Première diffusion le 16 avril 2022
Laure Mandeville est embauchée en mai 1989 au Figaro parce qu’elle était spécialiste du monde slave, « alors que le monde communiste commençait à se lézarder ». Des pays de l’Europe de l’Est aux États-Unis, c’est une position particulièrement atlantiste que défend, au fil de sa carrière, ce très partisan « grand reporter » affilié aux questions de politiques étrangères…
2018 : quand la Hongrie d’Orbán était vouée à « perdre de sa superbe »
Avril 2018 : derrière son téléphone, Laure Mandeville, envoyée spéciale en Hongrie pour couvrir les législatives, présage un potentiel « basculement et une possible défaite d’Orban. Dans tous les cas, il faut s’attendre à une sanction dans les urnes pour l’homme fort (?) de Hongrie. On va découvrir qu’il était surtout fort parce que les autres étaient faibles et divisés ». Dans la version papier du 9 avril 2018, elle titrait alors : « Hongrie : Orban perd de sa superbe » et annonçait sa défaite. Remportant avec ses alliés 48,53 % des suffrages et près de 133 sur 199 sièges de la chambre unique du parlement, le parti d’Orban contredisait alors les prédictions de cette bien piètre pythie, qui ne semble pas avoir souffert de cette faute professionnelle. À l’occasion des dernières législatives hongroises, elle ne semble pas avoir été envoyée sur le terrain couvrir pour Le Figaro une nouvelle victoire du Fidesz…
En 2017, une vision distanciée du modèle Trump
En 2017, Laure Mandeville, alors correspondante du Figaro à Washington, découvre, à propos de Donald Trump, « assez vite que ce personnage totalement hors-norme n’était pas une étoile filante. Alors que les médias américains passaient leur temps à annoncer sa disparition, il renaissait chaque fois. J’ai vite compris que, derrière cette capacité à rebondir, se cachait quelque chose de profond. » Meilleure pioche, donc, pour cette qui considère le nouveau président des Etats-Unis comme un personnage « parfois très inquiétant », y voit la réponse aux attentes des Américains et notamment des classes moyennes blanches. Celle qui avait consacré, en 2016, un livre à Donald Trump, confie alors
« s’inquiéter de l’opposition systématique des grands médias qui ont largement dépassé leur mission d’informer […] en faisant tout pour abattre Trump. […] Les grands médias l’ont d’abord pris pour un clown. Il était tellement à l’opposé de leur doxa idéologique sur la globalisation heureuse. À partir du moment où ils ont compris qu’il allait gagner, ils ont basculé dans un parti pris absolu qui les aveugle toujours sur ses capacités et sur le mouvement de colère qu’il représente. » Un parti pris « absolu » que la journaliste appliquera parfaitement à la situation russo-ukrainienne cinq ans plus tard, et au profit des thèses du département d’État américain.
Guerre russo-ukrainienne : Dark Vador contre Churchill
Durant la guerre qui oppose l’Ukraine et la Russie, en 2022, elle prend clairement partie pour le camp ukrainien et américain, louangeant le président ukrainien Volodymyr Zelenski qu’elle voit comme « l’incarnation de la résistance tragique et épique de toute une nation ». La journaliste loue également « son courage physique, sa décision de rester au milieu des siens, [qui] ont résonné comme son 13 mai 1940, le jour où Churchill a promis à son peuple devant la Chambre des communes « du sang et des larmes » et sa qualité de « leader né »
S’enfonçant dans la caricature, elle joue sur une fibre manichéenne, opposant à « l’agression de Poutine » un « Zelensky plein de courage et de force d’âme, lui qui va à pied rendre visite aux blessés sous les bombes, tandis que le patron du Kremlin se terre dans ses palais ». Comparant « le maître du Kremlin, tel Dark Vador » à « Zelensky [qui] incarne le remède au poutinisme, les forces du bien qui résistent ».
Elle dénonce le « dérangeant relativisme » de l’Académicien Andreï Makine, qui avait accordé un entretien au Figaro et relaie la réponse qui y est apportée par son confrère du Nouvel Obs, Wiktor Stoczkowski, directeur d’études à l’EHESS… d’origine polonaise. Elle interrogera d’ailleurs le vice-ministre des Affaires étrangères polonais, daignant discrètement préciser que la Pologne, qu’elle désigne « à l’avant-garde […] dans la bataille acharnée qui se joue entre l’Occident et la Russie sur l’avenir de l’Ukraine », est de par son histoire un opposant naturel de la Russie.
S’interrogeant sur « l’une des questions que se posent tous les occidentalistes, qui observent avec stupeur la catastrophe », soit « de comprendre le soutien populaire troublant par son ampleur que garde Poutine », Laure Mandeville explique qu’il « est difficile à mesurer en période de dictature ». Une explication un peu simplette, complétant les niaiseries psychologisantes qu’elle associe à un Poutine à la tête d’un État « malade d’une psychose impériale explosive ». Pour l’heure, elle intervient sur de nombreux plateaux de télévision pour notamment appeler la France à « aider les Russes à se libérer du régime de Vladimir Poutine ». Une prévision peut-être aussi hasardeuse que la défaite de Viktor Orbán en 2018 ?
Illustration : capture d’écran vidéo Livre Noir