En janvier 2022 paraissait un essai écrit par la démographe Michèle Tribalat intitulé « Immigration, idéologie et souci de la vérité ». Il est passé relativement inaperçu, sans doute en raison de l’actualité du moment (campagne électorale, etc.). L’OJIM revient sur l’ouvrage de celle qui s’est éloignée de la doxa dominante dans le petit milieu des spécialistes de l’immigration. C’est un appel à la vigilance sur ce qui se dit dans les médias à ce sujet que lance de façon salutaire Michèle Tribalat.
40 ans de recherches
Michèle Tribalat décrit de la façon suivante son activité professionnelle passée dans l’essai que les éditions L’Artilleur ont publié en début d’année 2022 : « le domaine de la recherche (…) pendant près de 40 ans à l’INED, la démographie et plus particulièrement l’immigration étrangère ».
La question des statistiques ethniques a fortement opposé Michèle Tribalat à un autre démographe, Hervé Le Bras, comme le relatait un article du Monde du 6 novembre 1998. Cela n’a pas été sans conséquences. Eugénie Bastié soulignait dans un article du Figaro du 21 décembre 2018 que Michèle Tribalat, comme Stéphane Guilluy et Stephen Smith, se sont vus « marginalisés par l’université lorsqu’ils touchent à des thèmes comme l’islam et l’immigration. On reproche à leurs thèses de “faire le jeu” des discours politiques d’extrême droite. Ils répondent qu’on s’attache à réduire leur légitimité plutôt qu’à contredire leurs arguments ». « Immigration, idéologie et souci de la vérité » est le douzième ouvrage que la démographe a écrit ou auquel elle a apporté sa contribution.
Une chape de plomb…
Dans un article publié en février 2020, l’OJIM soulignait, avec de nombreux exemples à l’appui, qu’une véritable chape de plomb était posée sur la question de l’immigration dans les médias centraux, avec d’un côté des spécialistes orthodoxes, omniprésents dans les interviews données sur la question, et les spécialistes hétérodoxes, relégués aux médias alternatifs et à la presse d’opinion classée à droite.
De fait, Michèle Tribalat donne fréquemment des interviews à Atlantico, au Figaro, à Causeur, etc. Celle qui ne travaille plus à l’Institut National d’Etudes Démographiques tient également un blog dont l’une des rubriques est présentée comme visant à « relever les erreurs statistiques propagées par les élus ou le gouvernement, sans avoir forcément une mauvaise intention, mais souvent par pure ignorance des ordres de grandeurs de ce dont ils parlent, lorsqu’il s’agit d’immigration étrangère ».
Immigration, idéologie et souci de la vérité
L’ouvrage de Michèle Tribalat paru en janvier de cette année est une invitation à la vigilance à l’égard de la présentation des phénomènes migratoires par les journalistes, les « fact checkeurs », les politiques et autres intellectuels. En cinq parties divisées en chapitres, la démographe entreprend de démonter à l’aide d’exemples des présentations biaisées de statistiques et d’arguments sur l’immigration. Michèle Tribalat prend le lecteur par la main en présentant tour à tour la pratique de la minoration de l’immigration étrangère, la réfutation « des perceptions communes sur les effets démographiques de l’immigration étrangère », les « approximations au doigt mouillé », l’« arrogance sur fond de déculturation technique » et in fine les « bêtises proférées par des politiques qui ignorent ce qu’ils ne savent pas ».
« Délégitimer les porteurs d’idées qui dérangent »
Les démonstrations sur les erreurs de raisonnement et les présentations tronquées ne sont pas que pédagogiques. Elles sont parfois drôles, comme lorsque M. Tribalat souligne que Le Monde s’appuie sur François Héran pour critiquer l’essai de Stephen Smith sorti en 2018 « La ruée vers l’Europe », comme si celui-ci « représent(ait) à lui tout seul la démographie ». La démographe se montre parfois caustique, comme quand elle évoque les exercices de debunkage qui sont devenus si fréquents sur les chaines de télévision et de radio : « tout ceci m’incline à penser que la prétention du fact checking n’est pas tant d’y voir clair que de délégitimer les porteurs d’idées qui dérangent ».
Le livre se conclut par une mise en garde. Constatant l’emprise idéologique croissante dans l’enseignement et la recherche, M. Tribalat souligne que « si rien n’est fait pour valoriser le pluralisme, l’uniformité de points de vue dans les milieux académiques devrait s’accroitre, lorsqu’arriveront ceux qui ont subi “plein pot” une forme d’endoctrinement lors de leur formation scolaire et universitaire ».
On a longtemps prêté à Winston Churchill la citation : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées ». Il s’agirait pourtant d’une citation apocryphe, c’est à dire attribuée à une personne qui n’a jamais tenu les propos rapportés, ou alors les a exprimés sous une forme différente. Nouvelle démonstration qu’il faut toujours prendre avec prudence les propos rapportés…
Immigration, idéologie et souci de la vérité, Michèle Tribalat, éd. L’Artilleur, 2022