Les journaux britanniques et espagnols décrivent la France comme un État défaillant après le chaos au Stade de France.
« Les légendes de Liverpool Jamie Carragher et Robbie Fowler ont qualifié de « menteur » le gouvernement français qui refuse toujours d’accepter toute responsabilité dans le chaos de la finale de la Ligue des champions », écrivait le célèbre tabloïde britannique The Sun le surlendemain de cette finale de fooball qui se déroulait le samedi 28 mai 2022 au Stade de France entre Liverpool et le Real Madrid dans une ambiance de guérilla urbaine.
Une délinquance « locale »
Et ce n’est pas une exagération de le dire. Les témoignages sont nombreux qui le confirment, et ce pas uniquement sur le site français Fdesouche. Même chez les Espagnols, qui ont moins souffert des violences policières gratuites que les supporters anglais, « de nombreux supporters madrilènes ont été dévalisés à l’entrée et à la sortie du Stade de France, où les forces de police n’ont pas pu contrôler les groupes de délinquants », affirmait le journal El Mundo dès lundi dans un article intitulé « Ligue des champions : Chaos et panique lors de la finale à Saint-Denis : “Ils étaient déchaînés, ils étaient là pour tout nous voler.” » Plus loin, dans le texte, ce témoignage surréaliste : « Enrique Cazorla, supporter de Madrid depuis 1987 et vétéran de cinq autres finales, a déclaré : “Nous avons commencé à courir et avons entendu la police tirer. Nous avons pris notre enfant de six ans dans nos bras et avons couvert son visage pour qu’il ne voie pas l’horreur. Entre les portes N, L et K, le long de l’étroite passerelle menant à l’entrée du métro sur la ligne 13. Des escaliers sans rampe. Un sol jonché de verre. Un entonnoir diabolique. “Ils y allaient à fond, poussant tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin. J’en ai vu un qui avait pris l’arme d’un policier et s’était enfui avec”, raconte Luis Francisco Abanades, témoin des événements. “Voyant le danger, nous avons ramassé des bouteilles brisées sur le sol pour essayer de nous défendre, bien que nous n’ayons pas eu à les utiliser”, ajoute cet hôtelier de Leganés. »
L’environnement particulier du 93
Et le journal espagnol d’expliquer que « Le climat de marginalisation à Saint-Denis, banlieue où vit une importante communauté musulmane issue des anciennes colonies françaises, a explosé à la face de forces de sécurité incapables de maîtriser la foule. » « Ils venaient par groupes de quatre et criaient ‘Hala, Madrid’ avant de vous encercler. Ils cherchaient votre téléphone portable, votre portefeuille ou votre sac à dos. Certains s’enfuyaient avec de l’argent dans leurs chaussettes », a raconté au journal un autre supporter de longue date du Real Madrid.
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Plus loin encore, le récit d’un autre supporter espagnol : « Nous regardions autour de nous pour voir ce qui manquait quand un autre Maghrébin est arrivé avec un couteau. L’un de mes amis, dans un geste réflexe, a fermé la portière, tandis qu’il nous menaçait tous. Nous avons finalement pu le dissuader”, conclut Castro, qui a conduit jusqu’à trois heures du matin, la peur au ventre. À la première station-service où il s’est arrêté, les voitures d’autres supporters blancs avaient les vitres brisées. »
Guérilla urbaine ?
Des scènes évocatrices du livre Guérilla de Laurent Obertone qui amènent à la conclusion, en fin d’article, formulée par un autre témoin : « Qui voudra venir ici en 2024 pour les Jeux olympiques ? Je ne vois pas Paris capable d’organiser un si grand événement. Ils ne sont pas capables de contrôler leurs propres gens”. »
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Sur le site anglais d’informations sportives goal.com, dès le 30 mai, sous le titre « Dépouillés, attaqués et menacés par des policiers armés : les supporters de Liverpool plongés dans le “cauchemar” de la finale de la Ligue des champions », les auteurs citent le témoignage du maire de la région métropolitaine de Liverpool, Steve Rotheram, qui dit s’être fait dépouiller de son téléphone et autres effets personnels à l’approche du stade . « Alors que les supporters se rendaient au stade dans l’espoir de passer la nuit de leur vie, il semble que la Gendarmerie soit allée chercher le conflit », raconte l’édile. « Il est décevant de voir avec quelle facilité les supporters des autres équipes semblent avoir avalé les mensonges et la désinformation générés par l’UEFA et les autorités françaises – en particulier alors que les médias sociaux ont été inondés d’images qui montrent la vraie vérité. En tant que supporter de longue date et représentant de la région de Liverpool, j’ai été scandalisé par le traitement des supporters de Liverpool par la police française. »
Les mensonges des autorités françaises
Et il est vrai qu’entre dimanche et lundi, les mensonges des autorités françaises relayées par l’UEFA semblaient encore mériter d’être prises au sérieux pour certains, tel le journal espagnol de gauche El País, qui titrait encore le 29 mai : « Fiasco parisien : personne ne prend la responsabilité des incidents qui ont retardé la finale de la Ligue des Champions », avec, en chapô :
« Le gouvernement français rend les supporters anglais responsables des altercations qui ont causé le retard. Liverpool juge le traitement de ses supporters “inacceptable” et demande une enquête. »
Le journal de centre-droit ABC n’avait pas peur de s’avancer un peu plus, mais c’était déjà le mardi, soit trois jours après le match et alors que les vidéos et témoignages circulant sur les réseaux sociaux ne laissaient plus de place au doute, ce qui autorisait déjà un titre comme « Gangs de Saint-Denis : la gangrène de la violence menace le football français et les Jeux de 2024 ».
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Dans un autre article d’El Mundo, journal également de centre-droit, on est moins politiquement correct, avec le titre « L’État défaillant de Saint-Denis : les incidents de la Ligue des champions mettent à nu les failles de la France ». S’ensuit toute une explication sur la situation à Saint Denis dans le corps de l’article :
« L’insécurité croissante et les difficultés d’intégration de la population dans ces zones ne datent pas d’hier. Elles sont principalement habitées par des Français issus de l’immigration de deuxième, voire de troisième génération, qui se sentent aliénés et déracinés. »
Conclusion :
« La France est un État défaillant dans ces zones, où les services et la sécurité n’arrivent souvent pas. C’est le Paris hors de tout contrôle. »
Cela reste malgré tout plus politiquement correct que les titres affichés sur le site d’information La Gaceta de la Iberosfera, de droite (la droite plus proche de Vox que du PP), dans le style « La finale de la Ligue des champions montre les conséquences du multiculturalisme et de l’immigration incontrôlée » ou « Des supporters dénoncent les violences commises par des Maghrébins lors de la finale de la Ligue des champions : “Le stade est dans une no-go zone, ce que nous avons vécu est une horreur”. »
La police française débordée
Les grands médias britanniques, eux, préfèrent pointer du doigt les « jeunes » et les « locaux », sans parler des origines ethniques pourtant très visibles sur les images diffusées pendant et après ces scènes d’anarchie d’une rare violence. Sans surprise, les supporters de Liverpool ayant eu à subir plus que les Espagnols la brutalité gratuite des forces de l’ordre, les brutalités policières et les mensonges des ministres français de l’Intérieur et des Sports sont particulièrement soulignés outre-Manche.
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« La police française sous le feu des projecteurs après le traitement des supporters de Liverpool », titrait le Guardian, journal de gauche, le 30 mai avec, en chapô : « La tactique de contrôle des foules lors de la finale de la Ligue des champions met en évidence le fossé entre les forces de l’ordre et le public en France. » Il est d’ailleurs rappelé dans cet article que pendant les manifestations des gilets jaunes en 2018 et 2019, les policiers et gendarmes français ont fait environ 2500 blessés parmi les manifestants dont un certain nombre ont perdu un œil ou un membre.
« Les policiers et les gendarmes français se considèrent généralement non pas comme des serviteurs du peuple, mais comme des protecteurs de l’État et du gouvernement », explique le journal à ses lecteurs.
Le Guardian organise par ailleurs un appel à témoins, en demandant à ses lecteurs de partager leur expérience vécue aux abords du Stade de France.
Des Jeux Olympiques en 2024 à Paris, vraiment ?
« Paris n’est pas en mesure d’accueillir les Jeux olympiques de 2024 », assure-t-on les Britanniques dans un éditorial du Telegraph publié le 31 mai. Il y est question de l’impréparation, de la mauvaise organisation, de la passivité de la police devant les scènes de « supporteurs agressés et dépouillés par les bandes locales », des brutalités policières contre les honnêtes gens et enfin de la manière dont le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a insulté les victimes avec ses accusations sans fondements et sans preuves de « fraude aux tickets à une échelle industrielle ».
Dans le Telegraph, l’UEFA en prend aussi pour son grade pour avoir relayé les mensonges des autorités françaises faisant porter la responsabilité de la situation aux supporters britanniques. Les médias britanniques regorgent également d’informations sur les personnes malvoyantes ou dans des fauteuils roulants qui ont été soit agressées par les hordes sauvages présentes sur place soit gazées par les CRS, soit même les deux. Et dans les médias espagnols comme anglais, on commençait à voir apparaître le 1er juin des témoignages de femmes et d’adolescentes victimes d’attouchements de la part des bandes de délinquants venues détrousser les supporters ou simplement regarder le match gratuitement ce samedi 28 mai.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’image de la France ressort terriblement ternie de ces événements, et la manière dont deux ministres français ont persisté dans l’erreur – ou le mensonge – pour se blanchir et blanchir les services sous leur responsabilité est une source supplémentaire d’indignation dans les médias britanniques et espagnols qui se demandent sincèrement s’il est encore raisonnable d’organiser des Jeux olympiques à Paris, capitale défaillante d’un État défaillant enfoncé dans le déni.