Nous reproduisons un article du quotidien Présent du 17 février 2022 sur un sujet qui peut paraître technique, la fin programmée de la distribution des journaux papiers par La Poste, mais qui aura des conséquences sur l’équilibre économique de ces derniers. Certains sous-titres sont de notre rédaction
Un plan gouvernemental de la distribution de la presse papier
La distribution de la presse quotidienne à ses abonnés est confrontée à des échéances difficiles : une quasi-disparition du « courrier rapide » de La Poste en 2023, et, d’ici 2026, le « portage » appliqué à grande échelle pour les quotidiens papier. Les conséquences pour les abonnés papier des « petits » quotidiens seront grandes, voire fatales.
En 2023, l’engagement de La Poste pour la distribution du courrier passera de J+2 à J+3. Cela signifie qu’un courrier envoyé le lundi pourra arriver le jeudi sans que le client (« l’usager », comme on dit dans le secteur public) puisse trouver à y redire. Cela ne semble pas très grave quand on sait que les Français, qui, au début des années 2000, envoyaient chaque année une moyenne de quarante-cinq lettres en courrier rapide, n’en envoient plus que huit, aujourd’hui. Internet a changé la donne.
Une réforme mortelle pour les abonnements papier des quotidiens
Mais ce passage d’une garantie de J+2 à J+3 est préjudiciable à la presse écrite, spécialement pour les hebdomadaires, voire mortel pour les quotidiens. Nos lecteurs se plaignent – à juste titre – de recevoir parfois leur quotidien un ou plusieurs jours après la date normale. En 2023, ils ne pourront se plaindre que si le journal arrive dans leur boite aux lettres quatre jours ou plus après sa date de parution. C’est la signification de ce J+3 annoncé. Qui va accepter de gaité de cœur de recevoir les informations écrites dites « quotidiennes » avec un tel décalage par rapport aux évènements ?
Trafic en baisse, déficit en hausse
La Poste ne fait que prendre acte de l’évolution de son trafic… et de son déficit. Depuis 2018 cette entreprise, investie d’une mission de service public, est en effet déficitaire, et c’est l’Etat qui bouche les trous, et le client, par le biais de fortes augmentations des tarifs postaux. Or tout ce qui est urgent est désormais envoyé par courriel, par le numérique. La Poste ne transporte plus guère que les autres plis, et développe surtout sa distribution de paquets. Le mouvement s’est accéléré avec la crise sanitaire. Les courriers ont chuté de 18%.
C’est dire si la presse quotidienne – dont les principaux revenus proviennent des abonnés – est inquiète de cette évolution. Les « grands » (gros) journaux ont déjà développé, dans les principales métropoles, le portage, mais d’une part les petites communes ne pourront jamais être desservies par portage, et en outre le problème est spécialement compliqué pour les « petits » quotidiens.
Mais il faut savoir aussi que le volume des journaux distribués par La Poste, qui était de 1,8 milliards en 2008, est tombé à 622 millions en 2020. Cette chute a deux raisons principales : la première, c’est tout simplement le recul des abonnements à la presse papier, concurrencée par l’information en ligne ; les quotidiens en sont les premières victimes. La seconde, c’est le Covid, les aléas de distribution qui en ont découlé, spécialement pendant le premier confinement. Il a créé de nouvelles habitudes dans la recherche d’information, avec un retour de la télévision, le succès des chaines d’information en continu.
Pour favoriser le portage au détriment du circuit postal, les quotidiens bénéficieront d’une aide légale au numéro qui privilégiera ce circuit de distribution au détriment des exemplaires envoyés par La Poste.
Développer le numérique ou disparaître
Un accord a été signé ce lundi 14 février entre l’Etat, La Poste et les éditeurs de journaux. Il a pour but de favoriser le portage tout en stabilisant les coûts postaux, qui avaient tendance à s’envoler, du fait du déficit de La Poste qui se creusait. Dans les zones urbanisées, La Poste ne distribuera plus les quotidiens, le portage sera progressivement imposé sur les quatre ans à venir. Elle continuera à distribuer les quotidiens uniquement dans les zones rurales et isolées.
Le patron de La Poste a considéré que c’était un bon accord. Mais ne nous leurrons pas : la situation va devenir de plus en plus difficile pour les « petits » quotidiens comme Présent. Sauf à développer significativement sa version numérique. Ce que nous nous employons à faire.
Francis Bergeron
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Voir aussi : Presse : le papier pleure, le numérique rit