visé, qualifié d’« officine idéologique qui hait la gauche Charlie ». Se dessine ici les contours d’une fracture dans la presse de gauche qui peut schématiquement se résumer entre une vieille garde laïcarde et une presse aux tendances indigénistes. Cette fracture n’est d’ailleurs pas au cœur du conflit entre Caroline Fourest et la SRM, Marianne se retrouvant plutôt dans une gauche « canal historique ». Le conflit semble ici plus reposer sur une querelle de personnes.
Thomas NLend, l’étrange épicentre de l’affaire
Au cœur de cette affaire de presse, Thomas NLend connu dans les « mouvances dissidentes » et sur internet sous le nom de Mathias Cardet est à l’origine de plusieurs ouvrages dont certains ont connu un certain succès. En 2011, il publie le livre Hooliblack, contraction de « hooligan » et « black » un ouvrage dans lequel il évoque son passé réel ou fantasmé de hooligan et son appartenance au groupe antifasciste « Black Dragons ». Lui-même avouera plus tard s’être largement arrangé avec la vérité. En 2013, il publie L’Effroyable imposture du rap français aux éditions Kontre kulture. Un ouvrage critique contre le rap et ses dérives capitaliste qui trouve un écho très favorable dans la sphère soralienne.
Les Inrocks, ont publié un article critique sur le personnage et sur son livre dans lequel est révélé son implication dans l’affaire George Tron !
Infiltré ou pas infiltré ?
Caroline Fourest a‑t-elle été dupée ? Est-elle consciente du manque de fiabilité de Thomas NLend ? Celui-ci était ‑il en service commandé chez Soral ou a‑t-il voulu rentabiliser un « engagement » militant dont il s’est éloigné ?
Difficile d’imaginer qu’une telle implication avec une production d’ouvrage et un soutien sans faille n’a été opérée que dans le cadre d’une infiltration. Caroline Fourest, elle, a décidé de quitter le Conseil de surveillance de CMI France (Czech Media Invest) qui possède Marianne pour pouvoir répondre plus sereinement à « ces attaques ». En revanche vous pourrez toujours prendre plaisir à lire Caroline Fourest dans Franc-tireur édité et financé par CMI.
Pas toujours très regardante sur ses sources, Caroline Fourest avait été rappelée à l’ordre par le CSA en 2014 mais aussi remise à sa place par des vétérans pour son film sur les combattantes kurdes en 2019. Volontiers polémique, elle semble aujourd’hui s’embourber dans une affaire qui pourrait alimenter un peu plus les oppositions qui sévissent au sein de la gauche médiatique.