L’homme d’affaires Bernard Arnault est entré en négociations exclusives avec Lagardère pour racheter l’hebdomadaire Paris Match. Passé dans le giron de Vincent Bolloré en novembre 2023 via le groupe Lagardère, le célèbre magazine devrait déjà changer de propriétaire en 2024…
Les grandes manœuvres se poursuivent dans le groupe médias de Vincent Bolloré, actionnaire majoritaire de Vivendi.
Une idée ancienne d’Arnault
C’était une volonté de Bernard Arnault depuis plusieurs années, il devrait pouvoir enfin embrasser son rêve cette année en devenant propriétaire de Paris Match. Mardi 27 février 2024, le groupe Lagardère a annoncé entamer des discussions exclusives avec le groupe LVMH qui lui a transmis une offre d’achat. Si le montant de l’opération n’a pas été révélé, ce changement si rapide de propriétaire a néanmoins de quoi étonner.
Réorganisation de la « Bollosphère »
Alors que Vincent Bolloré avait bataillé pour conserver la revue, elle devrait donc passer sous pavillon concurrent dans une bataille de milliardaires plus ou moins fantasmée. Les négociations ont par ailleurs eu des relents dynastiques puisque les célèbres patrons étaient flanqués de leurs fils Yannick et Cyrille Bolloré d’un côté et Antoine Arnault de l’autre.
En 2023, le pôle médias du groupe Lagardère a vu son chiffre d’affaires reculer de 9 %. Composé d’Europe 1, Europe 2, RFM, le Journal du dimanche, Paris Match, il a probablement souffert du mouvement social au JDD avec l’arrivée aux manettes de Geoffroy Lejeune.
Arrangement post conflit entre amis/adversaires
En se délestant de Paris Match, le groupe vise probablement une réorganisation de sa flotte médiatique dans laquelle ce titre n’avait pas ou plus sa place. Avec environ 450 000 exemplaires diffusés hebdomadairement les ventes de Match ont chuté de 6 % en 2023, selon l’organisme certificateur du marché : l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias.
Un changement de mains qui fait en tout cas le bonheur de Bernard Arnault, qui tenait à acquérir un journal qui a vu le jour comme lui en 1949. Solidarité entre milliardaires ou arrières pensées, le patron du groupe LVMH n’avait pas participé au boycott publicitaire contre le JDD.
Ce que Bernard Arnault veut
Alors que la majorité des annonceurs tournait le dos au journal, le groupe détenu par Bernard Arnault a maintenu ses annonces montrant par ailleurs les limites de l’action des Sleeping Giants.
Plus qu’un simple annonceur, il aurait même, selon Le Monde, été particulièrement zélé dans la défense de Vincent Bolloré. Ainsi le quotidien affirme que Le Parisien et Les Échos, détenus par la Financière Agache de Bernard Arnault, avaient vu les rédactions protester « à de multiples reprises […] contre la difficulté de travailler sur des sujets susceptibles de concerner négativement Vincent Bolloré ».
Une cour assidue qui aurait donc fonctionné mais qui ne sera pas sans conséquence chez Paris Match. Ainsi, Laurence Ferrari, présentatrice vedette à CNews, propriété de Canal + (groupe Bolloré) avait été propulsée à la direction du « service politique » de Paris Match. Sera-t-elle maintenue à ce poste ? Les ajustements qu’ont pu connaître les ressources humaines du journal seront-ils maintenus ? Une clause de cession permettant aux salariés de quitter le média avec d’avantageuses conditions de licenciement a été ouverte en décembre 2023 pour un an et a déjà été utilisée par quelques journalistes. L’arrivée d’une nouvelle direction suscitera-t-elle un changement de cap en la matière ?
Match entre actualité et people
Le passage de l’escarcelle Bolloré à Arnault ne devrait pas être résolument un bouleversement pour Paris Match qui demeure une revue très lisse à mi-chemin entre actualité et « people ».
Pour Bernard Arnault, c’est un nouveau jouet à sa disposition en plus du Groupe Les Echos-Le Parisien, de Radio Classique. Pour Vincent Bolloré il semblerait qu’il s’agisse d’un réaménagement alors qu’au total le groupe Lagardère se porte très bien. En effet si le pôle média dispose de revenus en baisse lors de l’exercice passé (-8,3% pour les radios, ‑9,4% pour la presse), l’ensemble du groupe a dépassé les 8 milliards d’euros de revenus en 2023 avec une hausse de 14 % avec un résultat opérationnel de 520 millions d’euros grâce aux activités des boutiques hors taxes.
En perte de vitesse depuis plus de deux décennies au moins, les médias radio et papier sont devenus des danseuses (utiles politiquement) pour milliardaires comme l’illustre le cas de Paris Match.
Voir aussi : LVMH, infographie