Papesse féministe de Télérama
Le début 2023 est marqué par des changements de tête au sein de la direction de certains titres importants de notre presse nationale. Serge Halimi a cédé la main à Benoît Bréville à la tête du Monde diplomatique et Fabienne Pascaud se retire de son poste de directrice du monument de conformisme Télérama après dix-sept ans de direction.
Origines et formations
Fabienne Pascaud voit le jour le 1er juillet 1955 à Paris en pleine guerre d’Algérie. Son père est alors officier de l’armée. Elle effectue son cycle secondaire au lycée Fénelon avant d’obtenir une maîtrise de lettres à la Sorbonne. Enfin, elle achève son cursus par un passage à l’IEP de Paris.
Parcours professionnel
C’est en 1978 que Pascaud intègre la rédaction de Télérama pour ne plus la quitter. Elle est alors pigiste, et c’est à ce moment-là qu’elle rencontre Louis Dandrel, qui deviendra son mari. En 1980, à la veille de l’arrivée aux affaires de la gauche, elle est affectée au service « cinéma ». Elle devient ensuite rédactrice en chef adjointe au service « culture » puis, en 2001, elle est propulsée rédactrice en chef. Enfin, en 2006, elle devient directrice de la revue, poste qu’elle quitte en décembre 2022 ayant atteint la limite d’âge autorisée. Pour autant, elle ne quitte pas la revue et redevient une chroniqueuse de théâtre et de littérature.
Durant les dix-sept années passées à la tête de Télérama, Fabienne Pascaud s’illustre par un management « cassant », « impatient », qu’elle veut expliquer par la haute idée qu’elle a de Télérama (Libération, 5 février 2023). Cette haute idée justifie bien une gestion stricte, quitte à potentiellement rentrer en opposition avec ses idées, qu’elle admet, sans les nommer, être de gauche.
Outre son office chez Télérama, Fabienne Pascaud est aussi une grande amie du service public. Entre 1989 et 1911, elle concilie sa passion pour le théâtre (rappelons qu’avant de devenir journaliste, ce sont les planches qui lui faisaient de l’œil) avec sa casquette de productrice en mettant sur les antennes de France 2 l’émission 1,2,3, théâtre… Notons aussi que, depuis 2015, elle occupe un poste de chroniqueuse dans l’émission littéraire Le masque et la plume, diffusée sur France Inter. Enfin, par sa casquette de romancière, elle se fait régulièrement inviter sur France Culture, Radio Classique ou encore France Musique. Elle a également tenu une chronique sur Europe 1.
Collaborations
Avec l’INA elle établit des portraits de metteurs en scène et d’acteurs diffusés sur Arte et France 3. En 2020, elle tient son propre rôle dans un épisode de la série Dix pour cent diffusé sur France 2.
Parcours militant
En tant qu’intervenante régulière du service public, nous n’avons pas de surprise en apprenant que Pascaud avoue « une nostalgie pour les années Jack Lang » (Libération, 5 février 2023). De gauche, sans « révéler son vote », Fabienne Pascaud a également été membre du Mouvement de Libération de la Femme (MLF), situé dans le sillon de mai 68. Malgré cela, certains de ses collègues admettent qu’elle a eu du mal à faire face à #MeToo. Pourtant, cette féministe militante admet volontiers avoir « harcelé » (Radio France, 18 janvier 2023) son mari lorsqu’elle le convoitait. Heureusement que Fabienne est une femme, sinon l’affaire aurait pu finir au tribunal. Sous sa direction, Télérama devient un instrument d’un néo-féminisme castrateur et vindicatif sous un masque néo-puritain chrétien de gauche. Un journaliste sera licencié pour « harcèlement sexuel » et Télérama sera condamné aux prud’hommes pour licenciement abusif.
Publications
- Les miroirs de Diana, Plon, 1998
- Michel Bouquet, mémoire d’acteur, Plon, 2002
- Anna Mnouchkine, l’art du présent, Plon, 2005
- Le sens de la tribu, Deschamps-Maïekeff, Actes Sud, 2010
- Rideau noir, Stock, 2021
- L’aimante, Stock, 2023
Elle l’a dit
« Moi par exemple j’ai été une harceleuse. […] Le harcèlement fait partie de l’amour. », Radio France, 18 janvier 2023.
Sur la manière dont elle approchait Louis Dardel, son futur mari : « C’était du harcèlement, tout en respectant son droit d’aimer une autre femme. », Libération, 5 février 2023.
« Avec ses crises et ses états de grâce, ses révoltes et ses audaces, ses cruautés et ses générosités, Télérama est un corps admirablement vivant, humain et familier, doux et dur. », Télérama, 2 janvier 2023.
Sur Télérama : « Un magazine parfois revêche, parfois donneur de leçons, mais qu’on aime pour ça, aussi, parce que seul y compte le respect dû aux lecteurs, le service rendu aux lecteurs. », Télérama, 2 janvier 2023.
Nébuleuse
Outre le service public et Télérama, son défunt mari, Louis Dandrel a constitué un allié de poids pour Fabienne Pascaud. Ils se rencontrent dans les années soixante-dix. Elle est pigiste depuis peu à Télérama, lui dirige France Musique. Par la suite il crée Radio Classique où son épouse peut parfois avoir une chronique. C’est suite à son décès en 2021, puis à la publication d’un livre hommage intitulé l’Aimante, fin 2022, que Pascaud laisse la direction de Télérama.
Ils l’ont dit
« Avec chaque interlocuteur le même post-scriptum : « Tu verras… c’est un personnage ». Sans qu’on sache tout à fait ce que le mot recouvre — mise en garde ou mise en bouche ? », Libération, 5 février 2023.
« Un exercice du pouvoir autoritaire et vertical, en fille de militaire (qu’elle est) et une volonté de contrôle, qui a pu épuiser sa hiérarchie intermédiaire. », Libération, 5 février 2023.
« Moins snob que sa caricature de journal bobo élitiste, Télérama est, certes, toujours l’hebdo préféré des profs à la retraite, mais surtout un prescripteur généreux et un espace critique précieux – ils ont tendance à se raréfier. », Libération, 5 février 2023.
« Sur les sujets de société ont dit d’elle, en « femme de sa génération », elle a mis du temps à appréhender #MeToo. », Libération, 5 février 2023.
« Difficile de ne pas percevoir pourtant sa vision fondamentalement doloriste de la féminité, de l’amour, de l’existence même. », Libération, 5 février 2023.
« Télérama fait partie du groupe Le Monde. L’univers des « chrétiens de gauche » auquel se réfère l’hebdomadaire a toujours été marqué par une espèce de schizophrénie vis-à-vis des questions sexuelles : pris entre une tradition de pudibonderie voire de bigoterie et une fascination pour toutes les modes sur le même sujet, trans, LGBT+, écriture inclusive, féminisme castrateur, campagne Me-too etc. », Ojim, 13/08/2019.