Les censures sur Twitter sont multiples, toujours au nom du Camp du Bien. Plus récemment c’est Nicolas Vidal et Putsch qui en ont été victimes. Nous avons enquêté auprès de l’intéressé.
Ojim : Nicolas Vidal nos lecteurs vous connaissent un peu après une première présentation sur notre site en 2018 puis une analyse de votre livre Médias, le grand errement en 2021. Que s’est-il passé au printemps 2022 Twitter ?
La situation est autant ubuesque qu’arbitraire. J’ai reçu plusieurs mails sibyllins le vendredi 25 mars en début de soirée m’informant que l’ensemble de mes comptes Twitter étaient « suspendus définitivement » pour avoir enfreint les règles de la communauté Twitter. Ainsi les deux comptes Twitter de Putsch Media comptant plus de 10 000 abonnés ont été tout simplement réduits au silence par Twitter. Je n’avais jamais reçu auparavant des mails d’avertissement, ni de mise en demeure. Mais brutalement, j’étais excommunié alors que nos comptes Twitter ne relayaient que les contenus parus sur www.putsch.media comme le font l’ensemble des médias.
Le monde de l’arbitraire
Ainsi, un média avec un numéro CPPAP délivré par le Ministère de la Culture peut se faire « virer » de Twitter en un claquement de doigt. Nous voilà entrés de plain-pied dans le monde de l’arbitraire régulé par des plateformes privées américaines qui décident de votre présence sur les réseaux sociaux. Entre temps, mon compte personnel (@nicolasputsch) a été rétabli le lundi suivant. À cette heure, les deux comptes Twitter de Putsch sont toujours suspendus. Ce vendredi j’ai pris ma plus belle plume numérique et j’ai écrit à Damien Viel, le DG France de Twitter. J’attends sa réponse.
Les règles de la communauté
Le plus dramatique, c’est que Twitter comme la plupart des plateformes ne justifie jamais la raison de votre exclusion, hormis le fait « d’avoir enfreint les règles de la communauté ». Mais de quelle communauté parlons-nous ? Une communauté intellectuelle ? Culturelle ? De Bonne Conscience ? De la Doxa autorisée ? Nous parlons en réalité du marigot de l’Empire du bien-penser qui ne cesse d’étendre sa zone d’influence dans l’arbitraire le plus total et brutal, avec la complicité de la presse mainstream. Votre seul recours consiste en un formulaire sur une obscure page web où vous pouvez plaider en quelques mots pour que Twitter daigne bien vous rétablir.
C’est absolument effrayant mais c’est le monde dans lequel nous sombrons dans une apathie générale et dans une forme inquiétante de servitude volontaire. Et c’est plutôt efficace lorsque vous arrivez au bout d’un processus prémédité d’abrutissement des populations engagé depuis maintenant 30 ans. Plus de consommateurs et moins de citoyens ! Voilà le projet de la start-up nation. Voilà ce qu’il faut pour qu’un grand marché fonctionne et qu’une démocratie disparaisse. On a troqué la littérature contre TikTok, la langue française contre Instagram, notre démocratie contre la TV Réalité et notre citoyenneté contre un QR Code. En réalité, l’ikeaisation de notre société a parfaitement fonctionné. Et la France n’est plus que un rayon dégarni du supermarché qu’est ce monde globalisé.
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Ojim : Que représentait votre activité sur Twitter en termes quantitatifs et qualitatifs ? Quelles sont les conséquences de la suppression ?
Notre communauté totale Twitter qui représente environ 26.000 followers est extrêmement fidélisée à nos contenus. Elle nous suit avec beaucoup d’attention. Preuve en est que lorsque j’ai fait savoir que nos comptes avaient été supprimés, beaucoup de gens se sont mobilisés sur Twitter. On estime que l’ensemble des comptes Twitter qui ont diffusé l’information et ont soutenu Putsch ne pesait pas loin du million de followers. Ainsi mon compte personnel a été rétabli le lundi suivant, à la différence des deux comptes de Putsch.
En l’état, je n’ai reçu que des mails de notification de suspension. Je me suis rendu compte que mon compte avait été rétabli par hasard. Les conséquences sont handicapantes car Twitter est devenu malheureusement une plateforme où beaucoup de lecteurs s’informent ainsi que des consœurs et des confrères.
Une censure politique
Personnellement je travaille beaucoup sur Twitter où j’y fais mes revues de presse, j’y trouve des sujets et où j’y propose des interviews. Néanmoins, suite à ces suppressions de comptes, des dizaines de lecteurs se sont abonnés à Putsch et ont fait des dons. Certains, trop peu, prennent conscience que la censure s’intensifie à l’approche de la présidentielle, étonnamment ou non. Critiquer la politique du gouvernement ou publier des infos qui met le pouvoir face à ces responsabilités semble être un casus belli pour certains. Mais rien n’est officiel, rien d’assumé. Vous recevez un mail brutal et votre existence numérique disparaît en un claquement de doigt. En réalité, le McKinsey Gate n’est pas tendance pour les coulisses de Twitter. C’est devenu l’une des nombreuses lignes rouges.
Ojim Avez-vous la possibilité de faire appel ? Si votre compte comme celui de Donald Trump est supprimé, comment remplacer Twitter ?
Nous avons fait appel comme je le disais via un formulaire. Et nous avons reçu un mail automatique de bonne réception. En réalité, vous ne pouvez rien faire. Vous êtes impuissant. Alors vous devez autrement, via d’autres canaux, exhorter votre communauté et vos lecteurs à s’abonner aux newsletters et vous rejoindre sur Telegram et Gettr. Nous sommes dans un monde de fous, où vous devez anticiper et vous préparer à la censure. Imaginez cela : devoir se dire qu’il faut se préparer à la censure à venir dans un pays comme la France.
Il faut aussi accepter d’être une cible et s’exposer seulement en publiant des articles. Et comme l’État a habilement privatisé la liberté d’expression, il s’exonère en quelque sorte de ces atteintes inadmissibles à la liberté d’expression mais aussi à la liberté d’informer. Car c’est de cela donc il est question. Et comment appelle-t-on un pays où la liberté de s’exprimer et celle d’informer se réduit de jour en jour ? Vous avez trois heures pour répondre !