Le 5 juillet 2023, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, était auditionnée à l’Assemblée nationale par la Commission des finances. Au cours de cette audition, Ernotte a passé en revue les défis qui attendent le service public, puis a sorti cette phrase qui a fait couler beaucoup d’encre où elle affirme que France Télévisions représente la France « telle que l’on veut qu’elle soit » et non telle qu’elle est. Alors comment la France doit-elle être selon Delphine Ernotte ? Petite piqûre de rappel.
Ernotte veut construire le réel non le décrire
Tout d’abord, quelques considérations déontologiques. Vouloir représenter la France telle qu’elle est, en somme décrire le réel, constitue normalement l’un des fondamentaux de l’information. Naturellement, selon l’angle d’attaque de telle ou telle rédaction, certains aspects seront plus évoqués que d’autres. L’OJIM, par exemple, fait un travail de critique de médias tels qu’ils sont, pas tels qu’il les aimerait. Posons quelques questions à Madame Ernotte. Ce projet de représentation, qui ne correspond qu’à la vision d’une minorité représentée par une coterie libéral libertaire, influence t’il les actualités mises en avant dans les journaux ? Un fait d’actualité pourrait-il par exemple être mis au second plan pouvant stigmatiser des minorités ?
Mais de projet s’agit-il ?
Si ce n’est pas le réel qui est visé, quelle est donc cette France que veulent Ernotte et ses compères ? Dans sa déclaration, la présidente de France Télévisions se félicite d’avoir monté le taux de femmes experts à 50 %, atteignant le seuil paritaire.
Les autres chantiers de Madame Ernotte sont d’inclure plus de diversité ethnique et sociale, plus de handicapés et plus de jeunes dans le service public. Malheureusement, sans statistiques ethniques, il va être compliqué de mettre en place concrètement cette diversité ethnique, comme le souligne Delphine Ernotte elle-même.
En bref, la France de France Télévisions, c’est une France métissée, où hommes et femmes sont représentés à égalité, et au détriment de l’homme blanc de plus de 50 ans qu’avait brocardé la présidente du groupe en prenant ses fonctions. Depuis son arrivée, des anciens du groupe ont été poussés vers la sortie. Parmi eux David Pujadas, Julien Lepers, mais aussi Patrick Sébastien. Ce dernier cas illustre d’ailleurs quelle idée Ernotte se fait de ce qui est « populaire ». Dans son audition, elle déplore que le service public ne donne pas assez de vision aux tranches populaires et en donne trop aux classes supérieures. Au même moment, Delphine Ernotte licencie Patrick Sébastien, incarnation même de l’animateur populaire, dont les émissions de variétés faisaient de bonnes audiences, capables de rivaliser avec TF1 un samedi soir. Pour quel motif ? Trop populaire, comprenez trop franchouillard. Une contradiction apparente, mais pour Madame Ernotte, les classes dites populaires sont sans doute les mêmes que celles qui ont semé le chaos dans nos rues après la mort de Nahel. Un choix idéologique et ethnique donc, qui fait perdre de l’audience à France 2, mais que C8 a récupéré en rediffusant les anciens épisodes du Plus grand cabaret du monde, faisant un joli score au niveau des parts de marché.
Un service public fantasmé par LFI
Autre grand moment de cette audition, lorsqu’Éric Coquerel de LFI a souligné que « le service public est la garantie de l’indépendance des journalistes, du pluralisme, de la garantie de considérer que le public doit servir à l’émancipation intellectuelle ». Une belle envolée lyrique qui représente le service public tel qu’on voudrait qu’il soit, pas tel qu’il est. En effet ce serait oublier la présence de Patrick « liste noire » Cohen sur les ondes du service public. En 2014, l’animateur à une exclamation d’une consœur, « mais enfin on peut penser ce que l’on veut ! » avait répondu posément « non ».
Voir aussi : Patrick Cohen, portrait
La véritable émancipation intellectuelle, c’est savoir repérer quand on cherche à nous faire avaler des couleuvres. Comme dans La Fabrique du mensonge à propos de l’affaire Lola, tordant le cou à la réalité afin de voir un fait divers médiatisé non pas à cause de sa barbarie, mais à cause de l’extrême droite (sic).
Cette audition aura ainsi permis à la présidente de France Télévisions d’affirmer une chose constatée depuis longtemps : le service public sert une idéologie, celle d’un monde métissé, au lieu de servir son public, le contribuable. Ce dernier, grâce à la redevance ou ce qui l’a remplacé, permet à des présentateurs, chroniqueurs et reporters de lui expliquer que pour une bonne part, il est un odieux mâle blanc à éliminer.
Voir aussi : Delphine Ernotte, portrait