Depuis plusieurs mois, l’envolée des coûts du papier affecte durement la presse : à l’ère de la numérisation médiatique, les industriels du papier réduisent leur capacité de production et les prix du marché explosent. Retour sur la crise (ultime ?) d’un monde de la presse en voie de perdition.
Du ralentissement des capacités de production
C’est d’abord au ralentissement des moyens de production que l’on doit la flambée des prix du papier qui porte tant atteinte au secteur de la presse. Si les nombreuses fermetures de machines de production – il n’en resterait d’ici les prochains mois plus qu’une seule en France – en sont la première cause, le transfert de machines vers la fabrication d’emballages cartons destinés à la vente en ligne constitue une cause importante de cette crise. Au 1er janvier 2023, les journaux devront d’ailleurs contribuer au financement du recyclage en s’acquittant d’une éco-contribution auprès du collecteur et recycleur des déchets Citeo, en lieu et place de l’actuel paiement en nature par l’intermédiaire de la publicité. Autre phénomène qui affecte le prix du papier : la hausse des cours de l’énergie.
Quels coûts pour la presse ?
L’impact sur les journaux est particulièrement fort : l’Alliance de la presse d’information générale situait la hausse à 100 millions d’euros pour la filière en un an. Les Échos chiffrent pour cette filière un coût de 120 millions d’euros au total pour une consommation de 250 000 tonnes par an. Une facture qui risque de s’accentuer, puisque les prix ont, selon Philippe Toulemonde, directeur général délégué de Ouest France, doublé par rapport à janvier 2021. En juin, il estimait que « la tonne du journal oscill[ait alors] entre 800 et 900 euros », contre 400 euros un an plus tôt.. Le directeur général de l’APIG s’attend quant à lui à ce que le surcoût atteigne « 600 voire 700 euros dans les mois à venir ».
Selon certaines sources, la hausse du prix du papier risque de coûter entre 5 et 10 millions d’euros supplémentaires à des groupes comme Le Figaro, Sud Ouest, Ouest-France ou Ebra. Face à la baisse de la production, certains papetiers n’hésitent d’ailleurs pas à faire exploser les prix. Selon certains patrons de presse, les négociations des prix du papier sont devenues trimestrielles et non plus annuelles. Selon Les Échos, « le poste de charge papier serait passé de 7 % à 14 % du chiffre d’affaires chez certains éditeurs ».
Les éditions locales, premières victimes de la crise ?
Requérant encore, tous titres confondus, 300 000 tonnes de papier par an, la presse la plus touchée par la hausse des coûts du papier est la presse quotidienne régionale, dont le lectorat est attaché à ce médium et qui avait déjà subi la diminution de leur pagination comme la fusion de plusieurs de leurs titres au sein d’un même groupe à la suite de la crise sanitaire. A l’instar du groupe Nice-Matin, dont le président directeur général reconnaît : « Nos journaux sont en moyenne de 54 pages, nous avons légèrement diminué notre pagination en raison de la hausse du papier ». Certaines éditions locales ont même renoncé à leur formule papier, à l’image des Nouvelles Calédoniennes, qui s’apprêtent à supprimer d’ici le 31 décembre leur édition quotidienne papier. Une mesure drastique qui va engendrer le licenciement de dix-sept emplois au sein de Pacifique Rotative, imprimeur du journal.
Quelles perspectives de salut ?
Toute la presse est durement affectée par cette crise générale ; l’Alliance de la presse d’information générale souligne ainsi que « sans un soutien résolu des pouvoirs publics, la perspective pour les éditeurs en 2023 est de devoir restructurer à nouveau l’ensemble de leurs organisations, y compris les rédactions ». La majorité Renaissance à l’Assemblée nationale a d’ailleurs déposé, par l’intermédiaire du député Denis Masséglia et dans le cadre du projet de loi de finances de 2023, un amendement visant à la création « d’une aide exceptionnelle aux éditeurs de presse IPG ». Le député, qui a par ailleurs proposé la suppression du crédit d’impôt sur les premiers abonnements à un journal y évoque une « aide exceptionnelle de 5 millions d’euros [pouvant] prendre la forme d’une aide individuelle corrélée au tonnage de papier consommée par les éditeur[s] (sic) ». Une mesure que devrait soutenir le ministère des finances : Bercy comme Matignon auraient appuyé la création d’un fonds de soutien pour la filière…