L’influence croissante des GAFAM dans le domaine médiatique amène son lot de questions et de controverses. La Suisse nous en fournit un nouvel exemple en demandant à Google une rémunération pour pouvoir diffuser les médias helvétiques sur son moteur de recherche.
154 millions de francs suisses réclamés à Google
L’association des éditeurs alémaniques Schweizer Medien a mandaté un cabinet afin de chiffrer les bénéfices faits par Google grâce aux médias d’information suisses. Secondée, entre autres, par l’Université de Zurich et le cabinet Fehr Archives, l’association a montré que 86% des Suisses se servent du moteur de recherche afin de chercher une information. L’étude, réalisée à partir d’un panel de 1573 citoyens alémaniques et romans, âgés de 18 à 64 ans, conclut également que 9% des citoyens sondés utilisent ensuite le moteur de recherche afin de faire une seconde recherche. Par conséquent, Google augmenterait son chiffre d’affaires grâce aux médias suisses, et en contrepartie une enveloppe d’ « au moins » 154 millions de francs par an est demandée par l’association des éditeurs Schweizer Medien.
Le Conseil fédéral suisse devrait mettre en place une consultation sur le sujet prochainement. Le président du parti libéral-radical, Thierry Burkart, a de son côté déclaré être favorable à l’introduction d’un droit voisin en Suisse afin que les médias suisses soient mieux rétribués. Une proposition qui permettrait de ne pas verser d’aide directe aux médias, ce à quoi est opposé Thierry Burkart.
La question des « droits voisins »
Ce cas est un énième épisode concernant l’exploitation des sites d’information par une multinationale, dans une période où la presse nationale se porte de plus en plus en mal. Entre la défiance des lecteurs et la baisse des chiffres d’affaires, les groupes cherchent des expédients afin de remplir leurs caisses. Cette exploitation est centrée autour de la question des droits voisins (droits par lesquels un éditeur peut demander une rétribution à un site utilisant son contenu). Depuis 2019, l’Union européenne a introduit, en théorie, le droit voisin dans sa législation. En pratique, Google est très réticent à verser les sommes qu’il doit et s’il le fait, il s’arrange pour le faire dans un cadre très avantageux pour lui. Il y a quelques mois, l’AFP, qui, justement, voulait se servir de ce droit voisin afin d’obtenir une rémunération de Google, avait dû faire le dos rond.
Le référencement ? Une rémunération selon Google…
La société américaine a répondu aux éditeurs suisses en indiquant que les contenus journalistiques ne sont qu’une faible partie de son chiffre d’affaires. En outre, Google a déjà versé 59 millions de dollars entre 2018 et 2020 à titre de subventions publicitaires aux cinq plus gros éditeurs suisses. Enfin, il ajoute que le référencement des sites et leur présence dans le moteur de recherche constituent une pub et donc une forme de rémunération. Comme dans le cas français, Google joue la carte de la « double-rémunération ».
Une énième chicane comptable qui montre l’influence des GAFAM sur nos médias. Rappelons d’ailleurs que Google et Facebook sont les sponsors de certains de nos plus gros titres pour les former au fact-checking. Ajoutons enfin qu’une partie de ces accords sont une contrepartie à l’introduction des droits voisins.