La chaîne d’information publique a été au cœur d’une polémique étrangement passée sous les radars. Quatre de ses collaborateurs ont été accusés d’antisémitisme, trois ont été rappelés à l’ordre et l’une a même été remerciée.
Des tweets « controversés »
L’affaire est partie d’une enquête menée par Camera, le site d’une organisation étasunienne du même nom qui s’identifie comme une vigie de la couverture médiatique au Moyen-Orient. Créé en 1982, cette officine de contre-influence devait originellement contrer le traitement jugé « anti-israélien » du Washington Post, en pleine invasion du Liban par l’État hébreux. Plus récemment, elle a révélé des messages provocateurs de journalistes « arabophones » travaillant pour la chaîne France 24.
Des messages dont certains ont plus de dix ans mais qui ne pardonnent pas au regard de la sensibilité du sujet. Dans des tweets, la journaliste Joëlle Maroun s’est laissée aller à des plaisanteries douteuses impliquant notamment le chancelier Adolf Hitler, le barbecue et des juifs… Cette correspondante de France 24 au Liban a également regretté qu’Hitler ne soit pas aux commandes à Beyrouth et a même affirmé : « Il incombe à chaque palestinien de tuer un Juif et l’affaire est close. »
La chaîne d’information publique s’est finalement séparée de Joëlle Maroun après 48 heures de polémique le 15 mars.
Un parti pris apparent
À cette journaliste évincée, se sont ajoutés trois autres professionnels rappelés à l’ordre.
Laila Odeh, vaguement connue pour avoir été prise à partie en novembre 2022 par des extrémistes israéliens lors d’un direct, a, elle aussi, invoqué le nom d’Hitler, accusant Israël de reporter le « complexe de son Holocauste sur les Palestiniens, en méprisant Hitler tout en étant devenu une autre version de lui ». Sœur d’un martyr de la cause palestinienne, elle est en outre accusée d’être bien peu objective, ce qui n’est pas absurde à considérer sa « situation familiale » et sa nationalité palestinienne.
Dina Abi-Saab, est de son côté accusée d’un tropisme très marqué pour la cause palestinienne. Se réjouissant des roquettes lancées par le Hamas sur la population civile israélienne, cette Libanaise emploie systématiquement le terme « Palestine occupée » pour qualifier l’état hébreu. Un terme qui peut certes se défendre, mais qui semble déplacé pour une chaîne de télévision publique d’un État (la France) qui entretient des relations avec Israël et reconnaît son existence.
Enfin, l’homme de la bande, Sharif Bibi, également actif auprès du média InfoMigrant, est mis en cause pour son traitement assez peu équilibré du conflit israélo-palestinien. Ce Libanais qualifie par exemple Israël « d’entité sioniste ».
Suspendus dans un premier temps, les quatre journalistes connaissent des fortunes diverses. Si Joëlle Maroun a été renvoyée, Laila Odeh a été réintégrée. Quant à Dina Abi-Saab et Sharif Bibi, il semblerait qu’ils puissent revenir puisqu’ils n’auraient écopé que d’un « rappel à l’ordre » selon l’annonce faite par France 24 le 15 mars.
La tenaille : presse et influence
Cette affaire révèle la complexité, pour la télévision publique France 24, de se doter de journalistes objectifs (à défaut d’être neutres) au Moyen-Orient, et notamment sur l’épineux cas israélo-palestinien. Cette affaire est riche en enseignements. Elle met en scène une chaîne publique influencée par des correspondant à la vision engagée dans un conflit et des sites d’influences qui parviennent à faire licencier une journaliste. La sphère d’influence israélienne s’est ici exprimée à travers l’organisation étasunienne Camera ; elle a eu un écho sur le site Infoequitable, sorte de média pro-israélien. Très engagé et subjectif, ce dernier fait néanmoins un vrai travail de « réinformation » en décortiquant le traitement du conflit et révèle parfois des fausses informations.
À ces considérations, s’ajoute enfin une dernière qui est l’étonnant silence qui a entouré l’affaire. Si les médias français sont d’ordinaire plutôt équilibrés sur la question israélo-palestinienne, ils sont généralement beaucoup plus virulents pour les dérapages antisémites ! En cela, les déclarations de Joëlle Maroun, exhumées sur Twitter, n’ont pas vraiment connu l’écho retentissant qu’ils auraient pu avoir. Privilège de correspondant arabe ? Une chose est sûre, de pareilles « plaisanteries » d’un journaliste d’une rédaction comme Valeurs actuelles auraient donné lieu à un traitement médiatique autrement plus acharné…