« Puigdemont, en prison ! » a‑t-on pu entendre dans les rues de Madrid au cours du mois d’octobre 2023. Exilé en Belgique depuis 2017, Carles Puigdemont, meneur des indépendantistes catalans, pourra néanmoins rentrer sans crainte en Espagne suite à la récente loi d’amnistie. Celle-ci annule d’un coup de baguette de nombreuses atteintes à la loi espagnole, en particulier liées au référendum illégal pour l’indépendance de la Catalogne ; sédition, rébellion ou encore détournement de fonds publics — les condamnations envers les leaders séparatistes effacées par l’exécutif ne sont pas des moindres.
Climat de division
Le discours officiel qui défend l’unité nationale et la réconciliation a été décrédibilisé par des manifestations exceptionnelles réunissant jusqu’à 1 million de personnes d’après les chiffres du Partido Popular publiés par la RTVE (audiovisuel public). Au contraire, c’est un climat de division que l’on a pu ressentir dans une Espagne martelée par des cris hostiles au projet de loi tels que « L’Espagne ne se vend pas, l’Espagne se défend ! » ou « Ce n’est pas un président, c’est un délinquant ! » cite El País du 17 novembre 2023.
“Pedro Sánchez, hijo de puta”, “Arderá Ferraz, antes o después”, “No es un presidente, es un delincuente”. Con alguna novedad en el repertorio: “El que no bote, secreta es”, que gritan jóvenes y mayores saltando en Ferraz. “Ni un puto mena en Madrid” https://t.co/Y9ru1xZZov
— EL PAÍS (@el_pais) November 17, 2023
Réélection inespérée
Si Pedro Sánchez fait le choix de l’amnistie, c’est avec une véritable intention derrière, un but beaucoup plus personnel minimisé par les médias progressistes et indépendantistes et reconnu à demi-mot par le président du Gouvernement, survivre politiquement. Il est vrai que face aux élections, qu’il a par la suite gagnées, ce dernier s’est trouvé dans une position délicate.
El Confidencial du 16 novembre 2023 est allé jusqu’à déclarer qu’il avait remporté « la réélection la plus inespérée à la présidence du Gouvernement d’Espagne » : une réélection à 179 voix contre 171 qui aurait été impossible sans les votes des 26 députés indépendantistes catalans et basques en échange de la loi d’amnistie comme en témoigne Telemadrid le 13 novembre 2023. L’Heraldo daté du 14 novembre 2023 entend « l’amnistie totale comme le premier prix de sa réélection », ce que Sanchez a confirmé. Le leader socialiste considère d’après El Confidencial du 28 octobre 2023 le pacte avec les indépendantistes comme « l’unique voie pour qu’il y ait un Gouvernement du PSOE [parti socialiste]».
Un acte de corruption
Sans surprise, ce comportement a provoqué de vives réactions. En déclarant pour le quotidien La Razón que « l’amnistie est le plus grand acte de corruption d’Espagne », la présidente du Gouvernement des Baléares, Marga Prohens met des mots sur le sentiment amer que le président du gouvernement laisse au peuple espagnol.
Un sentiment qui, à l’échelle nationale, ne va pas sans entacher la confiance des électeurs envers Pedro Sánchez et plus globalement envers le PSOE. Dans un article publié le 16 novembre 2023, El Español considère que ce dernier « cherche [désormais] sa légitimité plus dans le barrage à la droite et à l’extrême droite que dans son projet ».
Le pouvoir à tout prix
En définitive, Pedro Sánchez remporte un mandat qui s’annonce loin d’être aisé : au-delà de l’amnistie, il devra satisfaire les partis indépendantistes qui lui ont fait confiance et qui réclament désormais un référendum de sortie de l’Espagne. Le Libertad Digital du 1er novembre 2023 résume la suite ainsi :
« la seule chose qui compte, c’est l’immédiat. C’est le prix du pouvoir : le pouvoir à tout prix. D’autres paieront les conséquences. »