En janvier 2022, la commission Bronner rendait ses conclusions dans un rapport que nous avions commenté. Parmi ses recommandations : éduquer les plus jeunes au « bon usage » des médias et du net. En septembre de cette même année le CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information) rend un rapport consacré à ce sujet. L’objectif : apprendre aux écoliers, collégiens et lycéens à ne pas tomber dans les filets des fake news. Décryptage.
Naturellement, en lisant les premières lignes du rapport nous nous attendions à tomber sur une certaine approche partisane du sujet. Nos a priori se trouvent confirmés dès l’introduction, où nous lisons que « Cette publication permet aussi de revenir sur la dimension citoyenne de l’Éducation aux médias et à l’information. Un enjeu plus que jamais indispensable dans un contexte de tensions qui traverse nos régimes démocratiques. » (P.3). On aura compris l’idée sous-entendue : face aux contestations de plus en nombreuses, les citoyens de demain doivent être formatés pour digérer sans mot dire les propos du gouvernement et des médias dominants. De l’éducation à l’endoctrinement, il n’y a qu’un pas.
Évaluer l’information
Cinq parties distinctes structurent ce rapport. L’une d’entre elles attire notre attention, celle intitulée « Évaluer l’information ».
Faisant office de deuxième section, l’évaluation de l’information occupe une place centrale dans le rapport. Il faut attendre la deuxième sous-section pour voir apparaître le mot « fake news ». Le rapport admet que « cette expression anglo-saxonne galvaudée recoupe en fait des situations bien différentes. » Plus loin les rédacteurs notent que Donald Trump l’emploie à outrance « comme si l’emploi de cette expression coupait court à toute discussion ». Ainsi les rédacteurs admettent, même sous forme interrogative et décousue, que cette expression, érigée en sujet prioritaire par le gouvernement, pourrait être un anathème confus utilisé afin de disqualifier une personne sans prendre en compte son discours.
Attirer les lecteurs
Sur la même page nous observons un classement des types de désinformation, du simple titre mensonger au canular. La section portant sur les « putaclic » note que le seul objectif des titres provocateurs ou adeptes de sensationnalisme est d’« attirer le plus de lecteurs possible sur ces sites, ce qui permet des générer des revenus publicitaires ». C’est juste mais ce n’est évidemment pas le cas de ces seuls sites. La majorité des sites d’information cherche à faire le plus de vues possible, pour que les nouvelles qu’ils publient aient un écho, mais surtout afin de générer des revenus publicitaires. Accoler cela uniquement aux « putaclic » est donc un raccourci.
La référence : les décodeurs du Monde
Le reste de la section se structure en une progression dans les arcanes du complotisme, allant du COVID-19 aux désinformations sur YouTube, avant d’en sortir par le haut grâce à une leçon de fact-checking qui ne dit pas son nom. Pour réaliser cette prouesse, les enseignants, à qui est destiné ce document, disposent de ressources numériques. Dans presque toutes ces dernières, nous retrouvons au moins un lien vers les Décodeurs du Monde, qui servent de référence pour connaître la fiabilité d’un site ! Le Monde incarnation de la fiabilité ? Cocasse quand on sait que l’un des journalistes de ce journal diffamait le site FdeSouche il y a quelques mois.
La part d’implicite
Les ressources du chapitre « D’où viennent les fake news » sont à la hauteur de nos attentes. Elles sont au nombre de trois : Conspiracy Watch, un livre de Rudy Reichstadt, et une chronique de France Inter. Plus conformiste, tu meurs ! Notons par ailleurs que Reichstadt faisait partie de la commission Bronner et qu’il est le fondateur de Conspiracy Watch.
Dernier élément de cette partie, le décryptage du discours complotiste. Pour aider les enseignants, les rédacteurs du rapport établissent des critères afin de reconnaître un tel discours. Parmi les procédés rhétoriques nous trouvons : un discours manichéen sans nuances, un discours chargé d’émotions (violence, haine, colère), une part d’implicite.
Pour les deux premiers nous renvoyons nos lecteurs au dernier numéro de L’Express. Ils y trouveront un discours manichéen et émotif. Et la fameuse part d’implicite.
Wikipédia neutre, vraiment ?
Quelques autres éléments retiennent notre attention. Parmi eux, la promotion de la neutralité de Wikipédia. Celle-ci étant érigée en principe fondateur. Pourtant, en février 2022, l’OJIM s’interrogeait sur cette neutralité et avait une réponse nettement plus nuancée.
En somme nous observons, sans surprise, que derrière une volonté saine de permettre à chaque citoyen de ne pas se faire berner par le verbiage rodé des journalistes et des politiciens, se cache la volonté de formater les esprits en rejetant, sous l’incrimination de fake news, un discours dissonant du gong médiatique.