La discrète directrice de l’info, de « télé Bouygues » à France Inter
Au service de la télévision privée TF1 durant trente-trois ans, la discrète Catherine Nayl, directrice générale adjointe de l’information de la chaîne de Martin Bouygues a changé de cap pour prendre la tête de l’info à France Inter en 2017. Retour sur la carrière de celle qui s’est imposée dans le service public.
Au service de la télévision de Martin Bouygues : TF1
C’est au sein de TF1 que Nayl passera le plus clair de sa carrière, d’abord sur le terrain, puis pour encadrer les équipes. Elle sera notamment trois ans rédactrice-en-chef de Jean-Pierre Pernault, dont elle concède qu’il lui « a beaucoup appris ». « On n’était absolument pas d’accord sur certaines choses, mais on se le disait et une confiance s’est installée », concèdera-t-elle encore. Au fil de sa carrière, elle fut parfois amenée à prendre temporairement la place de Claire Chazal au journal télévisé et occupa longtemps des postes clefs de cette institution. Elle semble s’être attirée des inimitiés, notamment en la personne de Laurence Ferrari, ancienne présentatrice du JT de TF1 à laquelle elle aurait rendu à l’occasion de son départ un hommage « des plus légers selon les témoins » de la scène et avec qui les rapports semblaient alors délicats.
En 2017, elle est remplacée par Thierry Thuillier, ancien directeur général de LCI, avait qui elle ne pouvait, de son propre aveu, cohabiter. Elle refusera de prendre un autre poste au sein de TF1 au moment de la nomination de ce dernier, décrétant : « Je n’ai ni regret ni amertume. Il fallait couper le cordon, je l’ai fait. Je pense avoir laissé une information en bonne santé et des finances tenues ». Ce changement serait dû au fait que Nayl était une figure proche de l’ancien président-directeur général du groupe TF1, Nonce Paolini, remplacé depuis par Gilles Pélisson ; on le devrait également au fait que Thuillier fut l’artisan de la réorganisation (passant par une fusion des rédactions) de l’information au sein de la chaîne et que son accession à la direction de l’information se soit naturellement imposé dans la perspective de mener le projet à son terme.
Un officier du privé à Radio France
Son arrivée au sein de France Inter ne fait pas fait que des heureux : lorsque Catherine Nayl est nommée directrice de l’information de la radio, le 22 décembre 2017, les syndicats de Radio France déplorent l’arrivée d’une personnalité qui, trente-trois ans durant, officia dans le privé. Si certains indiquent que l’initiative de cette nomination reviendrait à Laurent Guimier, Mathieu Gallet et Laurence Bloch, d’autres veulent y voir une nomination politique à l’instigation de la PDG de Radio France Sibyle Veil. Celle-ci aurait, selon l’ouvrage L’Élysée (et les oligarques) contre l’info de Jean-Baptiste Rivoire, « bombard[é] Catherine Nayl, alors cheffe des infos de télé Bouygues [ndlr. TF1] directrice de la rédaction de France Inter » pour répondre à l’hommage qu’avait rendu son ami Emmanuel macron aux chaînes privées, qui feraient « aussi bien le job » que France Télévisions. Cette dernière assertion est discutable, puisque la nomination de Catherine Nayl (22/12/2017) intervient quatre mois avant celle de Sibyle Veil (16/04/2018).
Dès son arrivée à France Inter, elle procède à des changements en décalant la revue de presse et en immisçant dans la matinale de nouvelles chroniques. C’est à elle que l’on doit l’installation, dans la matinale, du duo Demorand-Salamé à 8h20. Son objectif au sein de la radio est selon elle, d’« apporter à tous, sans pousser une doctrine, les outils pour mieux comprendre le monde dans lequel on vit ».
Formation
- École primaire et Collège Pierre Brossolette.
- Lycée Emmanuel Moutier à Châtenay-Malabry.
- Université Paris IV – La Sorbonne.
- 1982 : titulaire d’une licence d’histoire.
- 1984 : maîtrise des sciences de l’information à l’Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication (CELSA).
Parcours professionnel
- 1984–7 : pigiste au service d’informations générales de TF1. L’été, elle présente le journal de 23h et Une Première.
- 1989 : devient chef de service adjointe au service informations générales de TF1.
- 1990–1991 : présentatrice remplaçante du journal de 23h sur TF1.
- 1992 : chef du service Enquêtes et Reportages de TF1.
- Du 10 février 1993 à juin 1993 : elle présente, en compagnie de Benoît Duquesne, le magazine mensuel de la rédaction « À la Une » de TF1.
- Juillet 1996 à octobre 2002 : chef d’information à TF1.
- Octobre 2002 à juin 2008 : directrice des reportages de TF1.
- Juin à octobre 2008 : directrice de la rédaction de TF1. Elle est nommée à ce poste par Jean-Claude Dassier.
- Janvier 2010 à février 2016 : directrice déléguée à l’information du groupe TF1.
- De 2012 au 1er octobre 2017 : administratrice de LCI.
- De janvier 2013 au 1er octobre 2017 : membre du comité exécutif de TF1.
- De juillet 2015 au 1er octobre 2017 : codirectrice de LCI.
- De février 2016 au 1er octobre 2017 : directrice générale adjointe information de TF1.
- Depuis décembre 2017 : directrice de l’information de France Inter.
Parcours militant
Le parcours militant de Catherine Nayl n’est pas renseigné. Néanmoins, dans l’ouvrage d’Aude Dassonville et de Jamal Henni, TF1 – Coulisses, secrets, guerres internes, les auteurs soulignent le caractère « droitier » de la chaîne pendant le mandat Sarkozy. Ils notent par ailleurs la souplesse des membres de la direction en matière politique, indiquant qu’ils s’accommodent aisément des changements de couleurs politiques des présidents. Ils indiquent ainsi à propos de Catherine Nayl (et de Gilles Bouleau) :
« Certains, à TF1, aiment croire que Catherine Nayl et Gilles Bouleau avaient, dans leurs jeunesses respectives, une sensibilité de gauche, ce qui expliquerait leurs carrières actuelles ».
Pour autant, à en croire l’ouvrage Médias – Les nouveaux empires, Nayls n’est pas « sarkozyste et entend se ménager une distance respectable par rapport au pouvoir ». Elle s’échinera dans cette voie pour la campagne de 2012. A la mi-janvier 2012, le PDG de TF1 et Catherine Nayl auraient d’ailleurs invité pour un petit-déjeuner à la Tour TF1 Aurélie Filippetti, chargée de la culture et de la communication dans l’équipe du candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, afin que la chaîne ne soit pas accusée de favoritisme vis-à-vis du président sortant.
Vie privée
Catherine Nayl est née le 12 décembre 1960 à Montreuil, d’un père directeur de banque et d’une mère agent comptable. Elle est mariée depuis le 19 juin 1992 au délégué général de l’Union nationale des fabricants d’étiquettes adhésives (UNFEA), M. Christphe Perrot, dont elle a deux enfants. Elle apprécie le tennis et le ski.
Distinctions
Catherine Nayl a gagné le prix Jean d’Arcy, à l’origine de la Bourse qui lui permettra de commencer son travail à TF1.
Elle est faite Chevalier de l’ordre national du Mérite le 14 mai 2010.
Elle a été nommée Chevalier de la Légion d’honneur le 13 juillet 2018.
Elle est membre du Conseil du département de Journalisme de l’Ecole des hautes études en sciences de l’Information et de la communication (CELSA).
Publications
Elles risquent leur vie cinq femmes reporters de guerre témoignent par Patricia Allémonière, Anne Barrier, Liseron Boudoul, préface de Catherine Nayl, Paris : Tallandier, DL 2019.
Elle l’a dit
« Nous devons tenir compte des habitudes et des comportements en termes de consommation des citoyens français. Dans un monde où tout semble se dématérialiser, il est important d’avoir des visages et des rendez-vous identitaires tout en étant conscient du rôle de lien social de nos journaux », Média +, 20/12/2010.
« La télévision a un rôle majeur à jouer. Elle reste un média leader et elle participe à forger les consciences. On donne accès à une information validée, crédible, vérifiée et sérieuse. Et plus il y a de canaux d’informations et plus il y a besoin de hiérarchie, de priorisation. », La Ruche Média, 18/12/2016.
« Je crois que la mixité porte bien son nom. C’est pas l’affaire que des femmes ou que des hommes. Ça serait ridicule. C’est vrai que moi-même, sur quelques postes, il a fallu qu’un homme me dise : ” Je suis sûr que tu as les compétences. Il faut aller vers ce poste”. Ce qui me bloquait ça n’était pas l’équilibre familiale parce que de ce côté j’ai eu la chance d’être soutenue à la maison mais je me demandais surtout si j’allais savoir faire, si ça n’était pas trop tôt… Et quand cette hésitation pointe, il faut que des hommes imposent quasi ce choix. Et qu’ils croient en nous ! C’est très important. », La Ruche Média, 18/12/2016.
« Je ne suis pas venue [à France Inter] pour renverser la table mais pour apporter un regard neuf. Maintenant, j’en suis consciente, mon profil – une ex-TF1 débarquant à France Inter – pose question à certains. Il y a, dans ces interrogations, beaucoup d’idées reçues. Ceux qui doutent sont dans le fantasme et la doctrine. […] Je ne modifierai pas l’ADN d’Inter. C’est précisément cet ADN qui m’a donné envie d’y venir », L’Obs, 11/02/2018.
« [Il faut] faire des lancements qui ne soient pas des commentaires ». (A propos de l’exposition des idées politiques à France Inter, Stratégies.fr, 31/08/2021.
« Je trouve très intéressant d’arriver avec des idées reçues d’un clan et de ressortir avec des idées reçues d’un autre clan », Stratégies.fr, 31/08/2021.
« Notre pays se cherche en termes de débat démocratique, de pluralité des points de vue, d’accès à la parole. Il y a différents courants de pensée qui traversent la France et qui doivent remonter jusqu’à Paris. », Stratégies.fr, 31/08/2021.
Ils l’ont dit
« Femme exceptionnelle, très grande professionnelle, passionnée d’actualité et qui a prouvé tout au long de sa carrière sa capacité à fédérer les équipes et à porter haut l’information ! », Laurence Bloch, Programme TV, 23/12/2017.
« Une femme qui sait écouter et en même temps, elle sait ce qu’elle veut et elle sait manager », Laurence Bloch, L’Opinion, 26/11/2018.
« Elle a un atout pour elle, une très bonne connaissance du milieu économique et politique », Laurence Bloch, L’Opinion, 26/11/2018.
« Elle est très douce de prime abord, souligne Marc Fauvelle, ce n’est pas l’idée que je m’en faisais et elle est assez intelligente pour ne pas avoir à user de la manière forte ». (Marc Fauvelle, L’Opinion, 26/11/2018).
« Elle est honnête, droite et très humaine », Nathalie Maeder, retraitée de TF1, Stratégies.fr, 31/08/2021.