Bons baisers de Washington
« Il faut aider les Russes à se libérer du régime de Vladimir Poutine », C Ce Soir, France 5, 7 avril 2022.
Née au Puy-en-Velay en 1962, Laure Mandeville est au Figaro ce que Sylvie Kauffmann est au Monde : une vigie à carte de presse française répandant les patenôtres américaines en Europe. Tout en les saupoudrant d’un psychologisme propre aux journalistes français, pour qui toute déviation par rapport à la norme atlantiste est forcément pathologique. Il faut lui reconnaître d’avoir, au même titre qu’André Bercoff, pressenti la lame de fond populiste qui consacrerait Trump en 2016. Après l’attentat contre Donald Trump en juillet 2024, elle souligne « la très large part de responsabilité » de l’ancien président.
Il n’est pas rare de la croiser sur les plateaux de « C dans l’air » ou de la chaîne TV5 Monde.
Portrait vidéo
Formation
Elle est détentrice d’une licence en russe et en polonais obtenue à l’Université Jean-Jaurès de Toulouse, puis elle ressort doublement diplômée de l’IEP de Paris en relations internationales (1985) et en études soviétiques (1986). Elle parachève sa formation une année plus tard au Centre d’études russes de Harvard (1987).
Parcours professionnel
- Mai 1989 à novembre 2008, elle est, au Figaro — grand reporter au service de politique étrangère du quotidien. Couvre la Communauté des États indépendants (CEI) et des Pays de l’Est.
- D’octobre 1994 à mai 1997 : présidente de l’Association des journalistes France-Russie.
- De 1997 à 2000 : chef du bureau du Figaro à Moscou.
- De 1998 à mars 2022 : elle est vice-président de l’Association des journalistes France-Russie.
- De décembre 2001 à mars 2002, elle est coprésidente par intérim de l’Association des journalistes France-Russie.
- De 2000 à 2008, elle est grand reporter et couvre l’Europe, la Russie, l’Islam en l’Europe ainsi que les relations transatlantiques.
- De décembre 2008 à août 2016, elle est chef de bureau du Figaro à Washington.
- Depuis 2016, elle est chargée des enquêtes sur l’Europe et les États-Unis.
- En avril 2018, elle réussit le prodige d’annoncer le lundi suivant le vote, dans le Figaro papier, la défaite aux élections en Hongrie de Viktor Orbán (qui les remportera haut la main) tout en expliquant doctement les raisons de cette défaite. Une catastrophe médiatique et un cas d’école dont sa direction ne lui tiendra pas rigueur.
- Depuis 2021, elle intervient régulièrement dans l’« Édito international » de Vincent Hervouët sur Europe 1 et est une habituée des plateaux de CNews.
Parcours militant
Elle est à l’initiative de la création des Conversations Tocqueville pour « réfléchir à la crise de nos démocraties », en partenariat avec La Fondation Tocqueville, Le Figaro, The Atlantic Council et The American Interest.
Elle est également membre non-résident (ou « chercheur associée » selon les dénominations) de l’Atlantic Council (The Atlantic Council’s Europe Center), un think-tank américain atlantiste créé en 1961 et spécialisé dans les relations internationales, dont le siège se situe à Washington.
Ce qu’elle gagne
Selon les barèmes (salaires minimums) du Figaro estimés par la CGT en 2014, un grand reporter gagne en salaire de base 3027.55 €. Un salaire auquel il faut ajouter les primes d’ancienneté du journaliste, qui s’élève à 605.51 €. Il est donc envisageable que le salaire de Laure Mandeville approche au moins les 4000 euros mensuels, celle-ci ayant 33 ans d’ancienneté.
Distinctions
- 2009 : Prix Louis Pauwels de la Société des gens de lettres
- 2009 : Prix Ailleurs pour La reconquête russe.
Publications
- L’Armée russe : la puissance en haillons, éditions n°1, 1994
- La reconquête russe, éditions Grasset, 2008
- Qui est vraiment Donald Trump ?, Le Figaro / Équateurs, 2016
- Rester vivants : qu’est-ce qu’une civilisation après le coronavirus ? (contributeur), Fayard, 2020.
- Les Révoltés d’Occident : de Trump à Zemmour, que se passe-t-il vraiment ?, L’Observatoire, 2022
Elle l’a dit
« J’ai vu assez vite que ce personnage totalement hors-norme n’était pas une étoile filante, dit-elle. Alors que les médias américains passaient leur temps à annoncer sa disparition, il renaissait chaque fois. J’ai vite compris que, derrière cette capacité à rebondir, se cachait quelque chose de profond. », à propos de Donald Trump, Le Devoir, le 12/01/2017.
« Ceux qui ont vécu aux États-Unis savent combien la dictature du politiquement correct est omniprésente et à quel point l’ultragauche a pris le contrôle des idées dans les universités. Je pense qu’au fond, même si Trump exagère et en dit toujours trop, même s’il est parfois très inquiétant, le peuple américain se dit que seul un personnage aussi indomptable pourra renverser la vapeur. », à propos de Donald Trump, Le Devoir, le 12/01/2017.
« J’ai le sentiment que les Américains ne croient plus dans leurs médias. C’est très dangereux, car ils se précipitent vers des médias alternatifs parfois complètement dingues ou qui donnent carrément dans la propagande. On a d’un côté des médias qui refusent obstinément la légitimité du président. Et de l’autre, de nouveaux médias qui lui permettent de passer outre. Cette rupture totale entre les élites, les médias et Trump est inquiétante. Surtout dans un contexte international qui demeure terriblement fragile. », Le Devoir, le 12/01/2017.
« Tout en martelant sa vérité, Poutine utilise nerveusement son stylo en raturant sur une feuille par petits coups secs. Il y a quelque chose d’un peu irréel dans toute la séquence, peut-être à cause du silence total qui accueille ses paroles. Certains experts ont parlé de « montage » vidéo. En l’observant, on pense aux dernières semaines du dictateur Nicolae Ceausescu, aux mises en scène de ses rencontres avec des ouvrières en costume folklorique, à son regard détaché d’alors, son enfermement dans une réalité alternative. Est-ce à cela que nous assistons aujourd’hui avec Poutine, qui passerait, raconte-t-on, son temps dans un bunker immense de l’Oural, coupé du monde réel ? Sommes-nous dans les derniers mois de son règne parce que la guerre d’Ukraine va le faire sombrer ? Ou allons-nous au contraire tous entrer « dans le monde de Poutine » s’il n’est pas stoppé ? », Le Figaro, 11/03/2022.
« Tout ce que Vladimir Poutine a fait depuis qu’il est arrivé au pouvoir, où il a utilisé la violence, les opérations spéciales, la guerre hybride, les coups en douce, les empoisonnements, tout son fonctionnement est d’une certaine manière criminelle […] », LCI, 16/03/2022.
« Les sondages dits indépendants montrent toutefois qu’une proportion importante de la population soutient la guerre, et c’est, je crois, dû à une sorte de maladie collective russe, née à la fois du substrat orthodoxo-impérial dont nous avons parlé, mais aussi de tous les traumatismes du dernier siècle. La terreur, le mensonge, le traumatisme de l’effondrement à la fois du tsarisme puis du communisme, toutes ces catastrophes successives qui ont littéralement rendu la société « malade » et hantée par la peur. La propagande des 22 dernières années a également joué un rôle terrible pour malaxer les esprits. Beaucoup de Russes vivent dans un monde alternatif, comme Poutine, et croient vraiment que des nazis dominent l’Ukraine et la terrorisent. C’est orwellien. Le blanc est noir, le noir blanc, la vérité est le mensonge et vice versa. Un pourcentage non négligeable de la population a toutefois résisté à ce rouleau compresseur et est resté très informé grâce à internet (et quelques médias d’opposition récemment fermés) », L’Incorrect, 25/03/2022.
« Pour moi qui ai couvert toute l’ascension de Donald Trump et avais, à contre-courant de l’avis majoritaire, pressenti sa victoire en sortant de la myopie washingtonienne pour aller à la rencontre de l’Amérique profonde, l’impression de déjà-vu est assez vertigineuse », faisant un parallèle entre les campagnes d’Éric Zemmour et Donald Trump, in Les révoltés d’Occident, avril 2022, p.16.
« Ce décryptage de l’idéologie national-impériale poutinienne et de son désir maladif d’expansion, remet totalement en question les présupposés de ceux qui en Occident, n’ont cessé, au nom du réalisme mais avec une naïveté ou un cynisme aveugles, d’affirmer que la dérive de Poutine était imputable à une préoccupation de sécurité russe. En réalité, la maladie est bien plus ancienne, ce n’est nullement une déviation d’un chemin historique, mais au contraire la continuation de la Russie que nous connaissons, et elle n’est pas née avec l’expansion de l’Otan ni même avec le XIXe siècle », note le grand spécialiste de la Russie de Princeton, Stephen Kotkin, arguant que l’organisation militaire atlantique a au contraire joué un rôle de «contrepoids» vital pour préserver la Pologne et les Baltes de l’agression russe. C’est une obsession de domination, non de sécurité, qui sert aujourd’hui de ressort central à la guerre de Poutine contre l’Ukraine », Le Figaro, 08/04/2022.
« Nous devons travailler d’urgence à réconcilier les élites et le peuple, car la guerre civile à petit feu qui gronde est le terreau sur lequel tous nos ennemis s’engouffreront. Nous devons également réarmer nos nations, revenir à la notion de puissance. Nous devons aussi méditer la leçon de la résistance patriotique ukrainienne, qui montre que nous avons besoin de la force et de l’esprit des nations, pour construire une Europe forte et solidaire. Nous avons besoin aussi d’apprendre à garder les yeux ouverts, au lieu de nous concentrer sur «le réel» qui arrange nos postulats idéologiques. En France notamment, la droite nationale doit reconnaître son aveuglement dans l’appréciation du danger russe, et s’interroger sur les raisons pour lesquelles elle s’est laissée abuser. La gauche doit, de son côté, absolument prendre acte du danger stratégique que constitue l’islamisation croissante de notre pays, sujet sur lequel elle reste plongée dans un déni suicidaire. Sinon, dans vingt ans, nous aurons à l’intérieur de nos murs une catastrophe tout aussi grave que celle qui a surgi à l’est de l’Europe », Le Figaro, le 7 mai 2022.
« Trump est le deuxième (ancien) président, depuis Reagan à se retrouver sous le feu d’un tueur, filiation qui ne pourra que lui profiter. En même temps, comment ne pas voir que cette irruption de la violence en politique, dont l’attaque du 6 janvier contre le Capitole avait déjà été une manifestation effrayante, est l’aboutissement d’un processus de division et de radicalisation dans lequel Trump a aussi une très large part de responsabilité ? », Le Figaro, version en ligne 14/15 juillet 2023.
« Donald Trump, victime et adepte de la violence politique » Ibid.
On l’a dit à son sujet
« Rares sont les journalistes qui ne se contentent pas d’ajouter leur voix à ce défoulement médiatique. Ce qui distingue la correspondante du Figaro à Washington Laure Mandeville,c’est qu’elle a très tôt pris Donald Trump au sérieux », Christian Rioux, Le Devoir, le 12 janvier 2017.
« La malheureuse correspondante, dans la première édition papier du Figaro, laissait prévoir (avec espoir) la défaite d’Orbán avec le titre : « Hongrie, Orbán perd de sa superbe » (titre calqué mot pour mot sur un article de L’Humanité ?)[…] Las, la participation est supérieure à 69% (en hausse de 7 points), Orbán obtient près de la moitié des voix (imaginons un parti en France qui raflerait 50% des suffrages…), progresse de quatre points par rapport aux élections précédentes et obtient les 2/3 des sièges.
La dernière édition papier tente de rattraper la boulette en titrant « Un troisième mandat pour Orbán ». Mais le sous-titre s’emmêle tout de suite les pinceaux. « Malgré une mobilisation historique de près de 70% qui avait poussé l’opposition à espérer une percée, le premier ministre est reconduit confortablement ». Il n’est pas nécessaire d’être un expert en interprétation des chiffres électoraux pour comprendre le contraire : Orbán n’a pas gagné malgré la participation massive mais grâce à celle-ci […] La lecture de la première édition (modifiée en urgence ensuite sur l’ édition papier suivante et sur le web) laisse une étrange impression : s’agit-il d’un poisson d’avril à retardement ? D’un article humoristique sous forme de pastiche reprenant les poncifs lus habituellement sur la Hongrie ? D’un aveuglement à caractère compulsif ? Ou bien d’une incompétence si remarquable qu’elle devient un cas d’école pour les étudiants en journalisme ? », OJIM, 10/04/2018.
« Renaud Girard, bardé de diplômes prestigieux, a préféré le journalisme à une carrière à l’université ou dans la fonction publique. C’est loin d’être déshonorant, mais le journalisme d’opinion peut avoir ses écueils.
Il n’est guère un seul de ses éditoriaux qui ne prenne pas le parti de Moscou contre Washington, voire contre la France. Heureusement, d’autres journalistes du Figaro, notamment Laure Mandeville et Isabelle Lasserre, dont il importe de souligner l’objectivité et une approche réaliste de la Russie […] s’attachent à sauver la mise », Desk-Russie, 14/01/2022.