C’était la lutte du pot de terre, contre le pot de fer. Celle des anciens salariés de Science et Vie, fondateurs du magazine Epsiloon, contre leur ancien employeur. Et ils ont gagné.
Reworld Media ou l’anti-journalisme
Reworld Media est une vraie réussite économique. Fondé en 2012, le groupe s’est développé à marches forcées par des rachats successifs, notamment des titres venus de Lagardère et de Mondadori. En 2021, le groupe comptait 48 marques médias et 53 titres de presse (voir notre infographie infra), alliant sport (Auto Plus, Auto Journal), santé (Top santé, Vital), féminin (Marie France, Grazia, Biba), divertissement (Closer, Télé Star), sciences et culture (Science et vie, Diapason). La recette est simple, une presse ou sans journalistes ou avec le moins de journalistes possibles
Le groupe fait appel ad libitum à des agences de contenus qui font à la fois du publi-rédactionnel, des articles clé en main, du « brand content » qui n’est autre que de la publicité déguisée. La différence entre rédaction et régie publicitaire s’estompe. Chez Reworld il n’y a plus de « rédacteurs en chef » mais des « directeurs de marques », on n’est pas plus clair. Les contenus sont fournis par exemple par Relax News, une agence employant 200 personnes entre salariés et pigistes, ne dépendant pas de la convention collective de la presse. Parmi les propriétaires de Relax News, les héritiers de Serge Dassault et Matthieu Pigasse, comme quoi la droite ou la gauche se rejoignent volontiers pour défendre des intérêts bien compris. Bizarrement ni Le Figaro (propriété de la famille Dassault) ni Le Monde (dont Matthieu Pigasse est le cogérant) ne parlent des propriétaires de Relax News. Sans doute un oubli.
Voir aussi : Infographie : Reworld Media
Reworld et Epsiloon via Mondadori
En 2019 Reworld achète à Mondadori (éditeur italien, propriété de Silvio Berlusconi qui vient de décéder) la quasi-totalité de son portefeuille de magazines en France dont Science et Vie. Très vite un conflit éclate entre les nouveaux propriétaires et la rédaction entrée en rébellion avec le soutien de son rédacteur en chef, Hervé Poirier. Le conflit porte sur des questions éthiques et la frontière devenue mince entre contenus scientifiques et publi-rédactionnels. Une partie des rédacteurs démissionne et lance Epsiloon en juin 2021.
Voir aussi : Epsiloon, nouveau magazine scientifique
Procès pour concurrence déloyale
Ni une ni deux, Reworld lance une action en justice pour « concurrence déloyale et diffamation », réclamant un million d’euros de dommages et intérêts, la mort assurée pour Epsiloon s’ils perdent. Le tribunal a tranché le 7 juin 2023, condamnant Rewold aux dépens et le déboutant de ses plaintes. Selon des chiffres récents, Epsiloon vendrait environ 15000 exemplaires en kiosques contre 140.000 pour Science et Vie. Après un procès justement gagné, on ne peut que souhaiter une inversion des chiffres dans quelques années.