La Bretagne est un pays dont le cœur médiatique bat au rythme de Ouest-France. C’est probablement vers ce titre que soupirent les étudiants de l’IUT de Lannion qui ne parviennent pas à être publiés dans Mediapart, malgré l’affection de ce média pour l’école.
Première diffusion le 16 février 2024
L’OJIM prend ses quartiers d’été : du dimanche 28 juillet au dimanche 25 août nous republions les articles les plus significatifs du premier semestre.
Une école récente, tournée vers la presse locale
L’école de journalisme de Lannion est, avec celle de Cannes, la seule à recevoir les étudiants directement après le baccalauréat. Elle propose un cursus en deux ou trois ans avec un DUT Information-Communication Journalisme, puis une année supplémentaire facultative pour obtenir une licence professionnelle. Le but ? Former « des spécialistes de l’information qui ont pour objectif de rendre compte de l’actualité en apportant leur propre analyse et leur éclairage. » On verra que cette analyse est quelque peu orientée. L’école demande à ses étudiants de faire des stages de quatre, puis huit semaines, et un dernier de douze semaines en troisième année, à moins de la faire en alternance.
Le DUT Journalisme de Lannion, créé en 1996, est reconnu par la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes (CPNEJ) depuis 2004. Il accepte chaque année 28 élèves sur plus de mille candidatures, examinées sur la base d’un dossier et d’épreuves orales et écrites. Dans ce dossier, on regarde particulièrement les expériences précédentes dans le journalisme ou les engagements associatifs divers. De quoi cerner les intérêts des candidats… ou leurs idées. Les étudiants sont ensuite principalement engagés dans la presse locale. Avec la jeunesse de l’école, cette caractéristique empêche la formation de mettre en avant de grands noms de journalistes issus de ses bancs.
Voir aussi : Écoles de journalisme, le dossier de l’OJIM
La presse régionale et ses sujets sont d’ailleurs largement mis en avant par le DUT de Lannion sur ses réseaux et sites publics. Outre les travaux autour d’événements locaux, comme le prix Bayeux ou les événements sportifs, la deuxième année propose des partenariats de diffusion avec certains médias régionaux. De quoi faire connaître les étudiants et leur préparer un portfolio de nature à intéresser leurs futurs employeurs. En effet, la presse régionale, quoique moins connue, est particulièrement lue en France, et elle est toujours en quête de journalistes pour alimenter ses colonnes.
Un enseignement sur les discriminations pour de futurs journalistes, pourquoi faire ?
En général, les enseignements pratiques en école de journalisme ne sont guère à blâmer. À moins de manquer à la déontologie, on ne peut qu’enseigner de bonnes pratiques lorsqu’il s’agit de montage vidéo ou audio, et l’on ne saurait soupçonner une école de journalisme d’enseigner des pratiques illégales. En revanche, les enseignements théoriques peuvent être sujets à discussion. À Lannion, on enseigne ainsi les « enjeux des discriminations », et l’intitulé interroge, surtout posé à côté d’autres sujets beaucoup plus généraux, à savoir ceux « de la sécurité numérique, de l’environnement, du sport ». Pourquoi parler d’enjeux des discriminations plutôt que de sociologie ou d’économie, thèmes plus larges, et accessoirement moins orientés dans les termes ?
Journalistique peut-être, féministe certainement
Cet engagement contre les discriminations, ou plutôt contre l’homme blanc supposé les perpétrer, se retrouve sur les réseaux sociaux de l’école, où l’écriture inclusive a une bonne place. Sur X (ex-Twitter), on apprend que les étudiants participent à un « Hors-série de Breton·ne·s et féministes » pour le Petit Echo de la Mode et qu’ils vont sur France Culture pour parler du #MeTooMedia, qui recense les dénonciations de harcèlement des étudiantes (le plus souvent) à l’encontre des grandes personnalités médiatiques. Si le mouvement MeToo, pour certains, a libéré une parole trop longtemps tue, on peut aussi se demander s’il n’a pas été l’occasion de livrer de supposés harceleurs à la vindicte populaire à partir de faits et gestes grossis et déformés.
Une proximité avec l’extrême-gauche
La presse régionale est la voie la plus simple pour les diplômés d’une école de journalisme de petite taille comme celle de Lannion, c’est entendu. Pour cet IUT, il en existe pourtant une autre : la presse d’extrême-gauche. On peut ainsi constater que certains étudiants sont embauchés à Médiapart ou Streetpress, et qu’Edwy Plenel suit l’école sur X (ex-Twitter). Dorian Girard se félicite ainsi que X ‘avoir pu, « avec mes camarades de @InfocomLannion » exploiter une base de données concernant les pesticides en France et conclut : « Cela nous a permis de produire deux enquêtes publiées sur Mediapart ». Quant à Donation Huet, il dit sa « Fierté de publier lundi sur Mediapart les premiers travaux de @Splannenquetes – un projet qui est aussi un peu, comme le rappelle Le Monde, un héritage de la pédagogie singulière portée par l’équipe d’@InfocomLannion. » Qui se ressemble s’assemble. Soit l’école accueille des étudiants qui se trouvent être d’extrême-gauche, ce qui est son droit le plus strict, soit ses enseignements sont particulièrement compatibles avec les titres de cette partie du spectre politique et les médias savent, en embauchant ses étudiants, qu’ils puisent à une source de qualité… du moins pour eux.
L’IUT a également ses entrées au Sénat grâce à la sénatrice PS Annie Le Houérou. Cette faveur, au demeurant importante pour les étudiants, est-elle accordée à l’école pour sa position géographique ou sa position idéologique ? Sans doute au moins un peu la première, et peut-être un peu pour la seconde.
L’extrême-gauche, un marchepied pour les journalistes ?
L’IUT Info-Comm de Lannion semble accorder une importante au moins officieuse à la presse d’extrême-gauche. Après tout, le calcul est bon. Même si les titres d’extrême-droite sont de plus en plus nombreux, ils restent moins lus et plus attaqués, ce qui peut rebuter les plus courageux. Mediapart serait-il une bonne voie d’entrée dans le journalisme pour un jeune diplômé ayant quelques bases pratiques, et surtout de profondes racines idéologiques ?