Nous sommes en pleine coupe du monde de rugby, superbement commencée par l’équipe de France face à la Nouvelle Zélande, un peu à la peine ensuite. Comme le rythme des chaînes d’information en continu est frénétique, elles doivent, pour subsister, trouver une information afin de la passer et la repasser à la moulinette avant de passer à la suivante. Pendant quelques jours ce fut Bastien Chalureau, un rugbyman récemment appelé dans le XV de France pour y jouer la coupe du monde, qui a été dans l’œil du cyclone médiatique et a fait l’objet d’un procès en sorcellerie digne de 1984 de George Orwell.
La France Insoumise dénonce un rugbyman
L’affaire a été ébruitée par Thomas Portes, député La France insoumise. En 2020, Bastien Chalureau, un peu éméché, aurait physiquement et verbalement agressé deux personnes en sortie de boite de nuit en les alpaguant avec « ça va les bougnoules ? », termes qu’il dément. Jugé pour cette affaire, Chalureau a été condamné en première instance pour violences racistes, À la suite de ce jugement, le joueur de l’équipe de France a fait appel, et un nouveau jugement sera rendu au mois de novembre 2023. Sur le plan juridique, Chalureau est donc présumé innocent, son appel ayant « annulé » le premier jugement. Cependant, dans le tribunal médiatique c’est la présomption de culpabilité qui domine ; et même si Bastien Chalureau a reconnu les violences, mais pas les insultes racistes, certains n’en ont cure. Afin d’éteindre la polémique, le joueur a tenu, le 4 septembre 2023, une conférence de presse où, en larmes, il a affirmé ne pas être raciste. Hélas, il n’a pas été convaincant selon le tribunal médiatique.
Quart d’heure de la haine des médias de grand chemin
Dans 1984 de George Orwell, il existe un rituel. Le « quart d’heure de la haine » où le groupe déverse sa haine contre Goldstein, incarnation de l’ennemi. Nous avons pu assister à une redite en direct de ce quart d’heure, version anti-raciste 2023.
Plusieurs extraits ont retenu notre attention sur le traitement de cette affaire. Ils démontrent la totale déconnexion des réalités de la part de certains journalistes. Sur le plateau de BFMTV on retrouvait notamment Pablo Pillaud-Vivien, le rédacteur en chef de la revue Regards. Pour lui pas de doute, la sélection de Chalureau est « dégueulasse », allant même jusqu’à parler de « larmes de crocodile » lors de sa conférence de presse. Il termine en notant que le joueur « comprend ce que c’est que d’être raciste en 2023 », sur un ton qui laisse voir le bonheur que prend le journaliste à voir un Français de souche être passé sur le grill. La seule personne qui pose les faits et rappelle que le droit déclare pour l’instant Chalureau présumé innocent, se prend une rafale de poncifs expliquant que, de toute façon, le simple fait qu’un joueur se batte le disqualifie déjà de porter le maillot tricolore. Une posture risible quand on connaît un peu l’histoire du sport en général et du rugby en particulier où les après-match sont parfois plus virils que le match lui-même.
Exemplarité à doses variables
Le grand débat qu’a amené cette polémique est celui de l’exemplarité. Un sportif ayant à porter le maillot tricolore doit-il être exemplaire ? Une question légitime au fond, mais qui souffre de ceux qui la posent. En effet, les mêmes qui aujourd’hui voient d’un mauvais œil la venue en équipe de France de Chalureau applaudissaient le retour de Karim Benzema chez les Bleus. Pourtant, l’ancien attaquant madrilène avait déclaré jouer en France seulement pour le côté sportif. De telles déclarations sont-elles exemplaires venant d’un homme qui doit représenter le football français ? Une autre question : est-il normal que des médias nient la réalité juridique afin d’épingler un joueur présumé innocent sur l’insistance d’un député de la France Insoumise qui courtise l’islamisme au quotidien ? Bizarrement, peu de questionnements sont faits sur cette police de la pensée qui ne dit pas son nom.
Comme nous l’apercevons avec Pillaud-Vivien, les larmes de Chalureau, que certains croient simulées, ne l’excusent pas. C’est ce que titre un papier de Libération, parlant de « polémique légitime » à propos de cette affaire, un avis discutable puisque Chalureau est présumé innocent. L’article met ce cas en comparaison avec celui de Mohamed Haouas, rugbyman écarté du XV de France pour avoir été condamné pour violences conjugales répétées. Cette comparaison ne tient pas pour la simple raison qu’Haouas n’a pas fait appel et qu’il n’est donc pas présumé innocent, mais bien coupable. Par ailleurs, Mohamed Haouas a été condamné à de la prison ferme, tandis que Chalureau n’avait été condamné, en première instance, qu’à du sursis. Il y a dans cette comparaison la volonté d’accuser insidieusement le monde du rugby de racisme, un rugby trop enraciné comme Bastien Chalureau, un nom trop franchouillard pour certains.
À titre d’illustration, un extrait de 1984 d’Orwell. O’Brien membre du parti intérieur qui contrôle la société, parle à Winston considéré comme déviant et emprisonné :
« Nous ne détruisons pas l’hérétique parce qu’il nous résiste. Tant qu’il nous résiste, nous ne le détruisons pas, nous le convertissons. Nous captons son âme, nous lui donnons une autre forme. Nous lui enlevons et lui brûlons tout mal et toute illusion. Nous l’amenons à nous, pas seulement en apparence, mais réellement, de cœur et d’âme. Avant de le tuer, nous en faisons un des nôtres. Il nous est intolérable qu’une pensée erronée puisse exister dans le monde, quelque secrète et impuissante qu’elle puisse être. Nous ne pouvons permettre aucun écart, même à celui qui est sur le point de mourir…Nous, nous rendons le cerveau parfait avant de le faire éclater »
Chalureau ? Un Winston de 2023.