Une figure bonhomme et professionnelle , parfois considérée par les médias de grand chemin comme un agent de la toute relative droitisation médiatique.
« Je ne suis ni macroniste, ni antimacroniste, ni pécressiste, ni antipécressiste, ni lepéniste, ni antilepéniste », Le Monde, 8 avril 2022
On doit à « L’Heure des Pros » d’avoir rendue familière la figure ébouriffée et la bonhomie de Jérôme Béglé. Jusque-là, son visage n’était connu que dans une étroit périmètre parisien, où ses copinages littéraires et ses dîners mondains contribuaient à faire ou à défaire les réputations des écrivains ou des people, sans que certains caviardages ne viennent ternir la sienne. Celle-ci s’est autant faite dans les salles de rédaction, que dans les cocktails et les soirées branchées. Comme son ami Pascal Praud, il passe avec dextérité d’une sphère médiatique à l’autre et surtout, d’un empire médiatique à l’autre, à l’heure où Lagardère Active est englouti patiemment par Vincent Bolloré. Considéré par les journalistes des médias de grand chemin comme un soldat de la droitisation médiatique, il passe en juin 2023 du JDD à Paris Match, profitant de la nomination de Geoffroy Lejeune, licencié de Valeurs actuelles, à la tête de la rédaction du quotidien dominical.
Né le 3 mai 1971 à Paris, il est le fils de Jacques Béglé (1938–2017) et de Geneviève Granger, avocate. Il a une sœur, Eugénie, qui chapeaute les ressources humaines d’IBM France et est mariée à un entrepreneur dans le secteur du vin.
Au domicile parental situé rue Étienne Marcel dans le quartier des Halles, il héberge partir de 1995 un salon littéraire qui finit par devenir « l’un des raouts les plus courus du monde des lettres et du petit écran » (L’Express). Frédéric Taddeï immortalise une de ces soirées dans un épisode fameux de « Paris Dernière ». On y voit un Jérôme Béglé jeune, les joues aussi roses que sa chemise, tout occupé à jouer les entremetteurs.
Formation
Le futur journaliste effectue son collège et son lycée au sein de l’établissement privé catholique des Francs Bourgeois, situé dans le quartier du Marais à Paris, où il obtient son baccalauréat en 1990. Il est titulaire d’une maîtrise de droit des affaires et d’une maitrise de sciences politiques obtenues à l’Université Paris-Assas.
Dans cette même université, il fait la rencontre de Manuel Aeschlimann, futur maire d’Asnières et député des Hauts-de-Seine, qui y donne des cours en tant que chargé de travaux dirigés. Quelques années plus tard, Jérôme Béglé sera le co-organisateur des Journées du Livre d’Asnières entre 2004 et 2008, l’occasion pour Rue 89 d’épingler la conduite du maire qui aurait offert, sur les comptes de la municipalité, un stylo de collection au journaliste en guise de cadeau. L’intéressé ne nie pas et plaide l’ignorance : « Cette année, lors de la remise du prix, Manuel Aeschlimann m’a donné ce cadeau en disant : ’Cela vient de mon fournisseur personnel en Suisse.’ En voyant ce paquet oblongue, j’ai crû que c’était des cigares. Je pensais que c’était un cadeau personnel de la part de Manuel Aeschlimann. »
Parcours professionnel
Presse écrite
- 1996 à 2009 : Il débute en tant que chroniqueur littéraire au Figaro Littéraire et à Paris Match, puis monte en grade en devenant chef du service « Culture ». Après des années de bons et loyaux services, il est rédacteur en chef de la publication partir de 2007. Un an plus tard, il est soupçonné de plagiat par une pigiste de L’Express qui croit reconnaître sa prose dans une recension critique signé par Béglé.
- 2009 : il est nommé directeur adjoint de la rédaction du Figaro Magazine.
- 2010 : il rejoint l’hebdomadaire Gala.
- 2012 : Il est recruté par Franz-Olivier Giesbert au Point en tant que directeur adjoint chargé du web, avant d’être confirmé à ce poste par Étienne Gernelle. Mediapart décrit Béglé comme un très proche ami de Sébastien Le Fol « qui ne cache pas ses sympathies pour la droite traditionaliste style « Sens commun » ou « La manif pour tous ». Sous son règne, l’hebdomadaire est épinglé pour l’annonce de la candidature de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle 2017 comme le rappelle Le Monde : « A l’origine du scoop, la découverte sur Internet d’un site de campagne lancé pour 2017. Jérôme Béglé a rédigé un article détaillé (publié à la suite d’une erreur informatique sous la signature d’un autre journaliste). Pas de chance, ce site était une blague de l’équipe du site parodique Nordpresse. Engueulades dans les couloirs du journal, excuses aux lecteurs ». A parti de 2019, il est directeur adjoint de la direction de l’hebdomadaire et Florent Baracco lui succède pour prendre en charge le site.
- Le 24 janvier 2022, il est nommé directeur général de la rédaction du Journal du Dimanche. Il avait candidaté, sans réussite, à la succession de Jérôme Bellay en 2016. La seconde fois sera la bonne alors que le vénérable Bellay est débarqué trois mois après son intronisation en octobre 2021. Peu de temps après sa prise de fonctions, la journaliste Anna Cabana, compagne de Jean-Michel Blanquer, est priée d’aller voir ailleurs. Comme un symbole.
Il ne sera resté que 18 mois au JDD. Le jeu de chaises musicales de l’été lui permet de franchir une marche supplémentaire en prenant la tête de Paris Match. Il est remplacé au JDD par Geoffroy Lejeune, tout juste licencié de Valeurs actuelles. Cette nomination à la direction du quotidien du dimanche provoque l’effroi d’une équipe entièrement libérale libertaire de gauche, choquée que d’autres voix viennent troubler le marigot charmant et confortable de l’entre soi et du copinage idéologique.
Télévision
Il est l’assistant de Jean Edern-Hallier dans son émission littéraire, le « Jean-Edern’s Club » sur Paris Première. Sur la même chaine, il intervient dans l’émission culturelle de Thierry Ardisson « Rive droite/Rive gauche ». De la petite Paris Première, il fait son trou jusque sur M6, la petite chaîne qui monte tout au long dernière décennie télévisuelle du siècle : on le retrouve ainsi sur des émissions comme « Merci pour l’info » ou « Mister Biz ». Quelques vingt ans plus tard, on le retrouve en éditorialiste vedette de “L’Heure des Pros » sur CNews ; de l’eau a coulé sous les ponts. Entretemps, il aura été un invité intermittent des émissions produites par Thierry Ardisson (« 93 boulevard Saint Honoré », « Tout le monde en parle »).
Édition
En 2006, il crée chez Grasset une collection de romans écrits à partir d’affaires judiciaires, « Ceci n’est pas un fait divers ». Il y publie notamment son compère de toujours, Philipe Besson, auteur d’un texte sur l’affaire Grégory.
Publications
- Célébrièveté, Plon, 180 p., 09/10/2003.
Son ami Benjamin Castaldi a présenté les deux premières saisons du « Loft » sur M6, et lui a donné accès aux coulisses de la télé-réalité naissante, comme l’a noté en son temps la presse québécoise.
Parcours militant
Jérôme Béglé s’est toujours montré déférent à l’égard de Nicolas Sarkozy. Bénéficiant d’un accès privilégié à Carla Bruni via son amie comédienne Marie Deltherme, il est passé à tort ou à raison un temps pour le préposé au président au Point, comme le rappelle au Monde un collègue du Point : « Tout ce qui touchait à Sarkozy passait par Jérôme ». Également proche de son attachée de presse, Véronique Waché, Béglé et Gernelle court-circuitent à sa demande la publication dans Le Point d’une enquête mettant le doigt sur le financement libyen de la campagne présidentielle de 2007. On retrouve également Béglé et Gernelle à la manœuvre derrière le licenciement d’une journaliste du Point, dont le mari avait commis dans Le Canard Enchaîné une enquête sourcilleuse (et très orientée) sur le rigorisme de la pratique religieuse de Vincent Bolloré. Le même Bolloré qu’on soupçonnera quelques années plus tard de sommer Béglé de « démacroniser » le JDD après le catastrophique passage d’Hervé Gattégno.
Pour revenir à Sarkozy, Béglé s’emploie à vanter la culture de l’ancien président (il loue les mérites de son livre dans les colonnes du Point et dans son édito de CNews) et n’a jamais de mots assez durs contre la cabale judiciaire inique dont il est la victime. De même, La Lettre A révèle que la mise en chantier de supplément magazine du JDD en 2022 serait (nous soulignons le conditionnel) la concrétisation d’une idée de Sarkozy lui-même.
Sa nébuleuse
Autant expert en mondanités que fidèle en amitié, le journaliste est connu pour rendre des coups de mains aux copains. Le panorama qui va suivre donne un aperçu de son entregent.
Écrivains : Simon Liberati, Yann Moix, Philippe Besson (il a organisé son anniversaire à la Brasserie Lipp en 2003), l’académicien François Weyergans (un habitué des dîners qu’il organise chez lui), Frédéric Beigbeider, Natalie Rheims (L’Express nous apprend que il est un habitué de la villa corse de la famille Rheims, où il aurait fait la connaissance de Mylène Farmer), Florian Zeller (compagnon de l’actrice Marine Delterme, témoin de mariage de Carla Bruni, via laquelle Béglé bénéficiera d’un accès privilégié à Sarkozy), Gabriel Matzneff (qu’il a fait piger, comme tant d’autres, sur le site du Point et qui fut un de ses derniers soutiens dans la capitale), Christian Giudicelli (juré du prix Renaudot depuis 1993 et comparé à Matzneff dont il partage les goûts amoureux pour les jeunes personnes), Marc-Edouard Nabe (qui consent à dire de Béglé qu’il n’est « pas un mauvais bougre », ce qui n’est pas peu dire dans sa bouche).
Personnalités de la télévision : Pascal Praud (« Béglé le recrute pour le site du Point, en 2013. D’abord pour écrire sur le sport, puis pour tenir un feuilleton estival racontant ses vacances à Noirmoutier. Il lui confie des sessions de formation, pour initier les journalistes du Point à la vidéo”), Laurent Ruquier, Franck Ferrand, Benjamin Castaldi (dont il est le témoin de mariage), Thierry Ardisson, Pierre-Antoine Capton (La Lettre de l’Audiovisuel présente Béglé comme son « conseiller » et Capton comptait lui offrir la rédaction de Paris-Normandie), Patrick Poivre d’Arvor, Bernard-Henri Lévy, Charles Consigny (“J’avais vu son blog pendant la campagne électorale de 2012. On s’est rencontrés, il m’a dit ‘Je veux parler politique’.” Séduit par “l’écriture, les idées et l’énergie” de l’apprenti polémiste, Jérôme Béglé lui tend la perche… “Ça a très bien marché, il a fait 200 billets. »), Robert Sabatier. Marie-Claire le décrit comme un habitué du salon littéraire de Pascal Sevran, que l’ancien parolier de Dalida tenait dans son appartement de l’île Saint-Louis à la fin des années 90. Pour l’ancien présentateur de « La Chance aux Chansons », le journaliste était un « entremetteur né ».
Humoristes : Gaspard Proust (c’est lui qui est derrière son recrutement au Point, puis au JDD, pour des billets hebdomadaires).
Hommes politiques : Philippe Augier (maire de Deauville, ville où il anime des conférences qu’il a souvent promu dans ses articles).
Éditeurs : Manuel Carcassonne, patron de Stock ; Olivier Nora, patron de Grasset ; Olivier Orban , patron des éditions Plon, Anne Carrière, présidente de la maison d’édition éponyme. En plus de siéger dans les comités de nombreux prix littéraires, il est membre du Jury Ecrivains de la fondation Lagardère dont le rôle est de remettre des bourses à de jeunes écrivains méritants.
Il a été présenté comme « un ami de la Tunisie » par Jeune Afrique et faisait partie du comité éditorial du groupe hôtelier Sangho, officine du clan Ben Ali avant la révolution de 2011. Il offre même une tribune au président du groupe dans les pages du Figaro en 2009. Le site du Point donnait parfois une grande visibilité au pays via ses encarts publicitaires ou ses articles, même s’il apparaît malaisé de distinguer les uns des autres dans ce qui semble être une œuvre promotionnelle à la gloire du pays.
Il l’a dit
« Or, à chaque tournant de sa vie, Frédéric Beigbeder a toujours la phrase choc, l’expression qui tue. Et pas question de s’en priver […] Les bonnes formules s’abattent sur le livre comme une nuée de sauterelles sur un champ de maïs égyptien […]Au milieu d’un déluge de propos désabusés, brillent encore les ors de l’ancien Beigbeder qui s’efface lentement, livre après livre. Les confessions de cet enfant du siècle qui comprend qu’il a changé de millénaire portent encore les traces de préoccupations Ancien Régime », Paris Match, 15/11/2005.
« Lorsque Philippe Besson fait la connaissance de Pascal Sevran, il n’est encore qu’un romancier qui ne se détache qu’exceptionnellement de sa table d’écriture. Aujourd’hui, il s’assigne une seconde mission non moins délicate : démêler le bon grain de l’ivraie dans la pléthore de parutions qui encombre les librairies. Sur Europe 1 le matin et sur Paris Première certains dimanches, il s’enthousiasme ou s’agace avec entrain. Cette incursion audiovisuelle n’a pas émoussé sa plume », Paris Match, 26/01/2009.
« De retour dans son “corps d’origine”, Jean-Claude Dassier est aujourd’hui vice-président du comité éditorial de Valeurs actuelles et débat quatre jours par semaine dans l’émission de Laurence Ferrari sur i>Télé. Il y est heureux comme un poisson dans l’eau. En arbitre des élégances politiques, il a retrouvé sa place sur le terrain. Celui du spectateur engagé », Le Point, 12/10/2013.
« C’est cette disposition à capter l’essentiel et à rejeter l’accessoire que ce protestant – dont les traits ressemblent pourtant à ceux de l’ancien pape Benoit XVI – a rassemblé dans La Planète Nemausa. Vous aurez beau chercher, aucune phrase n’y est inutile, aucun mot n’est là pour remplir une page. Tout a un sens, une logique, un but, une ambition… De sa jeunesse, un peu triste et solitaire, à sa vie parisienne qui fuit les conformismes, Giudicelli a échappé à la médiocrité et offre à ses lecteurs un livre joyeux, optimiste, à l’écriture raffinée mais jamais affectée », Le Point, 06/03/2016.
A propos de l’affaire Duhamel : « Je trouve que ces débordements médiatiques dans ces affaires-là sont gênantes et mal placées. Il s’est évidemment passé quelque chose. Les juges vont travailler […] Je suis pas certain que remettre une petite goutte de citron sur l’huître de temps en temps soit quelque chose d’utile est habile », CNews, 15/02/2021.
« La justice a décidé de se payer les proches de Sarkozy. Tout est bon pour les humilier, tout est bon pour les jeter au cachot », CNews, 13/12/2021.
On l’a dit à son sujet
« Jérôme Béglé, journaliste à Paris Match, qui, non content de chroniquer l’actualité littéraire, tente de la faire à sa table », L’Express, 12/06/2017.
« De là où il est, Pascal Sevran a trouvé une raison supplémentaire de fustiger les nouvelles technologies, l’informatique, les blogs et les sites Internet qu’il abhorrait.» Donc, si on lit bien Match, ce n’est pas Europe 1, station appartenant au même groupe industriel que Match, qui s’est trompée en annonçant prématurément la mort de Sevran (annonce reprise plus tard sur d’autres médias). Ce n’est pas son patron, Jean-Pierre Elkabbach, qui a assumé la responsabilité de l’erreur. Et on a sans doute rêvé en entendant que le CSA avait «mis en demeure» Europe 1 de respecter ses obligations. Ce sont les «nouvelles technologies, l’informatique, les blogs et les sites Internet» (et encore, Béglé a oublié les jeux vidéo), qui sont responsables de la fausse nouvelle de la mort de Sevran », Libération, 19/05/2008.
« Dans la brigade de défense de l’homme de Dombasle, qui ne manque pas de bras, après Liliane, le pompon revient à Jérôme Béglé. C’est un courtisan mondain et ne sachant pas écrire, qui a fini par trouver une écuelle au Point. Bien entendu, Jérôme pratique l’art où il excelle, servir la soupe. Même dans ses questions, aussi vides qu’un théâtre où se joue du BHL, on remarque le style du maître », Mondafrique via Les Crises, 16/11/2014.
« Vraiment bon pote, Béglé, ancien de Paris Match et du Fig Mag, fait dire à un académicien : «Difficile de dire s’il sera élu dès sa première présentation, mais ce qui est certain, c’est qu’il ne devrait pas être ridicule et comptera quelques précieuses voix.» Dès que PPDA aura un fauteuil Quai Conti, il sera opportun de prévoir un strapontin pour Béglé. L’Institut de France, ça deviendra la fête à Neu-Neu et ce sera chouette. Réveillons les institutions, dopons-les à coups de confettis et de barbe à papa. Plantons le chapiteau, envoyons les clowns ! « Jérôme adore faire des coups, il est toujours à l’affût »,», Libération, 08/03/2012.
« Jérôme adore faire des coups, il est toujours à l’affût », Charles Consigny, Le Monde, 17/04/2022.
« Jérôme n’est pas un mondain qui avancerait masqué, assure Zeller. Il a un sens de l’amitié qui n’est jamais pris en défaut, et il est très transparent », Florian Zeller, ibid.
« On débutait tous, on n’avait pas un rond et pas beaucoup de réseau, mais Jérôme avait quelque chose qu’on n’avait pas, cet appartement pour recevoir du monde. Il tissait du réseau du matin au soir, c’était un full-time job. Quand on pouvait ramener quelqu’un d’intéressant, il avait cette espèce de fébrilité : “Alors, tu l’as eu, il peut venir ?” », une animatrice de télévision qui fréquentait ses soirées de la rue Etienne-Marcel, ibid.