Depuis mardi 20 août, 40 millions de foyers américains reçoivent la nouvelle chaîne qatarie Al-Jazeera qui dispose désormais de 12 bureaux et de 400 journalistes dans le pays.
Un défi : révolutionner le journalisme et, surtout, vaincre les réticences du public américain avec 14 heures de direct par jour. Une tâche qui ne sera pas aisée face aux géants du domaine que sont Fox News, MSNBC et CNN. « Nous savons que les Américains veulent une couverture en profondeur des sujets d’actualité qui comptent pour eux », a expliqué Ehab Al Shihabi, directeur général par intérim d’Al-Jazeera America. « Ils veulent plus de reportages impartiaux et moins de prises de position, c’est exactement ce que fait Al-Jazeera », poursuit-il.
Pour Le Monde, malgré ses pétrodollars, Al-Jazeera America doit « convaincre les câblo-opérateurs de prolonger les accords de diffusion lorsqu’ils arriveront à échéance », rappelant que Time Warner Cable « avait décidé de suspendre la diffusion de Current TV [chaîne racheté par Al-Jazeera pour s’implanter aux Etats-Unis]… quelques heures à peine après son rachat ». Les qataris vont devoir également séduire les annonceurs publicitaires, très réticents à associer leur nom à une chaîne aussi controversée. En effet, toujours selon Le Monde, « des études internes montrent que 75% des personnes n’ayant jamais regardé les programmes de la chaîne en ont une vision négative ». « Les États-Unis sont-ils prêts pour Al-Jazeera ? » titrait d’ailleurs USA Today le 11 août dernier.
Le principal obstacle sera donc bien le public et l’image qu’il a de la chaîne. Aux yeux de nombreux Américains, elle est en effet celle qui a diffusé les vidéos de Ben Laden durant la guerre d’Afghanistan. « Al-Jazeera a déjà joué un rôle dans la radicalisation de musulmans à l’étranger en vue de transformer les Américains en cibles de terroristes », a accusé Cliff Kincaid, directeur du lobby Accuracy in Media. Mais Ehab Al Shihabi veut se laisser du temps : « Nous investissons actuellement massivement en publicités et en stratégie de marque (…) Je suis sûr qu’en peu de temps Al-Jazeera va devenir populaire. »
À grands coups de personnalités populaires et de publicité, Al-Jazeera compte frapper très fort. Après le rachat de Current TV en janvier dernier, la chaîne financée par le fond souverain du Qatar éveille les craintes devant son appétit ; certains craignent déjà que celle-ci ne devienne le plus grand groupe audiovisuel du monde.