Les congrès de journalisme en France sont généralement ennuyeux. Nous n’assistons plus aux larmes de crocodile des assises du journalisme en France qui déplorent le manque de confiance dans les médias sans jamais se regarder dans une glace et se poser la question du manque de pluralisme politique de la profession. Mais quand plus de 5000 délégués du sud se réunissent en novembre 2023 autour des médias à Abu Dhabi, cela mérite une visite virtuelle.
Un moyen d’influence pour Abu Dhabi
Abu Dhabi ou Abou Dabi alias “le père de la gazelle” en arabe, c’est le plus grand des émirats arabes unis, 10% des réserves mondiales de pétrole, 5% des réserves de gaz, moins de 3 millions d’habitants dont seulement quatre cent mille nationaux, le reste venant de l’immigration, Pakistan, Inde, Egypte, Palestine etc. Le troisième revenu au monde par habitant.
L’Arabie Saoudite est plus grande et mieux armée, le Qatar possède Al Jazeera et le PSG, pour exister le riche émirat doit se différencier. Une annexe du musée du Louvre (cession d’usage de marque et prêt d’œuvres), une base militaire française, achat d’avions Rafale de préférence à l’offre américaine et… l’organisation de congrès via les pétrodollars ou pétroeuros y contribuent.
Le Global Media Congress, miroir du sud
Le premier GMC a eu lieu en 2022 et le deuxième vient de se tenir du 14 au 16 novembre 2023 au mirifique centre des congrès de la capitale. Le programme était assez classique autour des thèmes :
- Climat et journalisme ;
- Médias et sport ;
- Innovation et technologie ;
- Éducation aux médias ;
- Développement durable.
N’ayant pas assisté à distance aux conférences nous n’en dirons rien, mais attardons-nous sur l’assistance. Le GMC, c’est le sud du journalisme et des médias qui s’organise en-dehors de l’Occident américain et de l’Europe. Parmi les orateurs invités on trouvera bien quelques Américains, quelques Anglais (pas de Français à notre connaissance) mais surtout une immense majorité de journalistes et de responsables de médias venus des pays non alignés, qui tentent de sortir de l’influence américaine ou qui aimeraient la réduire : Chine, Russie, Brésil, Kenya, Nigéria, Afrique du Sud, Inde, Pakistan, Mexique, Arabie saoudite et bien entendu une foultitude de représentants des émirats dont beaucoup de femmes, voilées comme non voilées.
Certains représentants russes viennent de RT ou de Sputnik, des médias interdits en France et en Europe mais qui émettent en anglais et en arabe. Loin d’être ostracisés comme en Europe, ils sont mis aux premières loges et la représentante de RT Maya Manna est officiellement annoncée comme « key speaker ».
Bien entendu les moyens financiers de l’émirat permettent le succès d’une telle manifestation, mais sa tenue avec ce qui semble un succès est un symptôme. Les Européens feraient bien de regarder un peu moins leur nombril anglo-saxon et d’observer avec attention ce qui se passe du côté des non-alignés, y compris – nous allions dire surtout – dans le domaine des médias et du journalisme.
Voir aussi : Assises du journalisme de Tours, maltraitance médiatique des quartiers populaires : clichés et clichés au carré