En marge du sommet de l’OTAN et du G7 qui s’est tenu le 24 mars 2022 à Bruxelles, le Premier ministre britannique annoncé un financement supplémentaire de 4,1 millions de livres sterling (environ 4,9 millions d’euros) à destination de la BBC (British Broadcasting Corporation) dans le cadre de l’intensification de la guerre de l’information due au conflit russo-ukrainien actuel.
Cette somme devrait être allouée aux services en langues ukrainienne et russe de la BBC World Service pour « contrer la désinformation diffusée par le Kremlin. »
The UK will also provide an additional £4.1 million for the BBC World Service to tackle disinformation in Russia and Ukraine, as well as new financial and policing support for the International Criminal Court’s investigation into war crimes. 4/6
— Boris Johnson (@BorisJohnson) March 24, 2022
Le BBC World Service, « la station radio du monde »
Financée par l’État britannique, initialement à travers le Foreign and Commonwealth Office (ministère des Affaires étrangères britanniques) et par la redevance (License fee) depuis 2014, le service mondial de la BBC a pour slogan « The World’s Radio Station » (« La station radio du monde) et émet des contenus médiatiques en 28 langues — en russe depuis le janvier 1941 et en ukrainien depuis septembre 1952.
Dans son rapport annuel 2004/2005, la BBC a résumé la mission de son service mondial de la manière suivante : « Être la voix la plus connue et la plus respectée au monde pour profiter à la Grande-Bretagne. » On n’est pas plus clair…
Défense des intérêts britanniques… et anglo-saxons
Propriété de la Couronne britannique, la BBC est officiellement indépendante du gouvernement mais son financement et son histoire font clairement état d’une défense des intérêts britanniques et d’un rôle crucial dans la politique étrangère britannique. Cela est à l’évidence particulièrement vrai concernant le service mondial de la station, au sujet duquel Margaret Thatcher a d’ailleurs déclaré, en 1985, à l’occasion d’un débat au Parlement :
« Le World service dépense chaque penny que nous y injections en promouvant notre vision du monde et notre politique, cela a été fait dans le passé et cela continuera à l’être dans le futur. »
Le BBC World Service a été créé le 19 décembre 1932, alors que des radios internationales françaises avaient déjà commencé à émettre en mai 1931 avec le Poste colonial (Fédération Nationale de la Radiodiffusion Coloniale), des radios extérieures de la France qui donneront par la suite Radio France internationale (RFI) dont le slogan est « Les voix du monde », après avoir été « La Radio mondiale ! » (1987 — 1996) et « Et l’info devient mondiale » (2010 — 2013).
L’audiovisuel extérieur revient à ses fondamentaux
Contrairement aux médias à dimension nationale, les médias extérieurs d’un pays sont d’ordinaire plus disposés à admettre leur dévouement au pouvoir politique et à des intérêts s’embarrassant peu de déontologie journalistique ou d’une quelconque « objectivité ».
Jusqu’à la fin de la Guerre froide, ces médias extérieurs ne cachaient d’ailleurs pas leur rôle essentiel joué dans les politiques étrangères de leur pays respectifs. À la suite de la chute du communisme et de l’avènement d’un monde unipolaire, ces médias avaient été tenté de se targuer d’indépendance voire d’objectivité. Cela n’aura pas duré : la multipolarisation du monde, l’apparition de « nouvelles menaces » et de « désinformation » pratiquée par des pays ne faisant pas partie du camp du bien après vite conduit ses médias à user des mêmes méthodes que sous la Guerre froide.
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Retour à la Guerre froide
Le 24 février 2022, date du début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, marque le retour officiel à la nature initiale de ces médias extérieurs, le BBC World Service en tête. C’est ce signifie le montant promis par Boris Johnson à la BBC. La guerre de l’information est de retour au sens classique : les branches internationales des médias publics occidentaux prennent à nouveau directement part à la lutte contre les informations relayées par des pays qu’ils considèrent comme étant hostiles.
Bien que RFI ait de nos jours moins de prestige et d’importance que la BBC, le ton de ses émissions n’a pas moins changé depuis le 24 février 2022. C’est par exemple le cas des émissions en langue roumaine de RFI, qui depuis quelques semaines multiplient les contenus ouvertement anti-hongrois, mettant d’un côté les adorateurs inconditionnels de l’OTAN et de l’autre les pays qui dévieraient de l’attitude ferme à suivre face à la Russie. Selon RFI, la Hongrie ferait partie de ces derniers.