Les Républicains lancent leur média ! Alors que la sphère mélenchoniste a su pérenniser, non sans difficulté, Le Media, c’est au tour de la droite parlementaire de se lancer dans l’exercice. Culte du passé proche explique, le média d’Éric Ciotti et de ses proches reprend le nom d’un ancêtre séguiniste : « Une certaine idée ».
Dans les vieux pots…
Vingt ans après son abandon, la droite parlementaire déterre un cadavre pour se doter d’un média ! En ligne de mire : la bataille des européennes (2024), puis les municipales (2026) et enfin la présidentielle de 2027. Le programme électoral est chargé et il convient de s’y préparer.
Dans l’écosystème médiatique, chacun à ses prés carrés, vieux journaux ou nouveaux médias, chaînes télévisées et réseaux sociaux ; les partis politiques français disposent tous de supports mais la droite LR semble un peu esseulée. Le Figaro n’est plus une valeur sûre car pas systématiquement critique (comme LR) contre le président du « en-même temps ». Pour se doter d’un organe, Éric Ciotti est donc allé rechercher un média du temps où la droite était encore au pouvoir mais avant la période Sarkozy.
Il a donc fallu fouiller dans les cartons du RPR et redonner vie numériquement à la revue Une Certaine Idée, créée par l’ancien maire de Brétigny-sur-Orge (Essonne) et secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, Jean de Boishue, qui en fut le rédacteur-en-chef. Ce dernier a d’ailleurs donné un entretien pour le (re)lancement du média le 30 avril 2023.
L’héritage de Philippe Séguin ?
À côté du maire de l’Essonne, figurait un poids lourd de la droite en la personne du souverainiste Philippe Séguin. Le cadre de la droite parlementaire, qui s’était opposé au traité de Maastricht, voulait doter son parti d’un organe médiatique, élément qui manquait cruellement pour une droite à la traîne en matière de combat culturel. La revue créée en 1998 donnait alors la parole à des auteurs qui sortaient de la « doctrine » du RPR. Forte d’environ 5 000 abonnés, ce format papier trimestriel avait suscité un certain engouement au sein d’une famille politique dans laquelle ce type de parution manquait. Parmi les contributeurs, on pouvait d’ailleurs croiser un certain Jean Messiha qui a depuis évolué vers d’autres « cieux ».
L’actuelle formation héritière de ce parti étant idéologiquement assez éparpillée, il sera intéressant de distinguer quelles « plumes » seront autorisées dans ce média. Quant à l’héritage gaulliste de celui-ci, il devrait s’en tenir à un vernis vaguement régalien et à une certaine forme de retenue sans trop s’embarrasser de souverainisme ou de radicalité. Sur la forme, le passage au numérique est probablement nécessaire mais rend la filiation assez floue, notamment avec un site qui pour l’heure ne laisse guère de place aux productions écrites et théoriques.
Des débuts bien peu sexy
La maquette du site et les contenus proposés depuis le premier article le 28 avril n’attirent pas franchement l’œil et la présentation faite par Éric Ciotti ne rassure pas : « il n’y a pas de grandes conquêtes sans grandes idées ». Une formule qui ramène à l’identité politique des Républicains, qui peinent à se situer dans un échiquier bouleversé par l’avènement de l’hypercentre d’Emmanuel Macron.
Côté contributeurs, on retrouve l’historien Thierry Lentz (63 ans), l’ancien magistrat Jean-Claude Magendie (77 ans) ou encore le haut-fonctionnaire, historien et ancien conseiller de Séguin Arnaud Teyssier (64 ans). Côté têtes d’affiche, on retrouve l’urologue le plus célèbre de France, le docteur Laurent Alexandre, qui parle d’intelligence artificielle (ce qui n’est pas son domaine). Enfin pour des cheveux moins grisonnants, Une Certaine Idée a eu recours à un certain Pierre Valentin qui traite de la question du « wokisme » ; ce dernier a notamment travaillé pour la très libérale « Fondapol » (qui s’était associée au think tank de gauche Terra Nova en 2014 en pleine campagne européenne). Enfin, la « controversée » lobbyste Agnès Verdier-Molinié s’occupe de parler de l’argent que vous pique l’État comme elle le fait déjà dans des médias comme L’Opinion ou Le Figaro.
Enfin, le chef d’orchestre, Bartolomé Lenoir, ancien directeur de l’association Contribuables Associés, devra conduire cette barque médiatique.
Un avenir plus qu’incertain
L’architecture du site est assez classique avec des articles, des podcasts, des entretiens… On se croirait presque sur un média avant d’ouvrir le lien adhérez qui renvoie au site des Républicains.
À peine déterré, on voit mal comment Une Certaine Idée peut trouver un public. Le clip de lancement n’a pas de caractère propre et multiplie les clichés de carte postale avec des photos de vieux combattants de la droite.
Une Certaine Idée, c’est parti !
Retrouvez-nous sur https://t.co/hA0EdXChea pic.twitter.com/HipqWfXiv5— Une Certaine Idée (@Certaineidee) May 2, 2023
Quant au président du parti Éric Ciotti, son laïus de lancement est maladroit et teinté de fausses notes du type : « nous écrivons aujourd’hui une page blanche ».
Actif depuis le 13 avril, le compte Twitter du média ne comptait pas 1 000 abonnés après trois semaines et les contenus ne sont que très peu partagés. Dans l’arène des réseaux sociaux et la jungle des médias en ligne, il sera très difficile de se faire une place surtout avec la dépendance à un parti qui a enchainé les défaites électorales depuis une décennie.
Installé au 4ème étage du siège des Républicains, le média se veut « sans tabou » mais on imagine assez mal Jean-Luc Mélenchon ou Jordan Bardella pousser la porte d’entrée pour un entretien…
Née d’une promesse de campagne d’Éric Ciotti, Une Certaine Idée, devra se singulariser pour toucher un public large et envisager de toujours exister quand le député des Alpes-Maritimes passera la main.