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Crépol : les prénoms interdits et les médias

29 novembre 2023

Temps de lecture : 5 minutes
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Crépol : les prénoms interdits et les médias

Temps de lecture : 5 minutes

Depuis le meurtre dans la Drôme du jeune Thomas Perotto à Crépol, dans la nuit du 18 au 19 novembre, l’information semble être toujours un sujet un peu tabou, et parfois tue par certains médias. Voici la liste de ces jeunes placés en garde à vue suite au meurtre de Thomas : ils s’appellent Ilyes, Chaïd, Yasir, Mathys, Fayçal, Kouider et Yanis (source : JDD).

Pour les jour­naux main­stream, si des Français et Européens comme Thomas se font mas­sacr­er par des coups de couteaux, l’origine des auteurs n’est pas impor­tante, tan­dis que lorsqu’il s’agit de l’attaque de Mourad au cut­ter, il devient cru­cial de rap­pel­er que son auteur est Yan­nick, un Français “de souche”.

Injonction à l’omerta

Pour Crépol, c’est dif­férent. Il faudrait faire taire le pro­fil des agresseurs. A cet effet, Le Figaro, plus proche du réel que beau­coup de ses con­frères, titre “Attaque mortelle à Crépol : la dif­fu­sion du prénom des sus­pects, une déli­cate ques­tion” ou encore Boule­vard VoltaireCrépol : le pro­fil des agresseurs, un secret bien gardé”. Comme le rap­porte Char­lotte d’Ornellas dans le JDD : “l’in­for­ma­tion est dev­enue un enjeu idéologique et poli­tique” et a ajouté que “pour les obtenir, nous avons mul­ti­plié les deman­des et con­staté la crainte de tous les acteurs qui pour­raient livr­er l’information. Jusqu’à tomber sur l’un d’eux, qui peut être issu du monde poli­tique, de la jus­tice ou des forces de l’ordre, et qui ne sup­porte plus « ce qu’il se passe, et ce que per­son­ne n’assume de dire ».

Le prénom, vecteur d’identité

Le par­quet de Valence a décidé de ne pas dif­fuser l’identité des sus­pects : “un prénom n’apporterait aucune jus­ti­fi­ca­tion utile” a jus­ti­fié sans rire un pro­cureur au Figaro. Cette injonc­tion au silence dans un tel sujet cristallisant autant de ten­sions en a agacé plus d’un, notam­ment Damien Rieu, qui dans un Tweet a révélé les prénoms des sus­pects. Il a égale­ment ajouté dans un post suiv­ant : “Je pense qu’ils ne vont pas me rater pour avoir sor­ti ça. Tant pis. J’assumerai devant cet État qui per­sé­cute tous ceux qui dénon­cent son inac­tion. Mais on ne se taira plus. La vérité doit tri­om­pher pour tous les #Thomas d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

Condamnations antérieures des suspects

Rap­pelons que sur les sus­pects, cinq ont déjà eu affaire avec la Jus­tice. Le sus­pect prin­ci­pal, un indi­vidu de 20 ans, pré­sumé respon­s­able du coup mor­tel, cumule deux con­damna­tions antérieures. La pre­mière con­cerne un délit de recel de vol, la sec­onde le port d’une arme blanche ou inca­pac­i­tante de caté­gorie D sans motif légitime (Boule­vard Voltaire).

Stanislas Rigault gagne son pari

Le prési­dent de Généra­tion Z, Stanis­las Rigault, dès le 21 novem­bre avait pris la parole sur BFMTV prenant le pari que les sus­pects “auront des noms à con­no­ta­tion issue de l’im­mi­gra­tion”.

Les prénoms con­stituent un mar­queur d’identité et dans l’affaire de Crépol ils “sont le car­ac­tère vis­i­ble d’un lien exis­tant par­fois entre immi­gra­tion, délin­quance et crim­i­nal­ité.” (Le JDD).

La maire de Crépol défie l’omerta

Dans le Figaro élec­tron­ique du 28/11/2023, Marie-Hélène Tho­raval rap­pelle quelques vérités pre­mières : il s’agis­sait d’«une cen­taine de jeunes avec un noy­au dur par­ti­c­ulière­ment vio­lent». Celui-ci ten­terait de créer dans la Drôme «une zone de non droit en occu­pant le ter­ri­toire». «C’est tout un ter­ri­toire qui est touché». Avant d’a­jouter : «Il faut arrêter de pra­ti­quer la cul­ture de l’ex­cuse».

Con­cer­nant les prénoms des sus­pects, la maire de Romans-sur-Isère a affir­mé que le fait de « ne pas com­mu­ni­quer les prénom­splus tôt était indé­cent ». «Pourquoi lorsqu’il s’agit d’un autre drame on com­mu­nique le nom et le prénom tout de suite ? Là, les prénoms ont cir­culé sur les réseaux avant d’être con­fir­més par les autorités. (…) Pourquoi on n’a pas cette notion de trans­parence dès le départ ? Ça ne fait que ren­forcer la stig­ma­ti­sa­tion».

BFMTV préfère le silence

Néan­moins, cer­tains jour­nal­istes choi­sis­sent volon­taire­ment la céc­ité en deman­dant sur un plateau de BFMTV à Tug­dual Denis « Ça veut dire quoi, ressem­bler à des jeunes de cités ? Je ne com­prends pas. » ce dernier lui répond “Euh, bah dis­ons qu’environ 60 mil­lions de Français voient à peu près à quoi cela ren­voie.

Depuis plusieurs années, les français ne font plus l’autruche et con­sta­tent par eux-mêmes les ressorts eth­no­cul­turels con­tribuant à la vio­lence dans notre pays. Pour rap­pel, les agresseurs de Crépol auraient dit vouloir “planter des blancs” (Dauphiné libéré).

Pourquoi une telle cécité ?

On peut se deman­der : pourquoi choisir de fer­mer les yeux ?  Faudrait-il éviter de ressass­er la sacro-sainte idéolo­gie du “vivre ensem­ble” mise en avant depuis des années ?  Le gou­verne­ment  selon le crim­i­no­logue Alain Bauer «  a‑t-il peur d’un « Nahel à l’envers », d’une réac­tion extrême­ment vio­lente con­tre les quartiers, les cités ?” (Boule­vard Voltaire).

Cette stratégie n’empêche pas une par­tie des français de réa­gir comme l’illustre la descente plutôt inop­por­tune – et peut-être manip­ulée oppor­tuné­ment par la police — des mil­i­tants lour­de­ment con­damnés d’« ultra droite » à Romans-Sur-Isère.

Cer­tains syn­di­cats comme la Cocarde Etu­di­ante s’indignent : “Hier Thomas, demain toi ?” Enfin, Philippe de Vil­liers évoque quant à lui «Les larmes d’un peu­ple qui ren­tre en résis­tance».

Deux con­cep­tions du jour­nal­isme s’opposent. Respecter le réel, recon­naître l’information et la traiter, ou faire fi de la réal­ité en la fal­si­fi­ant, offrant au lecteur une lec­ture biaisée. On peut voir qui a choisi la pre­mière option et qui a opté pour la seconde.

Voir aus­si : Tragédie de Crépol, rixe ou agression ?

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