« Il n’y a plus de Nupes » a tranché Jean-Luc Mélenchon, son fondateur, lors d’une réunion publique en Charente-Maritime, enterrant officiellement l’alliance des partis de gauche. Née au lendemain de l’échec de la gauche à la présidentielle en 2022, cette coalition s’était particulièrement illustrée lors des élections législatives de la même année en obtenant 133 sièges, devenant de fait la première force d’opposition.
Les raisons de la rupture
La rupture était sur le bout des lèvres de tous, mais pas officielle, Jean-Luc Mélenchon l’a actée et l’alliance a implosé pour plusieurs raisons. Il accuse les communistes, les verts et les socialistes :
« C’est le parti communiste qui a voté qu’il n’y avait plus de Nupes. Vous entendez les gens ? C’est pas moi qui ai décidé ça ! ».
Surprise par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, la France Insoumise s’était obstinée à refuser de qualifier l’organisation « de terroriste ». Le PS avait alors voté un moratoire sur la participation du groupe socialiste aux travaux de la Nupes (L’Indépendant).
Libération pointe également les propos polémiques du leader de LFI à propos de la marche contre l’antisémitisme qui serait synonyme « de soutien inconditionnel au massacre ». Et rapporte les propos du maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse, accusant la gauche de se perdre en cédant au communautarisme : « Peut-être qu’un jour Mélenchon, que j’ai tellement admiré pour ses discours sur la laïcité, reviendra à la raison et dira qu’il s’est trompé, comme nous nous sommes trompés sur la déchéance de nationalité », accuse-t-il.
Les Échos notent le lien établi entre les émeutes consécutives à la mort de Nahel et les positions fermes maintenues par des personnalités politiques telles que le député David Guiraud et Antoine Lauément qui rejettent l’appel au calme. L’intransigeance de LFI est vivement condamnée par des représentants socialistes et communistes, dénonçant ainsi une position jugée inflexible.
Comme l’a révélé Marianne, à qui il leur avait accordé un entretien en 2010, la posture de Jean-Luc Mélenchon a bien évolué sur l’Islam ces dernières années :
« En ce moment, on a le sentiment que les gens vont au-devant des stigmatisations : ils se stigmatisent eux-mêmes — car qu’est-ce que porter le voile, si ce n’est s’infliger un stigmate — et se plaignent ensuite de la stigmatisation dont ils se sentent victimes », avait-il estimé, préférant « penser à tous ces gens qui n’ont tout simplement aucune religion ». (Valeurs Actuelles)
En 2019, il signait une tribune pour Libération : « Pour dire STOP à l’islamophobie ». Il y a quelques années, il fustigeait le port du voile intégral et la burqa.
Libération reconnaît que la nouvelle stratégie du représentant de LFI est liée à ses scores réalisés dans les quartiers dits “populaires”. En 2017, ce sont eux qui avaient élu ses dix sept députés. En parallèle, « ce changement stratégique s’élabore aussi sur un postulat théorique : le modèle républicain ne parvient plus à créer une identité collective, au-delà des identités de chacun ». Certains députés confessent : « C’est vrai qu’il consolide l’électorat musulman, mais c’est parce que le néoprolétariat est musulman ».
Stratégie de conflit
Après avoir traité Ruth Elkrief de « manipulatrice » sur la plateforme X suite à un entretien sur LCI, son appartenance politique à la gauche de la gauche lui fait bénéficier d’un totem d’immunité (Boulevard Voltaire).
Cette posture idéologique semble être guidée par un nouveau clientélisme, « flirtant avec l’islamo-gauchisme et l’antisionisme » qui fait sombrer Jean-Luc Mélenchon dans le déshonneur, rapporte Le Figaro.
Voir aussi : Ruth Elkrief, portrait
De son côté, Le Monde accuse le numéro deux de LFI d’entreprendre une « stratégie de conflictualisation permanente » avec les journalistes et la classe politique – même de gauche avec Marine Tondelier. Si la stratégie employée est de « parler cru et dru », pour le politologue Rémi Lefebvre, les « séquences » de Jean-Luc Mélenchon sont « nourries et réfléchies ». C’est un « mélange de haine et d’analyse de la situation », juge-t-il, rappelant la défiance d’une partie des citoyens à l’égard des médias. En ciblant la journaliste, M. Mélenchon s’en prend à ce qu’il avait nommé la « deuxième couche de l’ordre capitaliste » et les « valets de l’ordre social ».
« Les Français trancheront »
On a fait ce qu’on a pu pour avoir une liste NUPES aux élections européennes.
Maintenant, comme nous sommes les plus nombreux, nous portons cette affaire sur le dos.
Nous allons faire l’Union populaire avec ceux qui veulent : les Français trancheront.#PourLaPaix pic.twitter.com/EPfETmPxjp
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) November 30, 2023
À sept mois des élections européennes, Jean-Luc Mélenchon souhaite mettre en place une liste commune de la gauche style Terra Nova, sinon « les Français trancheront ». À suivre.