En Hongrie, la presse est « tellement muselée » (sic) qu’elle peut librement donner dans l’orbanophobie la plus virulente sous parrainage sorosien, travailler en collaboration avec l’AFP et la Commission européenne à un projet de fact-checking, recevoir des fonds du Département d’État américain (740 000 dollars), ou ceux d’un des plus importants groupes du Parlement européen, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D). Une fois de plus, le mythe véhiculé par les médias de grand chemin sur l’état « inquiétant » de la liberté de la presse en Hongrie fond comme neige au soleil.
Nyugati Fény, un média qui dévore du Orbán du matin au soir
Bien moins professionnel que d’autres médias hongrois, Nyugati Fény, en français « Lumière de l’Ouest », est un site tapant à bras raccourcis sur le gouvernement Orbán dans un style parfois à la limite du trash et ne reculant devant aucune attaque ad personam.
Il serait presque possible de le ranger dans la catégorie presse à sensation, tant le niveau de ce média numérique caresse les bas-fonds. En douce, nombre de journalistes travaillant pour des médias orbano-critiques plus sérieux le reconnaissent volontiers : Nyugati Fény est une véritable poubelle. Mais son message est simple et clair, et permet de toucher un public plus varié que celui des diplômés urbains : l’Europe de l’ouest est un jardin d’Éden, alors que la Hongrie est un enfer dont la population est plongée dans la misère et écrasée par une clique de sombres kleptocrates qui mériteraient, tels des vampires, de disparaître sous les feux de la rampe bruxelloise.
Le groupe S&D met la main à la poche
Nos confrères hongrois de la Fondation pour un journalisme transparent (Transzparens Újságírásért Alapítvány — ojim.hu) viennent de mettre le doigt sur une affaire qui en dit long sur les mensonges proférés sur la liberté de la presse en Hongrie par les médias de grand chemin d’Europe de l’Ouest.
Le groupe S&D du Parlement européen paie Nyugati Fény pour disposer d’un encart publicitaire sur ce site. Tout cela alors que nous ne sommes pas en période de campagne électorale européenne, et que d’ailleurs S&D n’est pas un parti mais un groupe pour lequel les électeurs hongrois ne peuvent directement voter. Pas besoin de longues études pour comprendre l’entourloupe : le groupe S&D a trouvé un moyen détourné pour financer ce média hongrois. Un véritable problème du point de vue de la souveraineté du marché de la presse et des médias hongrois, selon nos confrères de l’ojim.hu.
Quelques jours avant la révélation de cette affaire, le fondateur et rédacteur en chef de Nyugati Fény, Viktor Mandula, démissionnait. Seuls les « cerveaux malades » verront un lien entre la démission de Mandula et les révélations qui suivront. Ce qui est en revanche sûr, c’est que ce Mandula n’a jamais fait mystère de son soutien au DK (Coalition démocratique, premier parti d’opposition en Hongrie) et des crises d’urticaire que lui provoquait Viktor Orbán.
C’est donc en partie avec l’argent du contribuable français, qui finance le fonctionnement du Parlement européen et donc celui de ses groupes, qu’un média hongrois attaquant du matin au soir Viktor Orbán est financé. Dans le même temps, la presse française subventionnée par le même argent du contribuable français nous explique depuis des années que la presse « libre et indépendante » hongroise (comprendre celle qui est du bon côté du manche) est étranglée par le vilain Orbán. Mais ce n’est pas tout !
Là où le bât blesse encore plus
S&D traverse actuellement une crise due au « Qatargate », un scandale de corruption ayant éclaté en décembre 2022 et mêlant plusieurs membres du groupe, accusés d’avoir reçu de l’argent du Qatar en échange de la défense des intérêts de cette richissime péninsule arabique au Parlement européen. L’affaire est d’une telle ampleur — elle s’entend désormais même au Maroc — que les médias subventionnés n’ont eu d’autres choix que de la relayer et d’acculer les intéressés.
Il est donc assez cocasse de noter que les députés hongrois inscrits au groupe S&D qui pestent inlassablement contre « Orbán le voleur, le corrompu et l’homophobe » avaient pendant des années des collègues socialistes nageant dans l’argent du Qatar, ce petit pays servant de base arrière aux Frères musulmans, pratiquant le servage et n’étant pas connu pour être spécialement tendre avec les homosexuels et encore moins avec les activistes LBGT.
Au sein de ce groupe, on trouve la crème de la crème de l’opposition hongroise. Tout d’abord, Klára Dobrev, qui a raté de peu l’investiture de l’opposition unie face à Péter Márki-Zay pour défier Viktor Orbán en avril 2022. Mais aussi, István Ujhelyi, un homme politique socialiste talentueux et intelligent, qui traîne par ailleurs avec lui des affaires de cadeaux reçus par les autorités chinoises (des affaires évoquées non pas par un obscur site complotiste, mais par Direkt36, un site d’investigation hongrois aux liens avec la galaxie Soros).
Source : mandiner.hu
Nyugati Fény, un média proche du parti de l’ex-Premier ministre Ferenc Gyurcsány
Il n’est pas étonnant que Nyugati Fény, fondé en 2015, soit lié à la Coalition démocratique (DK) de Ferenc Gyurcsány, Premier ministre socialiste de 2004 à 2009, et de son épouse Klára Dobrev, député européenne, candidate à la primaire de l’opposition en 2022, cheffe du « gouvernement de l’ombre » du DK et petite-fille du dignitaire communiste et bourreau des insurgés de 1956 Antal Apró. Gyurcsány et sa femme sont à la tête d’une fortune considérable et forment un couple de professionnels de la politique.
En Hongrie, il est de bon ton de dire qu’après Viktor Orbán (né en 1963), Ferenc Gyurcsány (né en 1961) est le deuxième homme politique le plus doué de sa génération — celle ayant fait ses classes dans les mouvements de jeunesse du socialisme agonisant des années 80 et ses crocs dans la jungle « démocratique » des années 90. Homme du scandale de Balatonőszöd et des manifestations de 2006, Gyurcsány est un épouvantail pour les électeurs du Fidesz et de la droite nationale.
Mais le dinosaure Gyurcsány officie toujours, et le Fidesz y trouve d’ailleurs un atout tant l’homme provoque de la répulsion chez de nombreux Hongrois. Son parti, le DK (actuellement deuxième parti de Hongrie à 14% d’intention de vote), est le seul parti digne de ce nom au sein de l’opposition et dispose d’un réel appareil fonctionnant aussi en dehors de Budapest. Si Gyurcsány plaide pour les « États-Unis d’Europe », une idée plaisant à certaines franges de la bourgeoisie intellectuelle budapestoise, il sait aussi user de son bagou pour séduire des électeurs de province, chose rare au sein de l’opposition hongroise.
C’est là qu’un projet comme Nyugati Fény prend tout son sens. Du rentre-dedans pour happer un électorat en détresse. On reconnaît aussi la patte du professionnel sur un autre plan : la société Western Light s.r.o qui édite Nyugati Fény, que les médias pro-Fidesz surnomment « blog Gyurcsány » ou « blog DK », est domiciliée en Slovaquie. Un procédé bien connu en Hongrie, utilisé pour des raisons fiscales par nombre d’entrepreneurs hongrois retors.
À la lecture de tout ce qui précède, peut-être que les contribuables français comprendront que les médias de grand chemin les prennent pour des dindes, des dindes qui devraient ignorer où et comment une partie de leurs impôts s’évapore via le groupe SD du Parlement européen.