Le 23 juillet 2022, Emmanuel Macron, tout juste réélu, faisait voter par sa majorité la suppression de la redevance audiovisuelle. Par cet acte, il réalisait une de ses grandes promesses de campagne et coupait la chique à d’autres candidats qui brocardaient cette redevance. Néanmoins, comme de coutume, la majorité a visiblement oublié cette maxime, pourtant basique, édictant que « gouverner c’est prévoir ».
Abrogée car considérée par le camp présidentiel comme un impôt injuste, la fin de la redevance audiovisuelle laissait néanmoins une question en suspens : comment sera désormais financé le service public ? Pour compliquer la question, notons que si la redevance est supprimée, le financement des services publics (radio et télé) par l’État ne l’est pas. Un paradoxe qui illustre assez bien ce qu’est cette réforme : un symbole pris par la macronie pour satisfaire une partie de son électorat, ne reposant sur rien d’autre que des effets d’annonces. Il semble en effet qu’aucun plan sérieux de financement n’ait été mis en place ou même envisagé.
Au bon vouloir de l’exécutif
La majorité avait alors trouvé une solution de secours dès l’été 2022. Désormais, une fraction de la TVA, d’un montant avoisinant les 3,7 milliards d’euros, serait allouée au financement de l’audiovisuel public. Si Quentin Bataillon, coauteur avec Aurore Bergé de l’amendement mettant fin à la redevance et coordinateur des affaires culturelles pour la majorité présidentielle, s’enorgueillit de la stabilité de la méthode en soulignant que « cela permet une sanctuarisation de la somme allouée chaque année à l’audiovisuel public. », les opposants à cette méthode notent que le montant de cette somme serait au bon vouloir de l’exécutif, qui pourrait décider de réduire la fraction de TVA allouée. Nous pouvons par ailleurs supposer qu’il pourrait s’agir, pour le clan macronien, d’un bon moyen de pression sur le service public afin de s’assurer davantage de ses bonnes dispositions vis-à-vis du palais.
Course contre la montre
Quoi qu’il en soit, la majorité se trouvait dans une course contre la montre. Ce bricolage budgétaire mis en place afin de remplacer la redevance ne pouvait pas, théoriquement, durer après 2025. À cette date, prendra effet une loi stipulant l’obligation d’allouer les recettes d’une taxe en rapport avec le domaine sur lequel elle est prélevée. Nous imaginons mal le rapport entre la TVA et les prime-times de France 2. Qu’à cela ne tienne, la majorité semble avoir trouvé la solution afin de contourner cet écueil de taille qu’on appelle la loi, que chaque citoyen est censé respecter. Selon La lettre A, c’est par un tour de passe-passe lexical que la majorité va se sortir de cette impasse budgétaire. Le financement de la TVA, par la prise d’une fraction des recettes de la TVA, ne serait plus une « affectation budgétaire » mais un « fléchage de recettes ». Il s’agirait, sans doute, de sous-entendre qu’il ne s’agit pas d’une affectation gravée dans le marbre, et donc illégale, mais d’une pratique officieuse, n’ayant aucune existence légale réelle…
Le court-termisme de la macronie
Naturellement, le procédé laisse sceptique de nombreux experts. La proposition va être étudiée, pour une durée de six mois à partir de début novembre 2022, dans la mission d’information consacrée à l’avenir de l’audiovisuel public. Cette mission sera présidée par … Quentin Bataillon. Vous avez dit conflit d’intérêt ?
La majorité brille ainsi une nouvelle fois par son court-termisme en supprimant un pilier budgétaire sans même prendre le temps de mettre un étai. Néanmoins, nous restons attentifs aux conclusions de la mission d’information. Si les magouilles lexicales de la majorité fonctionnent, qui pourrait bien nous reprocher dans l’avenir de requalifier nos excès de vitesse en « prises de vitesse temporaires » ?