Le 1er septembre 2023, le New York Times faisait sa Une sur le thème : « Faut-il interdire ou accepter les essais personnels générés par l’IA ? », sésame sans lequel il est impossible d’intégrer une université américaine. Il s’agit de dissertations par lesquelles le futur étudiant doit faire montre d’une voix singulière et de ses acquis en matière de rédaction autant que de narration. Interdire, Accepter ? Un peu des deux ? Les avis sont partagés mais l’utilisation de l’IA de type ChatGPT n’est plus automatiquement rejetée.
Un jeu de rôles grandeur nature ?
Majoritairement, ce sera selon le bon vouloir des établissements. Leur degré d’indépendance étant très important. Pour se faire une idée, ils peuvent dès maintenant bénéficier des travaux du Georgia Institute of Technology au sein duquel une équipe a passé tout l’été à se faire passer pour des lycéens produisant ces fameux « essais personnels », en utilisant des chatbots IA afin de remplir les candidatures universitaires. Un peu comme un jeu de rôles : les responsables des admissions ont joué un personnage, capitaine d’une équipe sportive, scout, apprenti comédien de l’école du théâtre municipal… Sur ces bases, ils ont créé des profils fictifs, les ont introduit dans ChatGPT et le bot a produit des listes d’activités parascolaires mais aussi d’essais personnels, de dissertations. Les textes qui sont les plus souvent couronnés de succès pour telle ou telle candidature. Ainsi, un lycéen peut savoir à l’avance ce qu’il lui faut produire, en utilisant ChatGPT, en vue d’avoir un maximum de chances de voir sa candidature retenue. L’objectif de l’expérience était de comprendre comment l’utilisation de l’IA allait tout changer lors des véritables tests d’admission de l’automne. Il ne s’agit pas de rejeter l’IA. L’université en question considère que les étudiants, de toutes les façons, arrivés à un certain niveau d’études, utiliseront l’IA. Il s’agit donc plutôt de bien les orienter, de leur apprendre à l’utiliser correctement puisque de toutes les manières elle existe et que les étudiants y ont accès.
Un plagiat autorisé ?
Pour le New York Times, l’accès libre de bots tels que ChatGPT ouvre la voie au plagiat automatisé et de fait autorisé. La problématique touche encore plus les universités les plus sélectives que les autres puisque dans les premières l’essai personnel est un facteur décisif de décision : l’université attend de l’étudiant une voix d’écriture personnelle, et la plus singulière possible. Or, si ces dissertations sont générées par des IA, que restera-t-il de la notion de voix singulière ?
Une utilisation fortement critiquée et, en même temps, espérée
L’idée de prendre acte et d’accepter l’utilisation de l’IA simplement du fait qu’elle existe ne fait pas l’unanimité. Nombre de doyens d’universités et d’enseignants considèrent qu’à terme cela va empêcher les étudiants de développer leur esprit critique et des compétences nécessaires en narration. Pour l’instant, la seule réponse trouvée est celle des conseils. Par exemple, de ne pas utiliser ChatGPT afin de ne pas développer une écriture générique, de travailler à partir d’opinions et d’une écriture personnelle. Il est difficilement imaginable que des conseils suffiront.
Un pas vers « l’égalité » ?
Pour d’autres, l’utilisation des outils numériques tels que l’IA serait un outil de démocratisation. Selon les enseignants qui défendent cette thèse, les étudiants les plus riches auraient souvent accès à des ressources auxquelles n’ont pas accès les plus pauvres (aide à la maison, financement de cours extérieurs, coachs en rédaction…). ChatGPT pourrait ainsi avoir un rôle égalitaire. Pour ces enseignants, « c’est gratuit, c’est utile et c’est accessible. Un progrès vers l’équité ». La situation est d’autant plus compliquée que de nombreux lycées, partout aux États-Unis, adoptent ChatGPT et intègrent des programmes d’apprentissage de son utilisation.
Pour le moment, les universités ayant publié des directives d’utilisation de ChatGPT sont très peu nombreuses. Et dans tous les cas, leurs moyens de contrôle sont très faibles, pour ne pas dire nuls. Le New York Times, ayant voulu y voir plus clair, a contacté plusieurs universités au sujet de leur politique concernant l’utilisation de l’IA. L’immense majorité n’a pas répondu. Le journal est de fait pris à son propre jeu progressiste, victime des progrès du Progrès.