En 2023, Bayard a perdu 7,5 millions d’euros. Une perte d’autant plus importante qu’elle n’est pas isolée, qui met la trésorerie du groupe en danger à long terme. En cause, une baisse d’abonnés aux titres jeunesse du groupe : Youpi pour les 6–10 ans, We demain 100% ado de 10 à 15 ans, puis Phosphore. Cette baisse d’abonnés peut s’expliquer par les idéologies dispensées de moins en moins subtilement dans les différents numéros.
Bayard, un monstre aux pieds d’argile
Dans le monde de l’édition, Bayard est ce qu’on appelle un monstre. 21% des parts du marché français dans les bandes dessinées jeunesse, des titres connus de tous comme J’aime lire, Astrapi, Pomme d’Api, Okapi, Popi, So Foot Club, I love English, des livres, des jeux, des podcasts, des personnages iconiques comme Tom-Tom et Nana ou SamSam, le plus petit des grands héros, et des dessins reconnus… Tout le monde a, au cours de sa jeunesse, croisé le groupe Bayard, également coqueluche des CDI. Bayard presse se félicitait en janvier 2024, juste avant le festival de la bande dessinée à Angoulême, d’être « en position de leader », avec « 3,7 millions d’exemplaires vendus au cours de l’année ».
Bayard, du catholicisme au militantisme
Bayard est fondé la congrégation des Augustins de l’Assomption, toujours actionnaire unique du groupe. C’est le premier groupe de presse catholique, qui édite notamment La Croix et Pèlerin, et nombre de parents y ont cherché de quoi nourrir leurs chères têtes blondes en pensant trouver du contenu de qualité, adapté à leurs valeurs. Aujourd’hui, les choses ont changé. Pourquoi y a‑t-il des gens racistes ?, Le long voyage de Yaya et son papa, Le petit livre pour parler des enfants migrants, Le petit livre pour dire NON à l’intolérance et au racisme, les titres pro-immigration pullulent, sans parler de l’obsession climatique ou du combat féministe. Greta Thunberg est donnée en exemple, c’est évidemment, mais aussi Jamie Margolin, qui affirmait dans The Guardian que « nous devons démanteler les systèmes d’oppression qui ont fait émerger et se perpétuer la crise climatique, en incluant le colonialisme, le racisme et le patriarcat. » De quoi donner des clés de compréhension du monde qui n’ouvrent que sur un certain type de conclusions, à l’image des titres « Prêts pour la révolution animale » ou « Découvre la viande artificielle ».
Chez Bayard, un Noël pro-Greta et pro-migrants
Prenons en exemple les publications de Noël 2023, qui clôturent donc une année difficile pour le groupe Bayard. Noël est normalement une belle période pour les maisons d’édition, entre les livres qui se retrouveront sous le sapin et les magazines qui donnent aux enfants des idées pour participer aux festivités, ou leur expliquent le sens de la fête qu’ils vont vivre. Bayard Jeunesse a décidé de proposer « Un Noël solidaire et bon pour la planète », cohérent avec ce que Nathalie Becht, directrice de Bayard Jeunesse, nomme un « engagement de longue date en faveur de l’écologie et de la solidarité ». Si l’on sort de l’opération de don de jouets à Emmaüs et des idées pour faire ses cadeaux soi-même, on trouve un « Noël anti-gaspi » vendu sous forme de calendrier de l’Avent, avec 24 épisodes à lire soir après soir. L’écologie est omniprésente avec des idées pour des papiers cadeaux en papier recyclé ou des décorations de sapin, également en carton recyclé. N’oublions pas la cuisine, avec les livres de recettes « 100% bon pour la planète » et des « astuces vegan, zéro déchet et locavore pour le menu de Noël » dans Okapi, pour les 10–15 ans (un âge auquel le régime vegan n’est pas forcément conseillé par les médecins). Les plus petits pourront lire les aventures de Jaques et son Pépé qui vont préparer pour Noël « un festin é‑co-lo ! »
Voir aussi : Youpi de Bayard, jeunesse et propagande
Des livres pour s’imprégner d’idées de gauche libertaire
Sous le sapin, notons la présence d’un dossier spécialement écrit pour donner aux jeunes lecteurs des idées pour « se déplacer sans polluer », en espérant ne pas créer des ayatollahs anti-voitures qui rendront la circulation impossible dans les villes, et ce au mépris de tout pragmatisme. L’écologie est également servie par Diana d’un monde à l’autre. Enfin le groupe Bayard s’assure que les lecteurs auront l’idée de « prendre soin des autres » : lisez L’abri, où des animaux se préparent à subir une tempête et voient arriver deux étrangers. « La méfiance amène les habitants de la forêt à fermer leur porte et leur cœur. Mais la générosité et la bonté n’ont pas tout à fait disparu. » À partir de 3 ans, pour des enfants garantis pro-migrants. Et la dimension chrétienne de Noël nous direz-vous ? Pas de panique, Bayard Presse n’oublie pas ses racines. Les artisans de la solidarité présente quatre personnalités inspirantes. Frédéric Ozanam, qui créa la Société Saint-Vincent-de-Paul, Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, le Père Jean Rodhain, fondateur du Secours Catholique, et enfin Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social. En évitant soigneusement des personnes comme Mère Thérésa, Saint Jean Bosco ou… Saint Vincent de Paul justement, qui ne sont probablement pas assez modernes.
Bayard Jeunesse veut créer les militants de demain
Il ne s’agit pas là d’une exception, ou d’un choix un peu irréfléchi. Le groupe Bayard sait parfaitement ce qu’il fait. We demain 100% ado est conçu pour donner aux adolescents « les clés pour être acteur de la construction du monde de demain ». De fait, un journaliste considère en général que sa mission est d’informer les citoyens pour qu’ils puissent rendre meilleur le monde qui les entoure. En revanche, dans le secteur jeunesse, on veille plutôt à construire l’esprit critique des lecteurs. Un travail particulièrement exigeant, parce qu’il faut confronter les points de vue, et surtout surveiller les mots employés, car c’est d’abord là que s’exprime l’idéologie. Plus le public est jeune, plus la présentation de sujets complexes est malaisée. C’est d’ailleurs pour cela que certains titres se concentrent sur des sujets consensuels, comme la recherche d’un trésor, ou n’abordent que des sujets qui touchent directement l’enfant, comme le harcèlement scolaire.
Bayard Jeunesse a fait un autre choix, estimant que « cette révolution citoyenne, les “moins de 18 ans” la veulent. Avec plus d’énergie et plus d’envie. » On touche là un cercle particulièrement confortable : à force de diffuser des contenus idéologiques à des jeunes lecteurs, on constate qu’ils deviennent militants. On déduit qu’ils veulent des contenus plus marqués encore, on les leur donne, et ainsi de suite. Les parents ne sont apparemment pas de cet avis, la plongée des ventes en témoigne. Le groupe accuse 4% de baisse des ventes entre la saison 2021–2022 et la saison 2022–2023, sachant que la perte était déjà de 1,3% entre 2020–2021 et 2021–2022. Cela représente, entre 2020–2021 et 2022–2023, un trou de près de 20 millions d’euros dans le chiffre d’affaires. Comment réagira Bayard à cette sanction par le porte-monnaie ?