La revue Front Populaire lancée par le philosophe Michel Onfray et Stéphane Simon aura deux ans en juin 2022. Si cette initiative est un beau succès éditorial, celle menée en parallèle visant à la recomposition politique du mouvement souverainiste peine à se concrétiser.
Une intense activité éditoriale
L’activité éditoriale de la revue Font populaire a été intense pendant les deux années écoulées. Les numéros thématiques se sont succédés. Ils ont été consacrés tour à tour au souverainisme, à l’Etat profond, au génie français, à l’immigration, à l’écologie, au droit à la sécurité, aux espèces menacées que seraient la droite et la gauche et au bilan d’Emmanuel Macron. La qualité du travail d’analyse des contributeurs a permis à la revue d’acquérir une place unique dans la presse écrite en France. L’autre ambition des créateurs de Front Populaire, constituer une plate-forme politique en vue des échéances électorales, n’a pas connu le même succès.
Dès septembre 2020, des interrogations
Dans un article publié en septembre 2020, l’Observatoire du journalisme s’interrogeait sur l’ambition de l’équipe de Front Populaire de fédérer des souverainistes « de droite, de gauche, d’ailleurs et de nulle part ». Nous remarquions que Georges Kuzmanovic, le président du mouvement République souveraine et ancien membre du parti de gauche créé par Jean-Luc Mélenchon, était le seul leader politique souverainiste à apporter sa contribution à la revue. Moins de deux ans après la naissance de Front Populaire, où en sommes-nous ?
Le président du mouvement République souveraine apporte toujours des contributions à la revue. Charles-Henry Gallois, un transfuge de l’UPR, le mouvement de François Asselineau, fait également partie des contributeurs de Front Populaire, mais le mouvement qu’il préside n’a – pour le moment – pas d’ambition politique. Les autres leaders politiques souverainistes sont toujours absents des colonnes de la revue.
L’aggiornamento au point mort
Si l’objectif des créateurs de Front Populaire de constituer le socle d’« un nouveau projet pour la France » s’est concrétisé par la création d’une association dénommée Front Populaire & Compagnie, l’aggiornamento souhaité par les créateurs de la revue n’a pas eu lieu.
Des « réseaux populaires » avec des référents départementaux ont bien vu le jour. Un cahier de doléances accessible en ligne alimenté par les membres de l’association a certes permis d’élaborer ce qui pourrait constituer le début d’un programme politique. Mais les candidats pour porter politiquement ce programme ne se pressent pas.
Car si les idées ne manquent pas, c’est plus que jamais la division dans le camp souverainiste. Le Rassemblement national n’en fait plus partie depuis que Marine Le Pen a abandonné en 2017 toute velléité de sortie de la France de l’Union européenne. L’appel de Florian Philippot en juillet 2020 visant à une réunion des leaders politiques souverainistes au sein d’une « maison commune » est resté sans réponse.
Les trois candidats souverainistes à l’élection présidentielle, Français Asselineau, Florian Philippot et Georges Kuzmanovic ont annoncé leur intention de se présenter séparément. Les sondages d’opinion leur prédisent un score plus que minime, s’ils parviennent toutefois à récolter le nombre de parrainages nécessaires pour être candidats. Il est vrai que les médias de grand chemin les ignorent assez largement.
L’initiative de Michel Onfray de faire émerger un « nouveau projet pour la France » vient de connaitre un nouveau rebondissement : l’assemblée générale de l’association Front Populaire & Co a décidé en novembre 2021 la création d’une nouvelle structure appelée « France Souveraine ». Sa mission est de « créer le climat propice à la réunion du camp souverainiste ». Le dynamisme et la force de conviction de son président nouvellement élu, Guillaume Bigot, ne seront probablement pas de trop pour mener à bien cette lourde tâche. Sans compter que le souverainisme doit être un souverainisme pour quelque chose. On peut imaginer une France islamiste plus souveraine que la France macronienne, on doute que ce soit l’objectif de l’association.
En attendant l’hypothétique concrétisation politique qui pourrait en advenir, Michel Onfray parait avoir tiré un trait sur les prochaines élections. Il déclarait récemment au micro d’une radio périphérique :
« Je n’irai pas voter […] Je peux vous dire qui sera élu au second tour. Ce sera un candidat maastrichtien. Si ce n’est pas Macron, ce sera Valérie Pécresse. Ce ne sera sûrement pas Zemmour, ce ne sera sûrement pas Marine Le Pen. »
Sur Paris Première le 10 février 2022, Michel Onfray enfonçait le clou en indiquant face à Adrien Quatennens (LFI) « ne pas voir de candidat pour le Frexit ». Voilà qui ne devrait pas ramener de la concorde dans le camp souverainiste déjà bien divisé…