On ne se rend pas toujours compte à quel point le fonctionnement de l’Union européenne est structurellement antidémocratique. Un nouvel exemple de cet état de choses nous est donné par un événement dont sans doute aucun lecteur de l’Observatoire du Journalisme ni personne en France ou en Europe n’a entendu parler : le 12 mai dernier, le rédacteur en chef d’un média Internet américain de droite, American Renaissance, était refoulé à l’aéroport de Zurich, en Suisse, alors qu’il y avait atterri en provenance des États-Unis afin de prendre une correspondance pour l’Estonie, pour un cycle de dix jours de podcasts, d’interviews et de conférences.
Qui est Jared Taylor ?
Il s’agit de Jared Taylor, un essayiste de la mouvance nationaliste blanche américaine, qualifié de « suprématiste blanc » par les grands médias, ce que l’intéressé récuse fermement.
L’analyse de ses articles ainsi que des articles à son sujet ainsi qu’un échange avec lui nous permet de le qualifier de racialiste. Un racialiste blanc et de droite, certes, alors que nous sommes plus habitués chez nous aux racialistes de couleur (les « racisés », comme on dit aujourd’hui) et de gauche, tel le racialisme affiché par notre actuel ministre de l’Éducation Pap Ndiaye ou notre journal « de référence » national, Le Monde. Jared Taylor et sa mouvance entendent défendre les intérêts des Américains de peau blanche qu’ils estiment aujourd’hui opprimés par les minorités et leurs représentants dans les rouages du pouvoir comme d’autres défendre les intérêts des Américains de peau noire (les « Afro-Américains ») ou d’autres minorités raciales, sexuelles ou autres qu’ils estiment eux aussi opprimées.
Soit dit en passant, M. Taylor, qui s’exprime dans un excellent français, a été élevé au Japon (dont il parle également très bien la langue) et est un ancien de Sciences Po Paris. Il est également diplômé de la prestigieuse université de Yale et a travaillé plusieurs années dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest.
Une approche mesurée et polie
Une approche dénuée de tout racisme nous oblige à traiter le racialisme blanc de Jared Taylor et ses amis de la même manière que l’on traite le racialisme noir soutenu par les grands médias américains et français, puisque la couleur de peau des uns et des autres ne saurait avoir une influence quelconque sur le jugement que nous portons à leur égard. Mais surtout, l’activité de Jared Taylor et du site American Renaissance (« Renaissance américaine ») est légale et M. Taylor expose ses idées de manière polie, sans agressivité et sans jamais appeler à la haine ou à la violence. Et s’il existe de nombreux articles de la presse américaines critiquant ses vues, on n’y trouve pas trace sur Internet d’une quelconque condamnation de M. Taylor par la justice de son pays ni par celle d’aucun pays d’Europe.
Pourquoi donc, dans ce cas, les autorités suisses ont-elles interdit à ce racialiste américain de se rendre en Estonie alors que l’on n’a jamais entendu parlé d’une telle procédure à l’encontre de racialistes américains de peau noire qui n’auraient jamais commis de délit. Rappelons d’ailleurs à ce titre que le racialisme est une idée ouvertement défendue par une partie des députés au Parlement européen, comme ceux de LFI, par exemple, militant pour la créolisation du monde qui en est une forme.
L’exemple polonais
En fait, les mésaventures subies par cet essayiste américain viennent de l’Office des étrangers de la République de Pologne qui l’a inscrit dans la liste des personnes dont la présence sur le territoire polonais est jugée indésirable et l’a également inscrit à ce titre dans le système Schengen. La Suisse faisant partie de l’espace Schengen, les autorités aéroportuaires suisses ont signifié à M. Taylor qu’il allait être mis dans un avion le ramenant aux États-Unis en l’informant que c’est à la demande de la Pologne mais sans pouvoir lui dire pour quels motifs.
Jared Taylor avait déjà été refoulé en 2019 au même aéroport de Zurich et pour la même raison : son inscription par la Pologne au registre Schengen. Comme les Suisses l’avaient informé que cette inscription comportait une interdiction d’entrer dans l’espace Schengen pour trois ans, il espérait pouvoir se rendre cette fois en Estonie. Mal lui en a pris : il a appris le 12 mai à l’aéroport de Zurich que cette inscription avait été prolongée par les autorités polonaises pour deux ans.
Contacté par l’Observatoire du Journalisme, M. Taylor a affirmé avoir dépensé près de 1600 $ en billets d’avion et 200 $ en réservations d’hôtel, non remboursables. Soit près de 1800 $ de perdus sans qu’il soit question d’une quelconque compensation de la part des autorités.
Schengen, un système trop commode
Il semble qu’un étranger inscrit dans le système Schengen par un des 27 pays de cet espace n’en est pas informé et l’apprend au moment de son refoulement sans que les motifs de cette interdiction lui soient données ni qu’il soit question d’un quelconque remboursement de ses frais. Et les autorités des 26 autres pays n’ont pas leur mot à dire : ils doivent refouler cet étranger, même si elles ne savent pas pourquoi. C’est donc bien pratique pour un quelconque pays de l’espace Schengen qui souhaite bannir d’Europe les journalistes étrangers qui les dérangent, qu’il s’agisse de racialistes blancs ou noirs ou même qu’il ne s’agisse pas de racialistes du tout.
Taylor n’est certes pas titulaire d’une carte de presse, mais il n’empêche qu’il venait en Europe en tant qu’auteur et rédacteur en chef d’un média pour réaliser des podcasts, donner des interviews et faire des interventions dans des conférences.
Chose intéressante, quand il s’était adressé aux autorités polonaises en 2019 et notamment à l’ambassade de Pologne à Washington pour connaître les causes de son premier refoulement, M. Taylor dit n’avoir obtenu aucune réponse. Mais quand le correspondant de l’Observatoire du Journalisme en Pologne a fait les mêmes démarches ce mois-ci en tant que titulaire d’une carte de presse polonaise, il a été immédiatement orienté vers l’Office des étrangers de la République de Pologne qui lui a répondu qu’il ne pouvait pas lui délivrer ces informations mais lui a tout de même indiqué la procédure à suivre par l’intéressé pour obtenir cette information et pouvoir, s’il le souhaite, exercer un recours contre cette décision.
Inscription mystérieuse sur liste noire… par le pouvoir polonais
Une décision prise par on ne sait qui au sein du pouvoir polonais peut après que l’Américain fut venu s’exprimer en Pologne, en 2018, auprès d’une organisation nationaliste catholique, la Jeunesse pan-polonaise (Młodzież Wszechpolska). Précisons ici que cette organisation nationaliste polonaise est tout à fait légale et a pignon sur rue, et qu’en outre elle n’est ni raciste ni racialiste puisqu’elle affiche un nationalisme non pas racial mais chrétien (vigoureusement pro-vie, entre autres caractéristiques). Apparemment, jamais Jared Taylor n’a fait l’objet de poursuites de la part des autorités polonaises suite à son séjour sur leur territoire ni d’une quelconque sanction hormis cette mystérieuse inscription dans le système Schengen dont il n’a eu vent que quand les autorités suisses l’ont refoulé une première fois en 2019.
On note en revanche une nouvelle fois que le pouvoir social-conservateur polonais, qui se réclame de la démocratie chrétienne mais qui est régulièrement taxé par nos médias français de « nationaliste », « ultra-nationaliste » ou « ultra-conservateur », s’en prend plus facilement aux journalistes et aux médias nationalistes qu’à ceux de gauche. On note aussi que quand les médias et journalistes plus à droite que le gouvernement polonais son censurés, cela se passe dans l’indifférence générale des médias occidentaux et des institutions bruxelloises pourtant hystériques face aux moindres attaques réelles ou imaginaires contre les médias de gauche.
Autre ironie de la situation, les mêmes médias polonais de droite qui s’étaient indignés du refoulement par les autorités britanniques d’un journaliste et essayiste polonais de droite, Rafał Ziemkiewicz, ne disent mot de l’interdiction d’entrée prononcée par la Pologne en vertu d’une décision administrative à l’encontre du journaliste et essayiste américain Jared Taylor.