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Rééducation forcée aux médias sociaux pour Jordan Peterson, psychologue clinicien au Canada

25 janvier 2023

Temps de lecture : 8 minutes
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Rééducation forcée aux médias sociaux pour Jordan Peterson, psychologue clinicien au Canada

Temps de lecture : 8 minutes

Jordan Peterson, psychologue clinicien et professeur émérite de l’Université de Toronto, est devenu célèbre depuis quelques années par ses déclarations et écrits hostiles à la théorie du genre et à l’idéologie « woke ». Il conteste l’existence d’un « privilège blanc », estime que les féministes ont « un désir inconscient de domination masculine brutale » et conseille aux jeunes hommes de développer leur masculinité et de « se tenir droit », première de ses « 12 règles pour une vie » comme « antidote au chaos » (titre de son ouvrage publié en 2018 en langue anglaise et en 2019 dans sa traduction française).

Opposé aux prénoms transgenres obligatoires

« Ce qui se passe main­tenant, c’est que l’on con­va­inc les enfants homo­sex­uels qu’ils sont des trans­sex­uels. Ce n’est pas très bon pour les homo­sex­uels, n’est-ce pas ? », explique ce psy­cho­logue qui s’est fait con­naître en 2016 en s’opposant, pour des motifs de lib­erté d’expression, au pro­jet de loi « C‑16 » qui a ren­du oblig­a­toire au Cana­da (à par­tir de 2017, avec l’entrée en vigueur de cette loi) l’emploi des prénoms choi­sis par les per­son­nes dites « transgenres ».

Son canal YouTube compte aujourd’hui 6,25 mil­lions d’abonnés, prin­ci­pale­ment de sexe mas­culin (env­i­ron 80 % d’après Peter­son lui-même). Un entre­tien avec le psy­cho­logue clin­i­cien cana­di­en à la télévi­sion bri­tan­nique Chan­nel Four, con­duit il y a 5 ans sur des sujets comme les écarts de rémunéra­tion homme-femme, la mas­culin­ité, le « patri­ar­cat » et son livre « 12 règles pour une vie », affiche aujourd’hui 42 mil­lions de vues sur YouTube où il a été com­men­té plus de 228 500 fois. Autant dire que cet uni­ver­si­taire et prati­cien ne laisse pas indifférent.

George Orwell au Canada et 1984 revisité en 2023

Aujourd’hui, « pour avoir dit ce qu’il pen­sait, ce psy­cho­logue pour­rait per­dre sa licence » de psy­cho­logue, nous infor­mait le titre de l’éditorial du très respec­té jour­nal améri­cain Wall Street Jour­nal du 4 jan­vi­er (imprimé dans la ver­sion papi­er du jour­nal du lende­main sous le titre « La quête pour réé­du­quer Jor­dan Pert­er­son »). « On pour­rait penser que les Cana­di­ens ont eu le temps d’apprendre à ne pas dicter à Jor­dan Peter­son ce qu’il doit dire », peut-on lire dans cet édi­to­r­i­al très cri­tique du traite­ment réservé au psy­cho­logue. « Le pro­fesseur de psy­cholo­gie est devenu une sen­sa­tion sur Inter­net en 2016 après avoir soutenu que la lég­is­la­tion cana­di­enne équiv­alait à un “dis­cours con­traint” sur les pronoms de genre. Main­tenant, l’Ordre des psy­cho­logues de l’Ontario exige que M. Peter­son recon­naisse qu’il a “man­qué de pro­fes­sion­nal­isme” dans ses déc­la­ra­tions publiques et qu’il suive un “pro­gramme d’accompagnement” de sou­tien. »

Les déc­la­ra­tions publiques en ques­tion, ce sont notam­ment des com­men­taires faits sur Twit­ter, comme d’avoir appelé l’actrice « trans­genre » qui se fait appel­er Elliot Page (et est aujourd’hui con­sid­érée comme acteur et non actrice) par son ancien nom, « Ellen », sur Twit­ter, en util­isant le pronom « elle », d’avoir traité un con­seiller du Pre­mier min­istre Justin Trudeau de “con­nard” (prick), d’avoir qual­i­fié un ancien patient de « vin­di­catif » et d’avoir réa­gi, tou­jours sur Twit­ter, à la cou­ver­ture du mag­a­zine Sports Illus­trat­ed avec la pho­to d’une grosse femme en mail­lot de bain : « Désolé. Pas beau. Et aucune tolérance autori­taire n’y chang­era rien. »

Conflit avec l’ordre des psychologues

Le 4 jan­vi­er, l’intéressé a pub­lié une tri­bune dans le Nation­al Post, un quo­ti­di­en nation­al cana­di­en anglo­phone, avec, en titre, l’avertissement : « Je vais ris­quer ma licence pour échap­per à la réé­d­u­ca­tion aux médias soci­aux ». Un aver­tisse­ment suivi du chapô : « L’Ordre des psy­cho­logues de l’Ontario veut me reformer à un com­porte­ment cor­rect – et cela devrait inquiéter tout le monde ». Dans cette tri­bune, le psy­cho­logue fait remar­quer que n’importe qui dans le monde peut envoy­er une plainte à cet Ordre des psy­cho­logues de l’Ontario, même sans n’avoir jamais eu affaire au spé­cial­iste con­cerné par la plainte. Et, explique Jor­dan Peter­son, quand l’Ordre des psy­cho­logues décide de lancer une procé­dure con­tre un de ses mem­bres à la suite de plaintes, « il s’agit d’une démarche sérieuse, qui équiv­aut essen­tielle­ment à des pour­suites judi­ci­aires. L’Ordre des psy­cho­logues de l’Ontario recom­mande d’ailleurs le recours à un avo­cat dans de telles con­di­tions. »

« L’Ordre des psy­cho­logues de l’Ontario a inten­té une mul­ti­tude de procès de ce type à mon encon­tre », con­tin­ue Peter­son, « depuis que j’ai accédé à la notoriété publique, il y a six ans (mais aucun au cours des quelque 20 ans pen­dant lesquels j’ai exer­cé la pro­fes­sion de psy­cho­logue). Ces pour­suites se sont mul­ti­pliées ces derniers temps, et on en compte main­tenant plus d’une douzaine. Cela peut sem­bler beau­coup (et “il n’y a pas de fumée sans feu”, ou c’est en tout cas ce que les gens pensent), mais je dois dire qu’il est dif­fi­cile de com­mu­ni­quer avec autant de per­son­nes comme je le fais et de dire quoi que ce soit de sub­stantiel sans en froiss­er au moins quelques-unes de temps à autre. »

Rééducation à vie ?

Quel châ­ti­ment pour le psy­cho­logue face à ces plaintes con­tre ses déc­la­ra­tions dans les médias soci­aux et autres pod­casts à suc­cès ? « Pour mes crimes, j’ai été con­damné à suiv­re une for­ma­tion oblig­a­toire à la com­mu­ni­ca­tion sur les médias soci­aux avec les soi-dis­ant experts de l’Ordre (bien que la for­ma­tion à la com­mu­ni­ca­tion sur les médias soci­aux ne soit pas une spé­cial­ité sci­en­tifique et cer­taine­ment pas une spé­cial­ité clin­ique de quelque niveau que ce soit). Je dois suiv­re cette for­ma­tion à mes pro­pres frais (quelques cen­taines de dol­lars de l’heure) et pour une durée qui ne sera déter­minée que par ceux qui me réé­duquent et en tirent prof­it. Com­ment cela sera-t-il déter­miné ? Lorsque ces mêmes réé­d­u­ca­teurs – ces experts – se seront con­va­in­cus eux-mêmes que j’ai appris ma leçon et que je me com­porterai cor­recte­ment à l’avenir. »

Le wokisme totalitaire de Justin Trudeau

Dans un échange avec Elon Musk sur Twit­ter le 3 jan­vi­er, le psy­cho­logue clin­i­cien expo­sait la sit­u­a­tion cat­a­strophique en matière de lib­erté d’expression au Cana­da : « C’est pire que vous ne le pensez au Cana­da @elonmusk. Les pro­fes­sion­nels régle­men­tés sont main­tenant réduits au silence par leurs ordres respec­tifs. Cela sig­ni­fie qu’ils ne sont plus en mesure de dire ce qu’ils croient être vrai. Et qui a besoin de cela de la part de ses avo­cats, médecins, ou psy­cho­logues ? » À ce sujet, une autre tri­bune pub­liée par cet uni­ver­si­taire dans le Nation­al Post il y a un an, à pro­pos de ce qui l’a poussé à devenir pro­fesseur « émérite » de l’Université de Toron­to, en aban­don­nant le statut de pro­fesseur tit­u­laire, dresse un tableau très inquié­tant pour les lib­ertés indi­vidu­elles (et pour le niveau des uni­ver­sités) de ce Cana­da qui, sous l’impulsion du très libéral-lib­er­taire Justin Trudeau, s’est retrou­vé à l’avant-garde de ce wok­isme venu des États-Unis et de plus en plus à la mode en Occident.

Une lettre dans le National Post

Comme l’indiquait le jour­nal améri­cain New York Post (célèbre pour avoir pub­lié à quelques semaines des dernières élec­tions prési­den­tielles améri­caines le scoop sur l’ordinateur portable d’Hunter Biden cen­suré par les grands médias de gauche et les médias soci­aux) dans un arti­cle du 5 jan­vi­er inti­t­ulé « Le psy­cho­logue Jor­dan Peter­son pour­rait per­dre sa licence s’il refuse la “réé­d­u­ca­tion” aux les médias soci­aux », « M. Peter­son a écrit une let­tre à M. Trudeau, qu’il a pub­liée dans le Nation­al Post, lui deman­dant de se pencher les organ­ismes de régu­la­tion du gou­verne­ment. » Une let­tre dont le New York Post citait l’extrait suivant :

« Je ne sug­gère pas, ni même ne pré­sume, que vous ou une per­son­ne asso­ciée à vous ait un rap­port direct avec cela. Cepen­dant, le fait que cela se pro­duise (et que les médecins et les avo­cats soient devenus aus­si ter­ri­fiés que les psy­cho­logues le sont main­tenant par leurs pro­pres organ­ismes de régu­la­tion) est quelque chose qui s’est claire­ment pro­duit sous votre man­dat, en con­séquence de votre pro­pre con­duite et des poli­tiques de plus en plus basées sur la con­trainte et la pureté idéologique que vous avez pro­mues et inscrites dans la loi. »

Contagion nord-américaine

Et finale­ment ce sont surtout les médias con­ser­va­teurs améri­cains qui sem­blent s’en inquiéter après la procé­dure enclenchée par l’Ordre des psy­cho­logues de l’Ontario con­tre le très médi­a­tique Jor­dan Peter­son. Y com­pris de gros médias comme Fox News où l’on entend des chroniqueurs par­ler du Cana­da comme d’une dic­tature total­i­taire (et qui s’inquiètent de la même dérive aux États-Unis). Le grand média con­ser­va­teur améri­cain relayait d’ailleurs le 17 décem­bre dernier l’avertissement lancé par le Cana­di­en Jor­dan Peter­son sur la chaîne aus­trali­enne Sky News : « Le psy­cho­logue cana­di­en Jor­dan Peter­son, auteur et célèbre penseur anti-woke, a aver­ti les pays occi­den­taux qu’il est “haute­ment prob­a­ble” qu’un sys­tème total­i­taire de crédit social s’installe dans leurs sociétés. Dans une récente inter­view accordée à la chaîne aus­trali­enne Sky News, Peter­son a affir­mé que les poli­tiques et les restric­tions mis­es en œuvre par les nations occi­den­tales pen­dant la pandémie de COVID-19 pour­raient ouvrir la voie à un sys­tème automa­tisé de crédit social et de “passe­port numérique” qui met­trait en dan­ger les droits des citoyens. »

En ce qui con­cerne le Cana­da en tout cas, la thèse du total­i­tarisme déjà présent dans ce pays est par­faite­ment illus­trée par un arti­cle du jour­nal local Ottawa Cit­i­zen qui expli­quait le 18 jan­vi­er pourquoi « une coali­tion de groupes com­mu­nau­taires d’Ottawa veut faire annuler un événe­ment local avec Jor­dan Peter­son » : « “À l’approche du pre­mier anniver­saire du soi-dis­ant “con­voi de la lib­erté”, la dernière chose dont nous avons besoin est qu’un porte-parole de l’extrême droite occupe le devant de la scène dans notre ville”, a déclaré Jaime Sad­grove, respon­s­able des com­mu­ni­ca­tions et de la défense des droits au Cen­tre cana­di­en pour la diver­sité des sex­es et des sex­u­al­ités, l’une des 36 organ­i­sa­tions locales qui ont demandé l’annulation de l’événement dans une let­tre ouverte. »

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