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Daphné Deschamps

7 février 2023

Temps de lecture : 8 minutes
Accueil | Portraits | Daphné Deschamps
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Daphné Deschamps

Temps de lecture : 8 minutes

Spécialiste de l’extrême droite et… des fake news !

4400 retweets, 2000 citations, 6000 « j’aime » et une reprise par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, la photo et le message postés le samedi 15 janvier 2022 par la « journaliste indépendante » Daphné Deschamps ont électrisé les réseaux sociaux et suscité bien des réactions au sein de la classe politique. Fin janvier 2023 elle participe à l’agression d’un autre journaliste, Jordan Florentin de Boulevard Voltaire, lors d’une manifestation.

Daphné voit des nains – pardon – des néo-nazis partout

Il faut dire que toutes les cartes étaient présentes pour assur­er à Daph­né Deschamps le suc­cès de sa pub­li­ca­tion : autodécrétée « experte » de l’extrême droite, l’occasion était trop ten­tante pour la jeune femme : elle y a vu des hommes, blancs, le vis­age cou­vert pour nom­bre d’entre-deux et la main lev­ée à 70° vers le ciel, bras ten­du. Immé­di­ate­ment, Daph­né se saisit de son ordi­na­teur et s’empresse de tweet­er : « Env­i­ron 200 néon­azis, bras ten­du, en pleine rue, au cœur de la manif anti-pass, tout va bien. » Hélas, c’était une fak­e­news, les man­i­fes­tants tapaient dans leurs mains en rythme… à vouloir trop prouver…

Deschamps aux champs, de Libé à Politis en passant par L’Huma

Mais qui est cette Daph­né Deschamps ? Se décrivant comme spé­cial­iste de l’extrême droite, du fémin­isme et des mou­ve­ments soci­aux sur son blog per­son­nel, Made­moi­selle Deschamps est, au regard de la majorité de ses pub­li­ca­tions sur les réseaux soci­aux, avant tout une mil­i­tante d’ultragauche, proche des mou­vances antifas­cistes. Dotée d’expériences pro­fes­sion­nelles chez Libéra­tion, Le Parisien ou encore l’Humanité, Daph­né Deschamps col­la­bore régulière­ment avec le très gauchiste mag­a­zine heb­do­madaire Poli­tis qui con­nait au demeu­rant de graves dif­fi­cultés finan­cières et a fail­li som­br­er dans une lam­en­ta­ble escro­querie de traf­ic de promess­es de papiers de régu­lar­i­sa­tion par son ancien rédac­teur en chef et le com­pagnon de celui-ci ! Que du beau monde.

Voir aus­si : Le rédac­teur en chef de Poli­tis mêlé à un traf­ic avec les clandestins

Membre de la très woke «AJL » LGBTQI+ etc

Daph­né est aus­si mem­bre de l’AJL, l’Association des Jour­nal­istes LGBTQI+, sorte de syn­di­cat jour­nal­is­tique qui s’est don­né pour mis­sion de défendre au mieux la com­mu­nauté LGBT (homo­sex­uels, trans­sex­uels, adeptes de la théorie du genre etc…).

Sur leur site inter­net, l’AJL se définit de la sorte : « Nous sommes des jour­nal­istes pro­fes­sion­nels décidés à con­tribuer à amélior­er le traite­ment des sujets LGBTI par les rédac­tions. Il ne s’agit pas faire le procès des médias, encore moins de devenir des sortes de censeurs LGBTI faisant la leçon à nos con­frères et con­sœurs. Mais de les aider à traiter ces ques­tions sou­vent mécon­nues et d’intervenir ou d’alerter quand nous le jugerons néces­saire. » Refu­sant toute accoin­tance avec le lob­by LGBT, l’AJL offi­cie en bon chien de garde du wok­isme et de la pen­sée décon­struc­tiviste. Avec ses « kits à l’usage des rédac­tions », l’AJL cherche à impos­er aux jour­nal­istes écri­t­ure inclu­sive, novlangue améri­can­isée et « pro­grammes d’acceptation » des per­son­nes LGBTQI+.

En 2015, l’AJL pub­lie et fait rat­i­fi­er par de nom­breux médias une « charte con­tre l’homophobie » deman­dant aux rédac­tions, entre autre, de Veiller à respecter le genre social des per­son­nes trans (et non s’en tenir au genre légal), notam­ment dans l’utilisation des pronoms per­son­nels, Don­ner la parole aux les­bi­ennes, Ne pas pré­sumer que les per­son­nes inter­viewées sont hétéro­sex­uelles ou encore Pren­dre en con­sid­éra­tion les remar­ques des asso­ci­a­tions LGBT si elles esti­ment un con­tenu prob­lé­ma­tique. Cette charte sera signée par une par­tie des prin­ci­paux médias français Le Monde, l’Equipe, Libéra­tion, Les Inrock­upt­ibles, Medi­a­part, rue89, Slate, Clos­er ou encore MadmoiZelle.com.

Voir aus­si : L’Association des jour­nal­istes LGBT, du lob­by à la dic­tature masquée

Des femmes, même inventées

Daph­né Deschamps a aus­si fait de sa spé­cial­ité jour­nal­is­tique la lutte des femmes. Ain­si de son pas­sage à l’Humanité, on retrou­ve une dizaine d’articles por­tant essen­tielle­ment sur le com­bat fémin­iste dans l’Histoire. Se mélangeant par­fois les pinceaux et sem­blant con­fon­dre son méti­er avec l’idéologie qu’elle sou­tient, il arrive à Daph­né de se livr­er à quelques approx­i­ma­tions his­toriques et géopolitiques.

Ain­si, dans un papi­er inti­t­ulé : « De la guerre d’Espagne au Roja­va, femmes au com­bat », notre « experte » de l’extrême droite sem­ble aller un peu vite en besogne en faisant des femmes kur­des com­bat­tantes en Syrie et en Irak d’authentiques fémin­istes. En réal­ité et selon plusieurs témoignages, ces femmes por­tant des AK-47 sur le dos fai­saient par­ti inté­grante d’une cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion kurde dont l’objectif était, évidem­ment, de sus­citer l’empathie chez les Occi­den­taux et de faire écho aux grandes crises socié­tales que celui-ci tra­verse, dont le fémin­isme. Dans les grandes batailles qui ont opposé le YPG et/ou le PKK (mil­ices kur­des) à Daech ou à l’armée turque, il a très peu été fait men­tion de femmes sol­dats et le fémin­isme kurde relève de la légende.

Une journaliste antifa

Les con­tri­bu­tions écrites de Daph­né Deschamps au mag­a­zine « Poli­tis » sont élo­quentes ; c’est désor­mais toute la « fachos­phère » qui est analysée par l’œil soi-dis­ant « expert » de notre jour­nal­iste en herbe.

Là encore, le regard est très par­tial et dépasse sou­vent les lim­ites de la dés­in­for­ma­tion. Dans son arti­cle : « Dis­so­lu­tion des groupes d’ex­trême droite : une stratégie inopérante », Daph­né s’attèle à dénon­cer l’inutilité de la poli­tique de Ger­ald Dar­manin face à la « vio­lence » mon­tante des grou­pus­cules iden­ti­taires. Prob­lème : Daph­né Deschamps cite explicite­ment, pour illus­tr­er son pro­pos, Yem Coldas, un porte-parole de la « Jeune Garde », un groupe antifas­ciste lui-même con­nu pour ses actions de mil­i­tan­tisme sou­vent très vio­lentes. Ce sont par exem­ple des mil­i­tants de « La Jeune Garde » qui s’en sont pris physique­ment aux filles du « Col­lec­tif Némé­sis » lors d’un rassem­ble­ment fémin­iste à Paris en novem­bre 2021.

Sur le fond, Daph­né Deschamps livre une vision défor­mée car pro­fondé­ment biaisée par ses con­vic­tions. L’autre procédé manip­u­la­toire qu’utilise Daph­né Deschamps con­siste en la non-con­tex­tu­al­i­sa­tion d’un fait de vio­lence. Dans l’article qu’elle a écrit : « Néon­azis, roy­al­istes, iden­ti­taires… Bien­v­enue au meet­ing de Zem­mour », celle-ci revient sur les évène­ments du meet­ing de Villepinte et les affron­te­ments physiques entre par­ti­sans d’Éric Zem­mour et mil­i­tants de SOS Racisme. Y dénonçant la vio­lence des « groupes iden­ti­taires » qui « fréquenteraient les équipes de cam­pagne de Zem­mour », Daph­né omet évidem­ment de par­ler des dizaines d’antifa venus pour en découdre avec les sou­tiens du can­di­dat. Rap­pelons que les équipes de sécu­rité du meet­ing avaient inter­cep­té de nom­breux activistes armés de marteaux, bris­es vit­res, matraques téle­scopiques, sans compter les dizaines d’in­ter­pel­la­tions poli­cières qui ont eu lieu à l’extérieur du meeting.

Dans une cer­taine con­fu­sion séman­tique, Daph­né Deschamps cherche aus­si à brouiller l’esprit cri­tique du lecteur quant au regard qu’il pour­rait pos­er sur Éric Zem­mour et ses équipes. En mélangeant volon­taire­ment de jeunes influ­enceurs patri­otes (et non pas tous « iden­ti­taires » comme elle l’écrit) avec des groupes par­fois plus rad­i­caux comme les Zouaves de Paris (groupe dis­sous), Daph­né met tous les sou­tiens de Zem­mour dans un même sac : celui des « vio­lents anti-répub­li­cains ». Ce qui s’appelle un procédé.

Enfin, lorsque Daph­né n’est pas obsédée à inven­ter des fake news, elle vient gar­nir les rangs des nervis dits antifas­cistes. Le 31 jan­vi­er 2023, en marge des man­i­fes­ta­tions con­tre la réforme des retraites, le jour­nal­iste Jor­dan Flo­rentin, ancien reporter du Livre Noir œuvrant main­tenant chez Boule­vard Voltaire, ain­si qu’une de ses col­lègues, voient leur matériel mis au sol par un groupe d’an­tifas venu faire le ménage. Les pho­tos postées sur les réseaux soci­aux sont sans appel, Daph­né fai­sait par­tie de ce groupe. Mal­gré ces élé­ments, aucun média de grand chemin ne con­sacr­era une ligne à cette mil­i­tante se faisant pass­er pour une journaliste.

Prototype médiatique

En con­clu­sion, si l’exemple de Daph­né Deschamps et de sa récente fake news sur les saluts nazis est frap­pant, il n’est pas unique en son genre. De plus en plus, mil­i­tan­tisme et jour­nal­isme se con­fondent et finis­sent par for­mer un pro­to­type médi­a­tique assez inquié­tant au sein duquel la fron­tière entre compte-ren­du de l’actualité et manip­u­la­tion émo­tive des lecteurs ne for­ment plus qu’un ; le tout, afin de faire mieux cor­re­spon­dre le réel à une idéolo­gie donnée.

À gauche comme à droite, per­son­ne ne sem­ble être épargné par ce phénomène qui se propage à toute vitesse… Un pre­mier élé­ment de réponse à ce par­a­digme pour­rait être, comme le pro­pose l’essayiste Idriss Aberkane, la mise en place d’un « jour­nal­isme citoyen » calqué sur les pré­ceptes de la Charte de Munich et où chaque jour­nal­iste, s’il ne respecte pas la stricte vérité des faits (men­songes par omis­sion) pour­rait se voir des­tituer de sa fonction…

Évidem­ment, une telle pra­tique pour­rait, à cer­tains égards, s’avérer mor­tifère pour cer­tains jour­nal­istes, la char­mante Daph­né en tête.

Geof­froy Antoine

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