Souvent brocardée pour son appétence en aides publiques, la presse a en réalité une sous-consommation de ces subsides à en croire la Cour des comptes. Seuls 25,5 millions d’euros sur 57 millions disponibles ont été consommés en 2022.
Une note de la Cour des comptes
Dans une note publiée le 7 avril 2023, la Cour des comptes pointe du doigt un phénomène contre-intuitif : celui de la sous-consommation de l’aide à la presse. C’est le média d’investigation La Lettre A qui s’est fait l’écho de cette note sur l’exécution du budget 2022 de la plus haute juridiction financière de l’ordre administratif en France. Un sujet que traite souvent le quotidien d’enquêtes, qui opère un travail de fourmis en collectant les données des liasses budgétaires accessibles en ligne. Dans sa note de soixante-et-une pages répondant au libellé Analyse de l’exécution budgétaire 2022 Mission « Médias, livre et industries culturelles », la Cour des comptes épingle dans son chapitre II le « surcalibrage de certaines dotations ».
Il est précisé que ces dotations « parfois redondantes avec les crédits budgétaires de droit commun, a conduit à d’importantes sous-consommations. » La redondance s’explique notamment par la présence de crédits « relance » du plan de relance gouvernementale.
À ces « doublons », qui expliquent la non-utilisation d’une partie des fonds prévus pour l’aide à la presse, s’ajoutent de possibles approximations dans l’usage d’une partie des fonds. Ainsi, « l’aide aux pigistes », dotée de 29,5 millions d’euros pour la période 2021–2022 n’a été utilisée qu’à hauteur de 6,7 millions d’euros. Une faible utilisation qui détonne avec la détresse d’une partie de la profession lors du confinement.
L’arbre qui cache la forêt
La sous-consommation de certaines enveloppes a donné lieu à un redéploiement des fonds vers des éditeurs sinistrés. La note sénatoriale explique ainsi qu’en « décembre 2022, la mobilisation d’une enveloppe de 30 millions d’euros au bénéfice des éditeurs de presse […] en particulier le papier, a été annoncée, financée pour 25 M€ environ par le recyclage de crédits de relance non consommés »
Une réorientation bienvenue pour des acteurs largement affectés par l’explosion du prix du papier.
Les plus riches sont les plus aidés
Au-delà de l’urgence qui explique ici une réaffectation pouvant paraître légitime, il existe un problème plus large et complexe quant à l’aide à la grande presse qui elle est loin d’être sous-calibrée. La nature conséquente des aides que perçoivent certains bénéficiaires explique qu’il n’en soit pas fait la promotion : avec notamment le groupe de Bernard Arnault qui avait reçu quelques 22,5 millions d’euros de subsides en 2020 et, selon Médiapart, 16 millions en 2021. Le Monde de Xavier Niel a reçu 18 millions d’euros quand Le Figaro de la famille Dassault a perçu quelques 16 millions et Libération de Patrick Drahi pas très loin. Les aides à la presse bénéficient donc largement aux grands titres déjà sous perfusion de grandes fortunes privées. Le pluralisme en est inévitablement affecté et la question de la raison d’être de ces aides mérite d’être posée.