Les web télévisions ont le vent en poupe. Nous vous avions présenté en 2018 les premiers succès de TV Libertés de Philippe Millau et Martial Bild. Les mêmes viennent de publier une longue et argumentée analyse critique des médias aux éditions Bouledogue & Dualpha.
Le parti des médias, hégémonie culturelle du quatrième pouvoir
Une certaine tyrannie médiatique, produisant à la fois la pensée unique et le politiquement correct, entraîne ce que les auteurs appellent « une véritable syncope de la pensée européenne ». Par un paradoxe de l’histoire les médias dominants ont supprimé les médiations des corps intermédiaires en imposant leur propre monopole de la médiation. Si ce monopole a pu être ébranlé pendant une douzaine d’années via internet, cette relative liberté est bien finie, les GAFAM ayant partie liée avec le monde libéral libertaire intellectuel et exerçant une censure désormais vigilante.
Si le monopole de la force (privilège de l’État) demeure, il est moins important que celui de l’information devenue une forme d’éducation. Le monopole de l’information/éducation devient plus décisif que celui de la violence légitime, permettant aux médias de remplacer la souveraineté populaire.
Coup d’État des médias
Le deuxième chapitre s’étend sur les différents « coups d’État » médiatiques. A commencer par celui contre Daniel Trump en 2020, la suppression de son compte Twitter, les censures sur les activités délictueuses du fils Biden pendant la campagne électorale, puis les séries de mensonges sur les morts pendant l’invasion du Capitole. Sans oublier la véritable cabale contre François Fillon en 2017 sur le « Pénélopegate », amenant Emmanuel Macron au pouvoir dans un fauteuil. Une analyse des couvertures de magazines en faveur du couple, souligne le fait que Macron est devenu selon le Monde diplomatique le « candidat des médias ». La souveraineté est passée du peuple à la caste médiatique.
Le Succès de TVL
Reprenant à leur façon le Que faire léniniste, Philippe Milliau et Martial Bild ont relevé le gant le 30 janvier 2014 en créant ex nihilo TV libertés sous le slogan accrocheur « Nous, c’est vous ». Utilisant parmi les premiers le haut débit sur internet (les suivants suiveurs seront ceux gravitant autour de LFI, Le Média, QG, Blast), TVL invente la télévision du troisième type, ni alimentée par la redevance étatique, ni par la manne publicitaire mais par ses auditeurs, véritables propriétaires de la chaine.
Malgré les obstacles – dont la perte de la chaine YouTube en 2018 avec ses cent mille abonnés – le succès est au rendez-vous. TVL emploie trente personnes, produit plus de trois heures d’émission par jour, a un demi-million d’abonnés à sa nouvelle chaine YouTube, et plusieurs centaines de milliers de contacts sur les réseaux sociaux. Une trentaine d’émissions sont produites allant du classique JT du soir à la gastronomie, en passant par l’histoire, les portraits ou la très suivie i>Média de Jean-Yves Le Gallou et Jules Blaiseau.
Le Logos et sa dissolution médiatique
Impossible de tout citer, mais le dernier chapitre de Jean-Luc Coronel de Boissezon, qui a beaucoup contribué à l’ouvrage, mérité un détour. Dans un chapitre lumineux, il montre comment l’agon grec, le goût de la confrontation en vue de l’excellence (la disputatio romaine) ont créé le terreau culturel de l’Europe. La progressive extinction de la pluralité politique, illustrée par le « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » de Saint-Just, est devenue la norme dans les médias de grand chemin contemporains. Le monopole de production du récit culturel, renforcé par les nouvelles technologies signe l’extinction des opinions dissidentes. Véritable pathologie de la culture, ce monopole signe la fin du politique. Sauf pour ceux qui relèvent le défi, comme TVL. Un ouvrage indispensable pour la compréhension du monde des médias et du monde tout court.
Martial Bild, Philippe Milliau, Défaire le parti des médias, Bouledogue Médias & Dualpha, 2022, 218p, 19 €. En vente sur la boutique du site de TVL.